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E la nave va

STX : entre Paris et Rome, la bataille navale est terminée

Français et Italiens ont enfin trouvé un accord sur l'avenir des chantiers navals de Saint-Nazaire. Fincantieri va pouvoir piloter STX France mais sous surveillance.
par Alain Auffray, à Lyon et Jean-Christophe Féraud
publié le 27 septembre 2017 à 19h31

Après des semaines de bataille navale, Francais et Italiens ont fini par trouver un compromis sur l’avenir des chantiers navals de Saint-Nazaire, dont les deux pays se disputaient farouchement le gouvernail. Le sommet franco-italien de Lyon a permis d'officialiser cette paix des braves qui sera annoncée dans la soirée par le président Emmanuel Macron et le chef du gouvernement italien Paolo Gentiloni.

L’industriel italien Fincantieri va donc prendre 50% de STX France, auxquels s’ajoutera 1% prêté par l’Etat français pour une durée de douze ans. Ce 1% fait toute la différence puisqu’il permet à Fincantieri d’avoir la majorité du capital et la direction de l’entreprise. La France pourra néanmoins reprendre son prêt en cas de divergence et opposer un veto à la nomination du PDG. Mais dans les faits, c’est Fincantieri qui pilotera les fameux Chantiers de l’Atlantique.

Dans le détail, l'Etat français détiendra 34,4% du capital de STX France. Le groupe de construction militaire Naval Group (ex-DCNS) prendra 10% des parts, les salariés auront 2% et les entreprises sous-traitantes et autres acteurs locaux intéressés auront 3,66%. Côté gouvernance, le conseil d'administration reflètera un certain équilibre avec quatre représentants de Fincantieri, deux pour l'Etat français, un pour Naval Group et un dernier siège pour les salariés.

«Airbus des mers»

Le montage permet donc au groupe italien de prendre la barre des chantiers de Saint-Nazaire, sans que le camp français perde la face. En échange de cette concession, Paris a réussi à pousser une alliance franco-italienne à vocation militaire  : Naval Group (ex-DCNS) et Fincantieri pourraient échanger des participations de l'ordre de 10%, développer et vendre ensemble frégates et autres bâtiments de surface avec leurs systèmes d'armes… Ce projet dont rêvait le patron de Naval Group Hervé Guillou était en chantier depuis des années sous le nom de code «Magellan» mais se heurtait jusque-là aux vetos de Paris et Rome. Le gouvernement français l'a réactivé avec l'arrivée d'Emmanuel Macron au pouvoir. Le président, qui ne jure plus que par la coopération industrielle européenne comme on l'a vu avec son feu vert à la fusion Siemens-Alstom, aura peut-être ainsi son «Airbus des mers» après son «Airbus du rail»…

Vendus par Alstom en 2006, les Chantiers de l'Atlantique cherchaient un repreneur depuis la faillite de leur actionnaire coréen STX et suscitaient des convoitises chinoises en raison de leur savoir-faire en matière de grands navires de croisière. Mais l'aspect stratégique de Saint-Nazaire a conduit Paris à intervenir dans le dossier jusqu'à menacer de «nationaliser». Les chantiers de l'Atlantique disposent en effet de la seule grande «forme» (cale sèche) susceptible de construire un porte-avions pour donner un «sister ship» au Charles-de-Gaulle, actuellement en révision à Toulon

L'accord trouvé avec Fincantieri permet à Saint-Nazaire de sortir d'une période de crise plus politique qu'économique. Si l'actionnaire coréen allait mal, STX France dispose pour sa part d'un carnet de commandes rempli à ras bord avec au moins dix ans de travail assuré pour ses 2 500 ouvriers et 5 000 sous-traitants. L'armateur italien MSC et l'américain Royal Caribbean viennent notamment de commander plusieurs gros paquebots.

Comme dans le cas d'Alstom, l'entreprise va bien donc mais alors pourquoi lâcher le manche au profit d'une gouvernance étrangère ? Parce que dans les deux cas, aucun industriel ou financier français n'a répondu présent et que mieux vaut un repreneur européen qu'un chinois, expliquent en substance les sources gouvernementales : «Si nous le faisons, dans le cas d'Alstom comme dans celui de Saint-Nazaire, c'est parce que nous jugeons que c'est dans notre intérêt», dit un conseiller du prince.

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