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Premières ondes gravitationnelles détectées en Europe

La déformation de l’espace-temps engendrée par une fusion de trous noirs a été captée par l’instrument Virgo, en Italie, en lien avec un détecteur américain.

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Publié le 27 septembre 2017 à 18h36, modifié le 28 septembre 2017 à 13h36

Temps de Lecture 4 min.

Et de quatre. La litanie du passage d’ondes gravitationnelles sur Terre se poursuit. Elles font vibrer l’espace-temps qui nous entoure à la manière d’un veau en gelée secoué par un cuisinier. Par trois fois déjà, des détecteurs ont observé à leur passage les minuscules dilatations et contractions des distances sur moins du millième du diamètre d’un électron.

Cette fois la nouveautĂ©, annoncĂ©e mercredi 27 septembre, est triple. C’est la première fois que les scientifiques europĂ©ens observent ces infimes oscillations dans leur dĂ©tecteur, Virgo, installĂ© près de Pise en Italie. Le 14 aoĂ»t, les deux longs bras lumineux de trois kilomètres de l’instrument ont senti le passage d’une telle onde, 14 millisecondes après sa traversĂ©e d’un des deux dĂ©tecteurs de leurs homologues amĂ©ricains, LIGO, Ă  Livingston (Louisiane). Et 6 millisecondes après la mĂŞme secousse enregistrĂ©e sur le second dĂ©tecteur LIGO Ă  Hanford (Etat de Washington).

L’origine de ces secousses sans gravitĂ© est, comme les trois fois prĂ©cĂ©dentes, la fusion de deux trous noirs massifs (respectivement 30 fois et 25 fois plus lourds que le Soleil) qui spiralent l’un autour de l’autre avant de ne faire plus qu’un. Dans le mariage, une Ă©nergie correspondant Ă  la disparition de la masse de presque trois soleils s’est dissipĂ©e, agitant l’espace-temps comme un galet faisant onduler la surface d’un lac. Tout ceci Ă  environ 1,8 milliard d’annĂ©es-lumière de la Terre.

« Cela faisait vingt-cinq ans que j’attendais un tel Ă©vĂ©nement Â», savoure Matteo Barsuglia, directeur de recherche au CNRS et responsable de l’équipe Virgo au laboratoire AstroParticules et Cosmologie Ă  Paris.

« J’étais dĂ©jĂ  content pour la première annonce en fĂ©vrier 2016, car la collaboration avec LIGO est Ă©troite et forte depuis longtemps et nous leur avons donnĂ© des idĂ©es, fourni les miroirs, Ă©changĂ© des post-docs. Et LIGO nous a aidĂ©s Ă  fonctionner au dĂ©but Â», explique Alain Brillet, directeur de recherche du CNRS, qui, mercredi, a aussi appris qu’il recevrait la mĂ©daille d’or 2017 du CNRS. « Certes, nous avions cosignĂ© les dĂ©couvertes prĂ©cĂ©dentes avec LIGO, mais c’était Ă©nervant de pas avoir de signal dans notre propre instrument Â», indique Jean-Yves Vinet, directeur de recherche au CNRS Ă  l’Observatoire de la CĂ´te d’Azur.

Un événement cosmique cataclysmique

C’est désormais chose faite, mais de justesse car les trois détecteurs n’ont fontionné qu’un mois ensemble, en août, avant d’être arrêtés pour un an environ afin que des travaux soient effectués pour augmenter leur précision.

« C’est merveilleux de voir un premier signal d’ondes gravitationnelles dans notre tout nouveau dĂ©tecteur seulement deux semaines après qu’il a officiellement commencĂ© Ă  prendre des donnĂ©es Â», a dĂ©clarĂ© Jo van den Brand, de l’universitĂ© libre d’Amsterdam et porte-parole de la collaboration Virgo, lors de la confĂ©rence de presse qui s’est tenue Ă  Turin en marge du sommet G7 des ministres de la recherche. Virgo est en effet un instrument principalement franco-italien lancĂ© en 1993 par le CNRS et son homologue transalpin, l’INFN.

Principe de détection des ondes gravitationnelles.

Outre la cĂ©lĂ©bration de cette première, cette mesure de Virgo apporte une nouvelle prĂ©cision. La dĂ©tection simultanĂ©e par trois « antennes Â» permet de mieux localiser dans le ciel l’origine de cet Ă©vĂ©nement cosmique cataclysmique.

D’une Ă©norme rĂ©gion en forme de banane, la zone s’est transformĂ©e, grâce Ă  l’apport de Virgo, en une cacahuète dix fois plus petite, et grande environ comme 300 pleines lunes. Elle est situĂ©e dans l’hĂ©misphère Sud vers la constellation de l’Eridan. « On commence Ă  pouvoir pointer vers le ciel Â», rĂ©sume Matteo Barsuglia.

C’est d’ailleurs le but de ces détecteurs de se transformer en véritable observatoire du ciel complémentaire de tous les autres, qui sont automatiquement alertés en cas de détection simultanée dans Virgo et LIGO.

Théorie d’Einstein confirmée

Mais, cette fois, comme pour les trois dĂ©tections prĂ©cĂ©dentes, aucun des vingt-cinq tĂ©lescopes terrestres ou spatiaux observant le ciel dans le visible, les rayons X, les infrarouges ou les rayons gamma… n’a trouvĂ© d’objet qui pourrait coĂŻncider avec cette source. « Comme GalilĂ©e regardant dans sa lunette, c’est une nouvelle percĂ©e en astronomie. Une nouvelle façon de voir l’univers. La suite promet d’être excitante Â», prĂ©voit Barry Barish, qui a dirigĂ© l’expĂ©rience LIGO entre 1994 et 2005.

Les ondes gravitationnelles, une déformation de l’espace-temps.

Enfin, cette dernière détection simultanée a permis de confirmer une autre prédiction de la théorie de la relativité d’Einstein sur la nature de ces ondes. Les équations d’Einstein prédisent l’existence de ces ondes mais précisent aussi qu’elles sont de nature différente des ondes électromagnétiques. Elles ont, comme elles, une polarisation, c’est-à-dire des orientations privilégiées, mais un peu plus étrange.

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Lorsqu’elles se propagent, elles étirent et contractent les distances dans deux directions du plan perpendiculaire à leur avancée, au lieu d’une. Un collier de perles circulaire se transforme ainsi en ellipse.

Et c’est exactement ce qu’ont pu voir LIGO et Virgo, mais qui avait Ă©chappĂ© Ă  LIGO seul car ses deux dĂ©tecteurs Ă©taient « alignĂ©s Â» de la mĂŞme façon, empĂŞchant de mesurer complètement la polarisation.

« Tous ces rĂ©sultats sont un magnifique succès expĂ©rimental. Ils confirment une nouvelle fois la thĂ©orie d’Einstein Â», souligne Thibault Damour, professeur Ă  l’Institut des hautes Ă©tudes scientifiques et colaurĂ©at, avec Alain Brillet, de la mĂ©daille d’or du CNRS.

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