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Fondamental

Forum SRS : Un tiers des Français pensent que les hommes ont un cerveau plus adapté aux sciences

Au Forum "Voyage au coeur des sciences" les 29 et 30 septembre 2017 à la Cité des sciences à Paris, Sciences et Avenir et La Recherche ont dévoilé les résultats de leur sondage exclusif "Recherche, sciences et stéréotypes". Et les conclusions sont alarmantes.

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Forum SRS table ronde sondage 29 septembre 2017

Au Forum SRS le 29 septembre 2017.

MN

SONDAGE. "Je suis assez consterné par les résultats" n'hésite pas à lancer Etienne Mercier, qui a piloté la dernière enquête Ipsos sur les Français et la science pour Sciences et Avenir et La Recherche. La raison de sa réaction : le constat une nouvelle fois renouvelé d'a priori fortement ancrés sur les capacités des femmes à embrasser une carrière scientifique.

C'est que pour sa 5e édition, révélé lors du Forum Voyage au coeur des sciences*, cette enquête portait plus spécifiquement sur les stéréotypes et la mixité dans le monde scientifique. Premier constat : "Les Français pensent que les filles réussissent globalement mieux que les garçons dans les matières scientifiques et les écoles d'ingénieur" affirme l'enquête. En revanche, ils estiment qu'elles ont ensuite plus de mal dans les carrières d'ingénieurs. Et pourquoi cet avis ? Car les Français ont encore des stéréotypes de genre bien ancrés. Pour 69 % d'entre eux, les femmes sont "plus intuitives que les hommes" dans les matières scientifiques, et pour 68 %, elles sont "plus à l'aise que les hommes pour faire face à des problèmes concrets". En d'autres termes, la majorité des Français voient la femme intuitive et concrète, et l'homme cartésien et capable d'abstraction.  Conséquence : près de la moitié des Français (45 %) pensent que les hommes sont naturellement meilleurs en maths et les femmes dans les matières littéraires. Et les réponses sont proches que l'on interroge des hommes ou des femmes. "Les stéréotypes ont autant imprégné les deux sexes" commente Etienne Mercier. Imprégné est bien le mot, parce que l'idée que les hommes sont meilleurs en sciences que les femmes ne relève pas de la misogynie affirment la moitié des Français.

L'intégralité de la conférence dans la vidéo ci-dessous :

Des stéréotypes profondément ancrés chez les hommes comme chez les femmes

Pire, pour 34 % des interrogés, "le cerveau masculin est différent du cerveau féminin, ce qui explique que les hommes aient plus d'aptitudes dans les matières scientifiques". "Ce stéréotype qui ne repose sur rien de rationnel ou de scientifique est partagé quand même par plus d'un tiers des Français" s'alarme Etienne Mercier. Et sa conséquence immédiate est la flagrante sous représentation des femmes dans les milieux scientifiques. En France, à peine 36 % des chercheurs sont des femmes.

Pour Claudine Hermann, physicienne et première femme à avoir été professeure à l'Ecole polytechnique, "les choses n'ont pas beaucoup changé depuis le début des années 1990 où l'on a commencé à s'attaquer à ces problèmes; si le changement existe il est lent. Ainsi, on est à peine passé dans les faits de 25 à 28 % de femmes dans les écoles d'ingénieurs". "Les femmes dans l'histoire des sciences sont invisibles et elles restent aujourd'hui invisibles", confirme Marie-Agnès Bernardis, chargée de projet à Universcience et coordinatrice du projet européen Hypatia destiné à lutter contre les stéréotypes. D'autant que le phénomène s'auto-entretient : voyant peu de femmes dans les carrières scientifiques, les jeunes filles n'osent pas y aller pensant leurs chances faibles et sont ainsi mécaniquement moins nombreuses à réussir, décrit Claudine Hermann.

Des solutions à mettre en oeuvre

Pourtant un regard vers d'autres pays laisse à penser qu'il n'y a pas de fatalité. "Il s'agit d'un problème culturel. Par exemple en Italie on compte jusqu'à 60 % de femmes dans les filières mathématiques, alors qu'elles ne sont pas plus de 20 % en France" témoigne Claudine Hermann Mais comment agir ? "Dès la plus petite enfance, assure Marie-Agnès Bernardis. A la cité des enfants, dans la Cité des sciences, on observe qu'à la deuxième visite, il n'y a plus que 38 % de filles". Ce qui laisse à pense que c'est d'abord la famille qui favorise inconsciemment les garçons pour l'accès à la culture scientifique. C'est donc vers les parents que devraient d'abord être adressés les efforts de communication, estiment les participants à la table-ronde. Ensuite, c'est au langage qu'il faudra s'attaquer, s'accordent-ils. "Le français n'a pas de neutre, mais la supériorité du masculin sur le féminin ne date que du XVIIe siècle" raconte Marie-Agnès Bernardis. Un reflet de la hiérarchie sociale qui doit pouvoir donc être inversé. Enfin, il faudra combattre les perceptions sociales. Car le sondage Ipsos pointe bien la persistance d'un autre stéréotype : pour 73 % des Français, les femmes ont plus de mal à devenir des scientifiques de haut niveau, devant accepter de sacrifier une partie de sa vie privée. "Mais c'est effectivement un vrai choix" assure Elsa Lorthe, qui, à 31 ans, s'apprête à partir pour un doctorat à la suite d'une reconversion. Seulement, dans la société actuelle, les sondages confirment que les femmes sont davantage prêtes à bouger que les hommes, souligne Etienne Mercier. Et si tout échoue, Claudine Hermann ne s'opposera pas à un retour de la discrimination positive pour les femmes, comme elle en a elle-même profité lorsqu'elle étudiait à l'école normale.

Mais tant que les Français penseront que les femmes sont moins faites pour les sciences que les hommes, la situation aura bien du mal à évoluer.

*Forum Voyage au coeur des sciences, organisé par Sciences et Avenir et La Recherche.
Les 29 et 30 septembre 2017 à la Cité des sciences et de l'industrie.
Programme complet : http://www.larecherche.fr/site/event/forum-la-recherche-sciences-avenir

 

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