Algérie - Bouteflika : un cinquième mandat tout à fait plausible

D'aucuns excluaient l'éventualité d'un nouveau mandat de Bouteflika. L'évolution des scénarii politiques les conduit à tempérer leur opinion.

Par Amayas Zmirli, à Alger

Le président algérien Abdelaziz Bouteflika en fauteuil roulant vote lors des législatives, le 4 mai 2017 à Alger.
Le président algérien Abdelaziz Bouteflika en fauteuil roulant vote lors des législatives, le 4 mai 2017 à Alger. © Ryad Kramdi

Temps de lecture : 6 min

L'hypothèse d'un cinquième mandat du président Abdelaziz Bouteflika devient de moins en moins surréaliste en Algérie. Aujourd'hui, ses alliés comme ses opposants sont convaincus que rien ne pourrait l'empêcher de se représenter lors de la prochaine élection présidentielle d'avril 2019. « L'idée d'un quatrième mandat était déjà farfelue. Mais nous sommes face à un pouvoir qui est incapable de produire un leader », déclare au Point Afrique Mohcine Belabbas, président du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD), un parti de l'opposition.

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«  Seul Dieu sait... »

Un ancien chef du gouvernement va encore plus loin. « Si Dieu lui prête vie et s'il récupère sa santé, ce que je lui souhaite personnellement, il n'y a aucune raison d'exclure un cinquième, voire un sixième mandat. Le président n'aurait jamais eu un deuxième, un troisième ou un quatrième sans la bénédiction, le bon vouloir, les efforts et les choix décisifs de la machinerie du système. En réalité, il n'aurait même pas eu un premier mandat », assure Sid Ahmed Ghozali dans un entretien publié par le site d'information TSA.

Dans le camp des partisans du chef de l'État, on partage la même certitude : le chef de l'État peut bel et bien aller vers un cinquième mandat s'il reste encore en vie. « Honnêtement, je ne l'exclus pas ! Seul Dieu sait s'il y aura ou pas un cinquième mandat », avoue Abdelaziz Ziari, ancien président de l'Assemblée populaire nationale (APN) et ancien cadre dirigeant du Front de libération nationale (FLN) dans un entretien à TSA. Le débat autour de cette question du quatrième mandat a d'ailleurs été lancé par ce même parti politique.

Fin décembre, le secrétaire général du FLN a annoncé son soutien au cinquième mandat du président Bouteflika. « En 2004, quand je vous ai parlé du quatrième mandat, vous avez rigolé. Sauf qu'on a une vision (au FLN) », avait alors déclaré Djamel Ould Abbès en marge d'une rencontre de son parti. « Tant qu'on est au pouvoir et, en 2019, on sera inch'allah (si Dieu le veut) toujours au pouvoir, notre candidat et donc celui qui va gagner sera le président du parti s'il accepte », avait-il ajouté.

Luttes internes

Sa déclaration suscite alors la polémique et relance le débat sur l'état de santé du président de la République. Le secrétaire général du FLN tempère alors ses propos. Il réitère régulièrement son soutien au cinquième mandat tout en le conditionnant par l'accord du président Bouteflika. En même temps, le secrétaire général du FLN ne manque aucune occasion pour fustiger ceux qui font partie du cercle de soutiens du chef de l'État et qui nourrissent des « ambitions » présidentielles, selon lui.

Dans la classe politique, personne n'ignore les ambitions des partisans du président. « L'essentiel des acteurs et des partis politiques du pouvoir continue à sponsoriser la candidature de l'actuel chef de l'État (pour un cinquième mandat, NDLR) même si je sais qu'il y a un certain nombre de personnages dans les rangs du système qui sont en train de ruser et qui ne désespèrent pas d'une éventuelle non-candidature du chef de l'État pour prendre sa place », explique Mohcine Belabbas.

Flou total autour de la santé du chef de l'État

Mais est-ce que la candidature d'Abdelaziz Bouteflika est vraiment possible vu son état de santé ? En 2013, le président algérien, qui était alors âgé de 76 ans, est victime d'un AVC affectant lourdement sa mobilité et sa capacité d'allocution. Près d'une année après son hospitalisation, il demande à son Premier ministre et l'un de ses plus proches collaborateurs, Abdelmalek Sellal, d'annoncer sa candidature. Abdelaziz Bouteflika a été réélu pour un quatrième mandat sans animer aucun meeting ou prononcer un seul discours à la nation.

Son état de santé s'est-il amélioré ou dégradé davantage ? Trois ans après son élection, les Algériens ignorent tout de l'évolution de l'état de santé de leur président âgé aujourd'hui de 80 ans. Tous constatent cependant son absence. Depuis le début de l'année, Abdelaziz Bouteflika a présidé deux conseils des ministres et a pris part aux festivités au 55e anniversaire de l'indépendance du pays en se recueillant au Carré des martyrs du cimetière d'El Alia.

En public, ses partisans affirment qu'il exerce normalement ses fonctions. Sauf que le chef de l'État apparaît de moins en moins et ne reçoit que très rarement ses homologues. En août, le président français lui a adressé une lettre où il annonce clairement sa volonté d'effectuer une visite en Algérie. « Beaucoup de travail a déjà été effectué, et les prochains mois seront marqués par une série de rendez-vous majeurs qui permettront de préparer le projet de grande visite officielle que je serais très heureux et honoré d'effectuer en Algérie, au moment qui vous conviendra », avait précisé Emmanuel Macron.

Cette visite officielle n'a toujours pas eu lieu. Et aucune date n'a été fixée pour ce rendez-vous majeur pour les deux pays. En février dernier, c'est le déplacement de la chancelière allemande, Angela Merkel, qui a été annulé à la dernière minute. La présidence de la République avait alors évoqué une « indisponibilité temporaire » due à « une bronchite aiguë ». Plus récemment, Abdelaziz Bouteflika n'avait pas reçu le président d'un pays ami, le Venezuela.

Et que dit la nouvelle Constitution ?

Le dernier entretien du président Bouteflika avec un dirigeant étranger remonte au 28 mars dernier. Le chef de l'État avait alors reçu son homologue congolais Denis Sassou-Nguesso. « S'il ne trouve pas une solution à la succession et donc l'homme qui doit lui succéder en 2019, il va encore « se sacrifier pour l'Algérie » comme il l'a fait pour le quatrième mandat », ironise Rachid Grim, politologue, dans un entretien à TSA, avant d'ajouter : « Légalement, il a le droit de se représenter. Avec la nouvelle constitution, on redémarre à zéro. »

Est-ce que le président algérien a vraiment le droit d'aller vers un cinquième mandat après la révision de la Constitution en février 2016 ? « Sur le plan juridique, cela n'est pas possible », tranche Fatiha Benabou, constitutionnaliste. « Nous ne sommes pas devant une nouvelle Constitution. C'est une révision constitutionnelle qui a été adoptée par le Parlement réuni en ses deux chambres », explique-t-elle. En 2016, le président Bouteflika réintroduit la limitation des mandats à deux après avoir supprimé cette disposition en 2008 pour briguer un troisième mandat.

«  Cet article (88) fait partie de ce qu'on appelle les dispositions intangibles. Cela veut dire que si on touche à cette disposition, on fait exploser la Constitution. S'il (le président de la République) veut casser le verrou, il ne pourra jamais supprimer cette disposition à travers une nouvelle révision. Le chef de l'État doit aller vers une nouvelle Constitution », développe la constitutionnaliste. Pourtant, notre juriste sait bien que la Constitution n'a jamais été un obstacle. « Politiquement, la Constitution n'est qu'une barrière en papier pour lui. »