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La Catalogne peut-elle devenir autonome sur le plan économique?

Les indépendantistes en sont évidemment persuadés. PIERRE-PHILIPPE MARCOU/AFP

Faisant fi de l'opposition du gouvernement espagnol, les autorités catalanes tentent d'organiser ce dimanche un référendum sur l'indépendance. Une éventualité qui pose la question de la viabilité économique de la province rebelle.

Barcelone est enfiévrée à l'approche du jour J fixé par les autorités catalanes pour un référendum sur l'indépendance de la province. Rien ne dit encore si ce vote, interdit par le gouvernement du royaume, aura lieu ce dimanche. Les autorités espagnoles ont multiplié les actions (saisie des urnes et des bulletins, périmètres de sécurité, encadrement policier ...) pour s'y opposer. Mais le gouvernement catalan, proséparatiste, maintient ses préparatifs. La Catalogne se rapproche donc un peu plus de l'indépendance. Si cela se produit, sera-t-elle un état viable économiquement?

La Catalogne concentre 20% de la richesse nationale

Les indépendantistes en sont évidemment persuadés. La Catalogne a beau être une petite province, limitée à 6% de la superficie de l'Espagne, elle est plus grande que la Belgique, aussi peuplée avec 7,5 millions d'habitants que la Bulgarie et, surtout, aussi riche que l'Irlande. Avec un PIB de 224 milliards d'euros en 2016, la Catalogne capitalise à elle seule un cinquième de la richesse du royaume. Seule région avec le Pays Basque à avoir accueilli la révolution industrielle, il y a deux siècles, elle surfe sur une économie particulièrement diversifiée. Le secteur agroalimentaire, tiré par l'industrie de la viande, est le premier employeur de la région. Mais, la province concentre aussi la moitié de la production chimique d'Espagne et produit 19% des automobiles fabriquées dans le royaume. Sa recherche, notamment dans les biosciences et le nucléaire, est pointue et elle est aussi présente dans le numérique et la pharmacie. Le tout en s'appuyant sur des puissantes banques.

Barcelone, qui peut également se targuer d'être la première région touristique de l'Espagne avec 18 millions de visiteurs en 2016, a donc les moyens de disputer la première place à Madrid. «En vingt ans, elle a multiplié ses exportations par 3,5», souligne Sofia Tozy, économiste chez Coface, au point de peser aujourd'hui près de 30% de l'export espagnol et d'afficher un excédent commercial de 27 milliards en 2016. Avec un PIB par habitant qui frôlait les 30.000 euros en 2016, si la Catalogne était indépendante, elle serait le 12ème pays de l'Union Européenne derrière la France, mais devant l'Italie et le reste de l'Espagne, pointe par ailleurs Éric Dor, économiste de l'Ieseg.

Elle porte une lourde dette...

Côté ombre, le taux de chômage de la Catalogne reste élevé, même s'il a chuté à 13,2 %, un niveau égal à celui de Madrid et inférieur de 4 points à celui de l'ensemble du pays. Surtout, la Catalogne porte un lourd handicap. Sa dette publique, égale à 36% du PIB catalan, est l'une des plus élevées du pays. Et nul doute que si Carlos Puigdemont, le président de la Generalitat, le gouvernement catalan, parvient à son but, Madrid exigera que la Catalogne reprenne sa quote-part de l'endettement national, qui est lui-même très élevé. L'Espagne se situe, en effet, avec une dette égale à 100% du PIB au deuxième trimestre 2017, au sixième rang européen des pays les plus endettés et elle n'entend pas porter seule ce fardeau. Si elle arrive à en transférer une part proportionnelle à la Catalogne, la dette de la province passerait alors de 74 milliards à 235 milliards d'euros, soit plus de 100% du PIB catalan, prévoient les économistes de Natixis. De quoi réduire un peu la confiance des agences de notation et des partenaires dans le nouvel État et peser sur sa croissance.

... mais est une province dynamique

Reste que, après la crise qui a épuisé le pays et a contraint Barcelone à réclamer en 2012 l'aide de Madrid, la Catalogne profite largement de la reprise. Elle vise une croissance de 2,7 % cette année. Et son dynamisme séduit: elle reçoit un quart des investissements étrangers et accueille 56% des fonds dédiés aux start-up. Autant d'incitations à voler de ses propres ailes. L'Espagne «ralentit notre développement», assurent les partisans de l'indépendance, convaincus par ailleurs qu'ils pourraient économiser 16 milliards d'euros par an, soit l'écart entre ce que la région verse à l'état central et ce qu'elle perçoit.

Barcelone peut aussi mettre en avant sa balance commerciale, excédentaire de 27 milliards en 2016. Ce serait un atout en cas de sortie de l'Union Européenne et de l'euro, souligne Éric Dor. Et il en faut, car en dépit de ses points forts économiques, la Catalogne risque de souffrir du bouleversement créé par un divorce. Les tensions politiques et la création de nouvelles frontières ont évidemment de fortes chances de faire plonger les exportations, dirigées aujourd'hui pour plus d'un tiers vers l'Espagne, et un autre tiers vers l'Union Européenne.

Des entreprises menacent de partir

Une scission risque aussi d'entraîner des délocalisations et de freiner le tourisme. Des entreprises installées en Catalogne envisagent de faire migrer leur siège à Madrid afin de conserver l'accès au marché européen. Début août, le patron du groupe d'alimentation NaturHouse, Félix Revuelta, a franchi le pas. Il a déménagé de Barcelone à la capitale. «Si on nous demande, à nous les entrepreneurs catalans, si nous voulons un marché de 550 millions d'Européens ou de 7,5 millions de Catalans, la réponse est claire», a-t-il expliqué au quotidien El Mundo. Une récession est envisageable, prévoient des économistes. Le ministre espagnol de l'économie Luis de Guindos, qui est évidemment opposé à l'indépendance, pronostique carrément un plongeon de 25% à 30% de l'économie catalane en cas de divorce et un doublement du taux de chômage. Cette vision pessimiste est contredite par les experts favorables à l'indépendance qui pointent, au contraire les faibles risques liés à une séparation pacifique, entre des économies de marché modernes et homogènes.

Sans l'euro, l'avenir serait difficile

Reste que sur le plan économique, la question de l'appartenance à l'Europe est clé. Au-delà des contraintes et des coûts liés aux nouvelles frontières, se poserait surtout la question de la monnaie. Mécaniquement, si la Catalogne sort de l'Union européenne, elle perd l'accès à l'euro. Dans ce cas, l'impact économique sera «monstrueux» pour la Catalogne, résume un économiste. «L'important, pour le monde économique, c'est que la Catalogne reste dans l'Union Européenne. Je ne peux pas imaginer un autre scénario», confirme Philippe Saman, directeur de la Chambre de Commerce et d'Industrie (CCI) française de Barcelone. Or, Bruxelles ne semble pas, à ce stade très préliminaire, encline à récupérer un nouvel état.

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93 commentaires
  • CecildeMille

    le

    Le Kosovo, la Macédoine, le Monténégro l'ont pu. Elle est pas un peu ridicule la question ?

  • COMMUNE

    le

    Tout est dit : " ... L'important, pour le monde économique, c'est que la Catalogne reste dans l'Union Européenne". Et pour cela, qu'elle reste dans l'Espagne !
    On ne gère pas des pays avec des sensibilités de minettes. La fierté ça va, mais ça ne nourrit pas son homme. La Catalogne a une économie solide, mais dans quelle langue traite-t-elle ses contrats avec les autres pays ? En catalan ? Avec les gens du Mercosur, 213 millions d'habitants, hispanophones et lusophones, comment parlent les presque 8 millions de catalans ? Il faudrait être un peu sérieux. Il faudrait aussi être un peu sérieux, puisque certains disent "... de quoi se mêlent les Français ? ". Eh bien ces Français n'ont pas envie, lorsqu'ils vont à Madrid ou dans le sud de l'Espagne, de se taper deux contrôles de douane, et/ou un changement de monnaie. Ce n'est pas leur intérêt, tout simplement.

  • peter71

    le

    Une chose importante qui n'est pas pris en compte c'est l'attractivité qu'auront les entreprises. Que ce passera t il si même en payant plus de taxe douanière les produits importer restent avantageux pour un ressortissant de l'UE ? Et qu'il achètera un produit chinois russe américain ou autres

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