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Le projet de loi antiterroriste "menace" les libertés, s'inquiètent des experts de l'Onu

Le projet de loi antiterroriste "menace" les libertés, s'inquiètent des experts de l'Onu

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Une semaine apr��s qu'Emmanuel Macron a brandi les valeurs de la France à la tribune des Nations unies, un communiqué diffusé par le Conseil des droits de l'Homme de l'Onu pointe ce mercredi les "restrictions aux libertés civiles" portées par le projet de loi antiterroriste actuellement débattu au Parlement pour remplacer l'état d'urgence.

Inquiétude sur le respect des droits de l'Homme en France. Alors que l'Assemblée nationale examine le projet de loi antiterroriste du gouvernement pérennisant dans le droit ordinaire des dispositions de l'état d'urgence, la France se fait épingler ce mercredi 27 septembre dans un communiqué diffusé par le Conseil des droits de l'Homme de l'Onu. Et ce, une semaine après qu'Emmanuel Macron s’est exprimé pour la première fois au siège des Nations unies, brandissant en introduction les valeurs françaises de "liberté", "justes" et qui "permettront d’éviter que le pire n’advienne".

"La normalisation par ce projet de loi des pouvoirs d'urgence menace gravement l'intégrité de la protection des droits en France", rétorque dans le communiqué l'Irlandaise Fionnuala Ní Aolain, rapporteuse spéciale sur la promotion et la protection des droits de l'Homme et des libertés fondamentales dans la lutte contre le terrorisme. Une inquiétude partagée par son collègue français Michel Forst, rapporteur spécial sur la situation des défenseurs des droits de l'Homme. Ces experts, indépendants de tout gouvernement ou organisation, ne sont pas fonctionnaires de l'Onu et ne reçoivent pas un salaire pour leur travail, volontaire.

Fionnuala Ní Aolain, qui a pris ses fonctions en août, a adressé le 22 septembre une lettre au gouvernement français pour souligner que plusieurs dispositions du projet de loi menacent selon elle l'exercice des droits à la liberté et à la sécurité personnelle, le droit d'accès à la justice, et les libertés de circulation, d'assemblée pacifique et d'association, ainsi que d'expression, de religion ou de conviction. "Le projet de loi comprend un certain nombre de mesures de sécurité qui intégreront dans le droit commun plusieurs des restrictions aux libertés civiles actuellement en vigueur dans le cadre de l'état d'urgence en France", souligne l'experte. Pour elle, la durée de l'état d'urgence doit être limitée dans le temps, révisée régulièrement et répondre aux critères de nécessité et de proportionnalité.

L'assignation à résidence contestée

Retoqué par le Sénat en juillet, le projet de "loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme" est arrivé cette semaine devant l'Assemblée nationale, qui a voté dans la nuit l'une de ses dispositions les plus controversées : les assignations à résidence. Le projet prévoit que celles-ci pourront être prononcées à l'avenir à l'égard d'individus soupçonnés de sympathie vis-à-vis de la mouvance terroriste et ce, bien qu’il n’y ait pas assez d'éléments pour les poursuivre en justice. Cette mesure, censée remplacer les assignations à résidence prévues dans le cadre de l’état d’urgence - qui doit prendre fin à l’automne -, ne pourra excéder une durée d'un an et devra s’étendre au minimum à la commune. Les personnes visées devront se présenter à la police une fois par jour, contre trois fois sous l'état d'urgence, et "fournir tous leurs numéros de téléphone et identifiants de communication électronique". Elles pourront a posteriori, dans les 48 heures, avoir recours à un juge administratif.

Pour son rapporteur Raphaël Gauvain (LREM), les mesures administratives de surveillance s’imposent. La gauche dénonce en revanche "une République des suspects". L'Insoumis Ugo Bernacilis s’alarme par exemple: "Soit on a des éléments et on peut judiciariser, soit on n'en a pas"…

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne