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Résultats des sénatoriales : la droite a réussi sa manip' pour s'asseoir sur la parité
Chez sénateurs LR, on n'a pas de beaucoup de femmes élues mais les hommes ont de l'imagination...
NICOLAS MESSYASZ/SIPA

Résultats des sénatoriales : la droite a réussi sa manip' pour s'asseoir sur la parité

Gros malins

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Les Républicains ont déployé des trésors d'imagination pour privilégier les hommes au Sénat. Au lendemain des élections sénatoriales de ce dimanche 24 septembre, la mission est accomplie... et tant pis pour la loi imposant la parité des listes !

Au Sénat, la parité progresse à tout petits pas. A l'issue des élections sénatoriales de ce dimanche 24 septembre, la nouvelle Chambre haute compte 100 femmes en son sein, contre 95 précédemment. Comment expliquer ce chiffre étonnamment bas, alors même que dans la grande majorité des départements, les listes doivent être paritaires et présenter alternativement un homme et une femme ? Un stratagème couvert depuis plusieurs années par Les Républicains (LR) donne une partie de la réponse...

Comme Marianne vous l'expliquait il y a deux semaines, le parti de droite a déployé toute son inventivité pour favoriser l'élection de sénateurs mâles au détriment de leurs camarades de sexe féminin. Au lendemain du scrutin, force est de constater que cette petite combine a parfaitement fonctionné : dans la quasi-totalité des départements dans lesquels l'astuce a été mise en place, des sénateurs de droite ont en effet été élus en laissant les candidates sur le bord de la route.

La technique est à la fois très simple et un rien tordue. Elle consiste, là où LR peut espérer conquérir plusieurs sièges de sénateurs, à déposer une liste dissidente en face de l'officielle conduite par un homme. A la tête de cette autre, évidemment, un homme. Comme cela, en répartissant subtilement leurs votes entre les deux listes, les grands électeurs peuvent parvenir à donner deux sièges à deux hommes (les têtes des deux listes), au lieu de les donner à un homme et une femme (le numéro un et la numéro deux d'une liste unique). Malin, non ?

Manche, Loiret, Loire : 6 hommes... 0 femme

Au sein de plusieurs départements ruraux, cette astuce a particulièrement bien fonctionné. A croire que dans l'esprit des cadres LR de ces territoires, il faut être un homme pour être compétent. Dans la Manche, par exemple, la combine a marché comme sur des roulettes. Philippe Bas et Jean Bizet, tous deux soutenus par LR et (faussement) adversaires le temps du scrutin, ont chacun remporté un siège. Et tant pis pour les femmes ! Même scénario dans le Loiret, où le candidat officiel de LR, Jean-Noël Cardoux, est élu en compagnie du candidat officieux, Hugues Saury, par ailleurs président du Conseil départemental.

La manip' est aussi parfaitement passée dans la Loire où Bernard Bonne, soutenu par LR, gagne sa place au Sénat en compagnie de Bernard Fournier, sénateur sortant LR... mais qui s'est présenté (officiellement) sans l'aval de son parti.

Certains départements plus grands ne sont pas en reste. Dans le Nord, la droite remporte six sièges. Trois hommes et trois femmes ? Pas du tout ! Par le jeu des dissidences, LR, UDI et divers droite réussissent à caser quatre hommes et seulement deux femmes. Du côté des officiels, Marc-Philippe Daubresse et Brigitte Lherbier sont élus sur la liste LR, tandis que Valérie Létard - rarissime tête de liste féminine à droite - et Olivier Henno gagnent deux sièges avec la liste UDI. A cela, s'ajoutent deux dissidents... masculins, évidemment : Jean-Pierre Decool - député LR pendant quinze ans - et Dany Wattebeld, longtemps encarté UDI, les accompagneront au Palais du Luxembourg.

Accroc dans le 92

Dans les Hauts-de-Seine, l'épidémie de dissidences masculines a toutefois coûté cher. Alors que la droite pouvait espérer emporter cinq sièges, elle retourne finalement au Sénat à quatre : une femme et trois hommes. A l'UDI Hervé Marseille s'ajoute ainsi le LR Roger Karoutchi mais aussi les dissidents LR Philippe Pemezec - défait aux dernières législatives - et Christine Lavarde. Il s'en est fallu de peu pour que cette dernière liste arrache un troisième siège et creuse un peu plus le déséquilibre entre les sexes.

Les Républicains se consoleront de cet accroc en constatant que leurs petits arrangements ne leur coûteront pas un centime, bien qu'ils ne soient pas vraiment en adéquation avec l'esprit de la loi. A l'inverse de ce qu'a prévu le législateur pour les élections législatives, à savoir de lourdes pénalités pour les partis qui présentent plus d'hommes que de femmes (et inversement), rien n'a été imaginé concernant les sénatoriales. A croire que l'imagination des politiques ne fonctionnerait qu'une fois la loi votée, pour en contourner l'esprit...

L'honneur serait toutefois sauf si LR prenait la décision d'exclure les dissidents de son groupe parlementaire. Or, aux dernières nouvelles, tous ces mâles élus sont les bienvenus.

Droit de réponse de Philippe Pémezec

Mise à jour de l'article

Ce mercredi 27 septembre, Philippe Pémezec a tenu à nous adresser le droit de réponse suivant : "Mis en cause dans cet article, je m’élève en faux contre les allégations qui y sont tenues.Il n’a jamais été question pour nous, au sein de la liste des maires du 92, Républicains et divers droite, d’un quelconque arrangement avec la liste officielle des Républicains : on ne peut pas nous reprocher à la fois d’avoir affaibli la droite en faisant liste à part et d’avoir monté une manipulation avec la liste Karoutchi.Je rappelle au passage que c’est nous qui incarnons le renouvellement et la féminisation puisque la n°2 de notre liste, Christine Lavarde, adjointe au maire de Boulogne, est devenue la plus jeune sénatrice de France.Enfin, je m’étonne qu’un journaliste aussi perspicace n’ait pas noté que la gauche des Hauts-de-Seine s’est organisée en trois listes, toutes tirées par un homme, pour remporter, à l’arrivée, trois postes de sénateurs mâles !".Précision de la rédaction au sujet des listes de gauche : il n'a pas échappé à notre perspicacité que LREM, le PCF et le PS ont effet remporté chacun un siège, au sein de listes portées par des hommes. Mais qui imagine sérieusement une alliance entre les communistes et les macronistes, idéologiquement aux antipodes ?

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne