Elles étaient quelques milliers sur Facebook, beaucoup moins dans la rue, pour réclamer, à Amsterdam, le droit de faire pipi et de disposer enfin d’urinoirs publics. Il n’empêche : les « Dolle Minas », ces « enragées » néerlandaises inspirées par le combat de Wilhelmina Drucker, icône de la lutte féministe au XIXe siècle, se rappellent au bon souvenir de leurs compatriotes.
Vendredi 22 septembre, sous les yeux interrogateurs des passants et des touristes présents aux abords de la Leidseplein, en plein centre-ville, quelques jeunes femmes accroupies sur des pots de chambre, et à peine cachées par des rideaux marqués « Occupé », entendaient dénoncer le récent jugement d’un magistrat de la ville. Il avait trouvé justifiée l’amende infligée, en 2015, à une jeune femme qui, faute de toilettes publiques, avait été contrainte de s’accroupir en pleine rue.
Sur 35 lieux, trois accessibles aux femmes
Rallumant la flamme du mouvement féministe qui, au début des années 1970, réclamait des crèches, la libéralisation de l’avortement ou le droit, pour les femmes, de s’inscrire dans toutes les universités, les Dolle Minas sont remontées au créneau. Leur action à Amsterdam devait être suivie d’une mobilisation nationale le lendemain, et des photos de femmes satisfaisant leur besoin très naturel envoyées à la ministre de la justice.
Les féministes estiment que le manque de toilettes dans une ville moderne et les commentaires livrés par le juge (en cas de besoin très urgent, une femme peut utiliser les urinoirs réservés aux hommes) sont indécents. Buvant eau et bière, arborant des ballons jaunes ornés de slogans – « Le besoin est plus fort que la loi », « La dernière goutte » –, les « Minas » expliquaient que, si Amsterdam comptait 200 urinoirs dans les années 1970, trois seulement étaient accessibles au sexe présumé faible. Et que la ville, qui ne compte plus que 35 lieux d’aisance à l’heure actuelle, n’a jamais tenu compte de leurs revendications.
« Le degré de civilisation d’une société se mesure à ses installations sanitaires » Dunya Verwey, militante féministe
La capitale des Pays-Bas a pourtant été longtemps dotée d’une très officielle commission des urinoirs. Créée en 1928 – et composée uniquement de représentants masculins –, elle a pris son temps pour réfléchir aux grands axes de la politique à suivre puisqu’elle n’a été démantelée qu’en 1985. La commission n’a toutefois jamais tranché entre les avantages et les inconvénients éventuels de toilettes féminines, estimant, en revanche, que la raréfaction des urinoirs pour hommes créerait un problème : des homosexuels s’y retrouvaient, une fois le soir tombé, pour des échanges furtifs.
La solution pour mettre fin aux discriminations envers les femmes aurait pu venir de France, avec les Sanisette, accessibles aux deux sexes et découvertes sur le tard par les experts de la municipalité. La Ville s’est toutefois opposée à leur installation, jugée trop coûteuse. Aujourd’hui, elle souligne que, sauf erreur, jamais personne n’a appelé le service du mobilier urbain afin de réclamer des toilettes pour femmes.
Explication risible, juge Dunya Verwey, 70 ans. Cette militante féministe néerlandaise explique dans le quotidien Het Parool que « le degré de civilisation d’une société se mesure à ses installations sanitaires » et que « dans ce domaine, les Pays-Bas sont désespérément à la traîne ».
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