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Réforme fiscale de Trump : «Un cadeau pour les plus riches, payé par la classe moyenne»

Le président américain a présenté ses mesures de réductions d'impôts pour les entreprises et les ménages. Une réforme radicale qui passe mal, même dans le camp républicain.
par Isabelle Hanne, correspondante à New York
publié le 28 septembre 2017 à 10h32

Dans l'ordre des priorités de Donald Trump à son arrivée à la Maison Blanche, il y avait d'abord l'abrogation d'Obamacare, la réforme de l'assurance santé de son prédécesseur, «from day one». Puis, dans un second temps, le nouveau président américain promettait une réforme fiscale de grande ampleur. A défaut d'avoir, neuf mois après son investiture et malgré une majorité au Congrès, réussi à faire la première, il lance désormais les jalons de la seconde. Donald Trump a présenté, mercredi à Indianapolis, une réforme fiscale qu'il juge «révolutionnaire». Cette grande refonte, la première depuis Ronald Reagan en 1986, est désormais la nouvelle priorité du camp républicain, après l'échec cuisant de la réforme de la couverture maladie.

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«Pro-croissance, pro-emplois, pro-familles, pro-Américain»

«Vous voulez juste des réductions d'impôts massives, c'est ça qui vous rend aussi déchaînés!», a lancé Trump à la foule enthousiaste de la capitale de l'Indiana. Axe majeur de sa réforme, une forte réduction de l'impôt sur les sociétés, qui passerait de 35% à 20% – un compromis : initalement, Trump défendait un passage à 15%, mais ses partenaires au Congrès ont jugé cette baisse irréaliste. Pour le président américain, il s'agit d'un projet «pro-croissance, pro-emplois, pro-familles, pro-Américain. Nous allons faire revenir les emplois et les richesses qui ont fui notre pays. Il est temps de se battre pour nos travailleurs américains».

Cette baisse «drastique» permettra «aux groupes américains de l'emporter face à nos concurrents étrangers et de gagner de nouveau», a assuré le président qui martèle sa conviction que la croissance américaine peut passer au-dessus de la barre des 3%. Les grands bénéficiaires de cette réforme, selon Trump : «Les travailleurs de la classe moyenne, lorsque les emplois reviendront en masse dans notre pays.» Autre axe de la réforme, une réduction de l'impôt fédéral sur le revenu, également moins progressif (trois tranches au lieu de sept), et un taux de prélèvement maximum à 35%, au lieu de 39,6%.

Carte postale

Pour les Républicains, cette réforme vise la simplification fiscale, «pour que la déclaration d'impôt d'un Américain tienne sur une carte postale», expliquait en avril le secrétaire au Trésor, Steve Mnuchin. Et notamment, via la suppression de nombreuses déductions et niches fiscales – ce sera au Congrès de décider lesquelles –, le code des impôts étant devenu très complexe au fil des décennies. Satisfaisant une vieille revendication des républicains, l'«impôt sur la mort», ainsi que les conservateurs appellent l'impôt sur les successions, serait aboli.

Pourtant, cette réforme risque fort de ne pas être plus facile à faire voter que celle sur la couverture santé. Au sein de la majorité, l'unanimité n'est pas gagnée, les élus républicains n'étant pas forcément d'accord pour supprimer telle ou telle déduction, et le parti, très divisé, avance en ordre dispersé. Et si les républicains disposent d'une majorité absolue à la Chambre et au Sénat, une majorité qualifiée de trois cinquièmes est généralement requise dans la seconde. Sauf à étendre certaines spécificités législatives qui leur permettraient de se contenter d'une majorité simple – ce que certains cadres républicains comptent faire, selon le New York Times –, ils devront recevoir l'appui d'une partie de l'opposition démocrate. A Indianapolis, Trump a d'ailleurs appelé «les démocrates et les républicains du Congrès à se rassembler» : «Il n'y a aucune raison que les démocrates et les républicains au Congrès n'arrivent pas à se mettre d'accord pour produire cette immense victoire pour le peuple américain.»

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Country clubs

Aucune raison ? «Ce n'est pas une réforme fiscale, c'est un cadeau pour les plus riches, payé par la classe moyenne», a déjà tranché Nancy Pelosi, chef des démocrates de la Chambre. Le sénateur du Vermont et ancien candidat à l'investiture démocrate, Bernie Sanders, a, lui, dénoncé des propositions «moralement répugnantes».

«Il semble que le président Trump et les républicains ont conçu cette réforme pour être acclamés dans les coutry clubs et les salles des conseils d'administration» des entreprises, a critiqué le chef de la minorité démocrate au Sénat, Chuck Schumer (New York). Les démocrates ont d'ailleurs tracé leur ligne rouge : pas un centime de baisse de la fiscalité pour les 1% de ménages les plus riches. Interrogé sur ce point, Trump a martelé sa conviction que la réforme bénéficierait «très peu aux gens fortunés». Il a ajouté : «Je fais ce qui est juste et, croyez-moi, ce n'est pas bon pour moi.» Le sénateur démocrate de l'Oregon Ron Wyden a ironisé : «Si la réforme est faite pour la classe moyenne, alors la Trump Tower est un logement pour la classe moyenne.»

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