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Les Petits Frères des pauvres alertent sur la « mort sociale » de nombreuses personnes âgées

L’association a fait réaliser une étude inédite auprès de 1 800 personnes. Parmi les plus de 60 ans, 900 000 personnes vivent dans un isolement profond.

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Publié le 29 septembre 2017 à 16h41, modifié le 30 septembre 2017 à 06h24

Temps de Lecture 4 min.

A l’hôpital Dr Frédéric Dugoujon, à Lyon, le 24 mai.

En France, 300 000 personnes âgées, soit 2 % des plus de 60 ans, connaissent un isolement qui confine à la « mort sociale » comme la nomme l’association Les Petits Frères des pauvres, qui a publié, jeudi 28 septembre une étude inédite sur la question. Ces personnes n’ont plus que de très rares contacts avec les quatre cercles relationnels essentiels : famille, amis, voisinage et associations. Une quasi-réclusion.

Réalisée auprès des plus de 60 ans – l’entrée dans la vieillesse selon les institutions comme l’Insee ou l’Organisation mondiale de la santé –, l’enquête menée par l’institut de sondage CSA au cours du mois de juin, a interrogé par téléphone, et surtout pas par Internet, 1 804 personnes représentatives de cette population. « Nous avons veillé à ce que les éternels oubliés ne le soient pas, explique Armelle de Guibert, déléguée générale de l’association, c’est-à-dire les personnes très âgées, de plus de 75, 85 et même 95 ans, mais aussi des résidents en maisons de retraite, les malades hospitalisés, les détenus, toutes ces populations habituellement hors du radar des sondages. »

« Ce n’est pas parce que vous êtes dans une structure collective, comme un Ehpad, que vous n’êtes pas isolé, constate François Debout, bénévole de 63 ans. J’ai connu, étudiant, les affreux hospices des années 1970, avec des chambres de quarante lits. Aujourd’hui, l’Ehpad procure certes le confort matériel mais, même si le personnel soignant est compétent et attentif, ce n’est pas une famille, une relation choisie, et l’on peut s’y sentir très seul. »

« C’est à 85 ans que la vie bascule »

L’enquête révèle que 6 % des plus de 60 ans, soit 900 000 personnes, vivent dans un isolement profond, c’est-à-dire qu’ils n’ont de relation ni avec leur famille ni avec leurs amis. En outre, 22 % des plus de 60 ans sont isolés du cercle familial, et 28 % n’ont plus d’amis. Beaucoup ne connaissent personne pour partager un repas (15 %), pour aller se promener avec eux (27 %) et à qui parler de choses intimes ou personnelles (32 %). La moitié des personnes de plus de 60 ans n’ont aucune activité associative et 11 % expriment le sentiment d’être très souvent seuls.

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L’isolement s’accroît, bien sûr, avec l’âge. « C’est à 85 ans que la vie bascule, le tissu relationnel s’appauvrit au fil des décès des frères, des sœurs, des amis », analyse Mme de Guibert. « Les personnes sont de moins en moins autonomes, ne sortent plus guère. Mais c’est aussi à ce moment-là que les enfants se mobilisent pour entourer leurs aînés », relativise-t-elle : 62 % des 80 ans et plus voient un de leurs enfants une ou plusieurs fois par semaine, contre 29 %, des 70-79 ans.

Fracture numérique

« C’est une bonne nouvelle qui prend à revers le discours défaitiste sur la famille, se félicite Michel Billé, sociologue spécialiste du vieillissement. L’éclatement des familles, la dispersion géographique ne facilitent pas les relations, mais il y a mille manières d’être présent, comme le téléphone et les nouveaux outils numériques qui, eux, permettent aussi de nouer le dialogue avec les petits-enfants. » Smartphones et tablettes, plus faciles à utiliser par une personne âgée qu’un ordinateur, entretiennent le lien : être dans la boucle des mails familiaux ou sur les réseaux sociaux pour se tenir informé des événements, échanger des photos, se parler avec le son et l’image, change tout. La commande vocale rend, en outre, un vrai service aux personnes qui ont du mal à utiliser un clavier. Cette communication, même à distance, fait que les aînés restent « dans le coup », connectés à la vie familiale.

Mais, constate l’étude, la fracture numérique pose justement problème, puisque 31 % des plus de 60 ans, 47 % des plus de 75 ans et 68 % des plus de 85 ans n’utilisent jamais Internet pour diverses raisons : faute de connexion, de familiarité avec l’outil mais aussi d’argent pour s’équiper et s’abonner. « Il est impératif de lutter contre le fossé numérique, insiste Mme de Guibert, parce que les administrations multiplient désormais les démarches en ligne, qu’on s’achemine vers la télémédecine… Même les sondages se font de plus en plus souvent par Internet et les exclus du numérique deviennent invisibles. » C’est dans les Hauts-de-France qu’ils sont les plus nombreux : 46 % des plus de 60 ans, contre 31 % de moyenne nationale.

Un phénomène plus fort à la campagne

Etre pauvre redouble le risque d’isolement : on n’invite plus chez soi, on refuse les invitations parce qu’on ne peut pas arriver avec un cadeau ou pour ne pas avoir à les rendre… Le sondage met également en relief un sentiment d’isolement plus fort à la campagne qu’en ville. Le phénomène touche le centre de la Bretagne, le Massif central, mais c’est en Bourgogne-Franche-Comté que les situations de « mort sociale » sont les plus fréquentes, touchant 5 % des personnes âgées (contre 2 % de moyenne nationale).

Le premier souhait des personnes interrogées est de rester chez eux et de pouvoir disposer de moyens de transports adaptés : « Autour de Rambouillet (Yvelines), il y a beaucoup de petits villages sans aucun commerce, ni moyen de transport, ni portage de repas », regrette M. Debout, qui voit nombre de ménages qui se sont installés à la campagne à l’heure de la retraite et se trouvent de fait très isolés. « C’est difficile d’identifier les personnes très seules, d’autant qu’elles n’acceptent pas facilement notre aide, dit-il. Une fois le lien tissé, nous allons, en voiture, les chercher chez elles, faisons les courses, organisons des rencontres régulières, des repas partagés hors de leur domicile, qu’elles n’ouvrent pas volontiers. »

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Les 11 500 bénévoles des Petits Frères des pauvres, qui accompagnent, sur le très long terme, 12 000 personnes âgées au rythme d’au moins une visite par semaine, connaissent bien ces situations.

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