Delphine Ernotte : “Nous allons être contraints de couper dans les programmes”

A la veille de la présentation du projet de loi de finances, la présidente de France Télévisions, Delphine Ernotte, était présente à l’édition 2017 de Télérama dialogue. Elle y a expliqué que la baisse des crédits alloués à France Télévisions impactera avant tout les programmes et donc la création. 

Par La rédaction de Télérama

Publié le 26 septembre 2017 à 21h00

Mis à jour le 08 décembre 2020 à 01h41

Deux ans après sa prise de fonction à la tête de France Télévisions, Delphine Ernotte était l’une des 36 invités de la cinquième edition de Télérama dialogue, ce lundi 25 septembre 2017, au Théâtre du Rond-Point, à Paris. L’occasion pour elle d’esquisser, avec son franc-parler habituel, un premier bilan de son action et de défendre avec acharnement un budget que le gouvernement veut lui rogner. Verbatim.

« Quand on met 1 euro dans France Télévisions, 50 centimes partent dans les programmes et 35 payent trois grandes missions (l’information, le sport et notre présence sur le territoire métropolitain et en outremer). Avec les 15 centimes restants, on finance TDF qui envoie les signaux de la TNT et les frais généraux à hauteur de 4 centimes.

Quand le gouvernement nous dit : vous allez devoir faire avec 50 millions en moins, nous allons être contraint de couper dans les programmes, dans la création. L’accord que nous avions avec lui et qui tombe à l’eau était le suivant : nous comprenions la nécessité de faire des économies et nous prenions notre quote-part. Nous nous sommes engagés principalement à baisser les effectifs. Cela n’est pas facile car si nous devons composer avec moins de monde, nos missions elles, restent les mêmes. En contrepartie : tout euro supplémentaire mis dans France Télévisions était destiné à financer la création. Quand on défend notre budget, ce n’est pas pour défendre des coûts de structure – on les fait baisser – c’est pour être capable de produire plus de séries françaises et de documentaires. C’est ça notre combat.»

« Il y a une appétence incroyable pour la fiction chez les téléspectateurs. Il est nécessaire de défendre la création française et de la promouvoir à l’étranger. Si on ne fait rien, on se réveillera mi américain, mi chinois dans dix ans parce que nous n’aurons pas été capable de défendre notre création. Alors, oui, il faut porter le projet d’un Netflix public européen et, pour le construire, il faut une véritable volonté politique commune à plusieurs pays de l’Union. La télévision de demain se construira avec plus de plateformes et si nous ne sommes pas capables d’élaborer une plateforme commune qui mette en avant la création française et européenne, on va se faire balayer par Netflix, Amazon et Apple. Nous devons faire preuve à la fois de patriotisme culturel et de patriotisme économique. »

« Les programmes culturels de France Télévisions sont pléthore et destinés aussi bien au grand public avec des émissions comme On n’est pas couché, Entrée LibreC à vous, Stupéfiant… que des programmes plus spécifiques comme Fauteuils d’orchestre, Prodiges, ou les captations de la Comédie-Française. Sur le numérique, notre plateforme Culturebox effectue un important travail, mais elle est malheureusement très peu connue. Nous avons un véritable effort d’éditorialisation à effectuer sur toute cette matière énorme, que nous ne mettons sans doute pas bien en avant. »

« Deux ans après mon arrivée, les choses ont changé même s’il faut bien sûr continuer à rééquilibrer l’antenne avec plus de femmes et de jeunes de toutes les origines géographiques et sociales… La télévision publique doit être à l’image des téléspectateurs, ce qu’elle n’a pas su être dans le passé. Nous avons par exemple travaillé pour qu’il y ait plus de femmes invités comme expertes sur les plateaux. Nous ne sommes pas au bout de nos peines mais nous avons progressé, nous sommes aujourd’hui à 35 % d’expertes contre 30, il y a un an. Notre objectif est d’aboutir à une mixité parmi les experts dans les différents magazines de la chaîne. »

« Quand on se trouve dans certains coins de France, on se rend compte que la télévision reste le premier divertissement, parfois le seul. Cela dit la place qu’a encore la télévision. A Paris, dans les milieux pétris de culture, on a une approche de la télévision plus distante, plus froide. Les gens qui peuvent aller régulièrement au cinéma ou au théâtre ont moins besoin de l’outil télévision. Dans les médias, nous sommes jugé par des gens qui ont généralement accès à beaucoup de culture et moi, je suis sensible à ceux qui n’ont pas accès à beaucoup de culture. Les chaînes de France Télévisions sont regardées tous les jours par un Français sur deux et toutes les semaines par 90% des Français, donc nous parlons à tout le monde. Il est important de ne pas oublier qu’on parle à Paris mais aussi à des petits coins de province où il n’y a pas grand-chose d’autre à voir que ce que l’on propose de manière générale à la télévision et à la télévision publique en particulier. »

Delphine Ernotte était interrogée sur la scène du Théâtre du Rond-Point par Olivier Milot. Transcription par Clara Delente.

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