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Il y a 60 ans, le premier grand accident nucléaire avait lieu à Kychtym, en Russie

Publié le 29 Sep 2017 à 10H00 Modifié le 29 septembre 2017
Même si une nouvelle unité a été construite en 1987, le complexe nucléaire Maïak reste l’un des sites les plus pollués au monde par la radioactivité.
Le 29 septembre 1957, dans un site militaire russe produisant du plutonium, a lieu le premier accident nucléaire de l'Histoire. Il ne sera révélé au public occidental qu'en 1976.

Les antennes de la CIA crépitent. Les renseignements américains viennent d’apprendre, en ce début d’automne 1957, qu’un accident nucléaire majeur vient d’irradier les forêts sibériennes, au sud de l’Oural, à proximité de Kychtym, à 70 km au nord de Tcheliabinsk. Explosion d’un réacteur ? Essai raté d’une nouvelle arme ? Les avions espions U2, qui survolent régulièrement la zone, enchaînent les clichés du grand complexe chimique dissimulé dans la taïga.

Le site ne figure sur aucune carte. Il n’a d’ailleurs aucun nom, si ce n’est une vague référence postale : Tcheliabinsk-40. C’est pourtant là qu’ont été construits, à partir de 1945, les réacteurs qui produisent le plutonium destiné à l’arme nucléaire soviétique.

Que s’y est-il passé ? Les milliers d’habitants des villages alentour l’ignorent eux-mêmes. Les militaires leur demandent d’évacuer. Beaucoup sont admis d’urgence à l’hôpital pour des pathologies mystérieuses. Les décès s’additionnent, la panique se répand.

Le silence de l’Occident

La CIA choisit, elle aussi, de garder le silence. Les dysfonctionnements du réacteur Enrico Fermi, près de Détroit, ont déjà suffisamment échauffé les esprits. En Angleterre, un accident de réacteur, à Windscale, a suscité, un an avant, une levée de boucliers. Les manifestations se multiplient contre les dangers du nucléaire. Des deux côtés du rideau de fer, une même chape de plomb se referme donc sur « l’incident de Kychtym ».

Elle ne sera brisée que vingt ans plus tard, par le dissident soviétique Jaurès Medvedev. Exilé au Royaume-Uni, ce biologiste raconte, dans le New Scientist du 4 novembre 1976, ce qui ressemble fort à l’explosion accidentelle d’une grosse quantité de déchets nucléaires, qui aurait contaminé une vaste zone sur un rayon d’une centaine de kilomètres. Medvedev est surpris de la vague médiatique qu’il provoque : cette histoire n’était donc pas connue en Occident ? Non, apprend-il.

Les révélations délient les langues

Or, la question des déchets nucléaires y fait justement l’objet de débats virulents. Les experts clament qu’un accident d’une telle ampleur, à partir de simples déchets, est techniquement impossible. Le directeur de l’Autorité de l’énergie atomique du Royaume-Uni qualifie son récit de « pure science-fiction » . La CIA reconnaît, du bout des lèvres, avoir eu vent d’un accident nucléaire qui aurait provoqué « quelques » décès fin 1957. Mais les Soviétiques, rassure-t-elle, ont sécurisé le site.

D’après Science & Vie n°1200 (septembre 2017), p.132 – Lire en intégralité (abonnés numériques) – Lire dans Les grandes archives (abonnés)

Lire également dans Les grandes archives de Science & Vie :

Le choc Fukushima — S&V n°1124 (2011). « Une catastrophe totale, qu’aucun scénario n’avait envisagée, donnant à voir, jour après jour, l’ahurissant spectacle de l’impuissance à maîtriser la situation. […] En France, où il apparaît de plus en plus clairement que l’exploitation du parc nucléaire n’est pas exempte de défauts » , S&V retient 6 points à maîtriser : risques naturels, refroidissement, confinement, fusion du cœur, secours et zones contaminées.

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