Accéder au contenu principal
France

Un musée pour Yves Saint Laurent

Alors que Pierre Bergé vient de disparaître, le musée Yves-Saint-Laurent Paris ouvre ses portes le 3 octobre. Un lieu de mémoire comme le voulait l'homme d'affaires, mais surtout une plongée exceptionnelle dans l'univers d'une maison de couture. Visite.

La première collection du créateur sous son nom qui date de 1962 (il avait auparavant travaillé pour la maison Christian Dior).
La première collection du créateur sous son nom qui date de 1962 (il avait auparavant travaillé pour la maison Christian Dior). RFI/Valérie Passelègue
Publicité

C’est le célèbre portrait d’Yves Saint Laurent signé Andy Warhol (1974) qui accueille véritablement le visiteur du nouveau musée Yves-Saint-Laurent qui s’ouvre le 3 octobre à Paris. Le message est très explicite : l’icône de la mode peint par l’icône de l’art moderne. Chacun pourra alors tutoyer les sommets, ceux de la créativité rare, de l’excellence et du savoir-faire au service d'un certain art, celui du vêtement et en particulier de la haute couture.

Situé au 5, avenue Marceau dans le très chic XVIe arrondissement parisien, ce musée fut tout d'abord le siège de la maison de couture Saint-Laurent à partir de 1974. En 2002, le célèbre couturier annonce qu'il met fin à ses activités de haute couture. La maison fait alors place à la fondation Pierre-Bergé – Yves-Saint-Laurent qui a pour mission essentielle de conserver les quelque 5 000 vêtements, 15 000 accessoires et 50 000 dessins et objets divers qui ont été conservés en 40 ans de création. Car depuis le mitan des années 1960, le créateur a conservé quelques prototypes de ses collections, démarche rarissime à l'époque.

Lorsqu'on demande au directeur du musée, Olivier Flaviano, quel est son sentiment à diriger un musée si prestigieux, il déclare un brin troublé par l'immensité de la tâche : « C'est une grande responsabilité. C'est passionnant. Et ce qui m'a passionné, c'est la diversité d'influences qui a irrigué le travail d'Yves Saint Laurent. Ajouter à cela, l'histoire d'Yves Saint Laurent et de Pierre Bergé, l'œuvre des deux, tout cela est exceptionnel. Ce que tend à être ce musée, c'est un lieu de mémoire. » La scénographe Nathalie Crinière et le décorateur Jacques Grange, avec la directrice des collections Aurélie Samuel, ont largement participé à l'élaboration de ces lieux d'exposition.

Démarche didactique

Au rez-de-chaussée, là où se tenaient les salons qui accueillaient les clientes pendant trente ans, une première salle expose tout d'abord les quatre modèles emblématiques de la création Saint Laurent : le smoking, la saharienne, le jumpsuit et le trench coat. Soit « l'essentiel et le fondement du vestiaire Saint Laurent », comme nous le rappelle Olivier Flaviano en insistant sur le fait que ces vêtements furent d'abord destinés aux hommes avant que le créateur ne les détourne de leur fonction première, comme pour le jumpsuit d'abord destiné aux aviateurs. « Les attributs du pouvoir masculin réinventés pour la femme. »

Le musée propose un parcours rétrospectif dont la présentation se poursuivra jusqu'en septembre 2018, date à laquelle il fera place à la première exposition temporaire « L'Asie rêvée d'Yves Saint Laurent » qui, une fois terminée, laissera à nouveau la place au parcours rétrospectif. L'alternance du parcours et des expositions temporaires a pour but de mettre en valeur toutes les pièces de la collection à tour de rôle, une façon de les préserver des effets dévastateurs du temps.

Le visiteur se plonge ainsi dans cette première salle, dans la première collection de la maison Saint Laurent, celle de 1962. Des lignes épurées, des couleurs neutres, tailleurs beige ou noir, pantalons crème et cabans bleu marine, robes de soirée sur fond crème ou noir. Les clichés de Pierre Boulat, photographe pour le magazine américain Life, rendent compte sur le panneau opposé de l'ambiance très studieuse du montage de cette première collection.

Mais ce qui est aussi passionnant à cet endroit, ce sont les documents techniques qui permettent la fabrication du vêtement. C'est ainsi que quelques croquis originaux sont exposés, mais surtout, ce sont les fiches d'atelier et les planches de collection, des documents qui ont permis de concevoir respectivement les vêtements et les défilés. Comme le souligne Olivier Flaviano, ces documents rendent compte aussi d'un « certain art de vivre » d'une société fortunée dont les femmes arboraient des robes cocktail, des robes du soir courtes, des robes du soir longues en fonction du type d'évènement auxquels elles étaient conviées. Ces codes se retrouvent ainsi déclinés par le vêtement.

Dans sa mission de mémoire, le musée ne faillit pas, car il présente dans les salles suivantes, des pièces extraordinaires, comme cette veste du soir dite « Hommage à ma maison » censée figurer un lustre sous la lumière du soir : organza de soie brodée de fils métalliques dorés et de fils de soie, paillettes, pampilles et strass ! Une véritable œuvre d'art réalisée grâce aux artisans d'art qu'étaient la maison Abraham et le brodeur Lesage. Car le musée veut mettre en valeur le savoir-faire exceptionnel de ces maisons.

La salle suivante est une ode à la couleur, avec des pièces inspirées de costumes du monde entier comme cet habit de matador revisité ou cette cape rappelant les bougainvilliers de Marrakech. Une autre salle à l'étage est consacrée à l'histoire de la mode, réétudiée par la maison Saint-Laurent bien sûr ou comment le couturier s'inspira aussi bien des drapés antiques que des robes des années 1940. En poursuivant, on peut admirer une salle d'accessoires exposés dans de petits écrins rouges, s'émerveiller devant des tableaux, dessins, cartons d'invitation, etc. dessinés par Yves Saint Laurent. Ou encore, se plonger dans les maîtres de la peinture grâce aux vêtements inspirés directement de l'art pictural comme la fameuse robe Mondrian.

Le studio

Le fil rouge de ce musée réside dans l'idée d'une plongée au sein de l'univers du couturier et par extension, dans celui de la haute couture. Comme le dit Olivier Flaviano, « ce n'est pas un musée de la mode ! ». En effet, le visiteur déambule dans l'univers d'Yves Saint Laurent, jusqu'au fameux studio que certains ont déjà pu visiter les années précédentes. Mais pour l'ouverture du musée au public, cette grande pièce rectangulaire, blanche, ornée de miroirs et d'une grande bibliothèque a été réaménagée comme si ses occupants venaient juste de s'éclipser pour aller déjeuner.

Car cet endroit, lieu fabuleux de création, accueillait chaque jour Yves Saint Laurent et ses assistantes, ainsi que les mannequins qui venaient présenter les vêtements en cours de fabrication. Son bureau, ses lunettes, ses multiples objets fétiches, son portrait dessiné par Bernard Buffet, tous les livres d'art qui pouvaient l'inspirer et de multiples échantillons de textiles, de matières en tout genre, d'accessoires, etc. constituent un formidable témoignage pour les générations futures.

Pour compléter la visite, une salle vidéo « L'aigle à deux têtes » présente une interview de Pierre Bergé et d'Yves Saint Laurent. Mais surtout au sous-sol, l'amateur pourra visionner des interviews menées par Laurence Benaïm, par ailleurs biographe du couturier*, qui a interrogé de longues heures durant les acteurs de la maison de couture, couturières, acheteurs, assistants, etc. En tout ce sont une vingtaine de vidéos qui témoignent de l'activité réelle de la maison Saint-Laurent et de son fonctionnement.

Comme l'avait déclaré Pierre Bergé : « J’ai toujours dit qu’il fallait transformer les souvenirs en projet et, avec cette Fondation, c’est ce que nous avons fait. En 2017, une page se tourne avec l’ouverture de deux musées Yves-Saint-Laurent, à Paris et à Marrakech. Ainsi se poursuit cette aventure commencée il y a longtemps quand nous ne savions pas que le destin allait nous faire signe. » Car l'œuvre en effet se poursuit à travers l'ouverture de l'autre musée Saint-Laurent à Marrakech qui ouvrira quelques jours après le musée parisien. Le créateur quant à lui, décédé en 2008, résumait ses espoirs ainsi : « J'aimerais que dans 100 ans, on étudie mes robes, mes dessins. » Ce sera sans aucun doute le cas.


 * Laurence Benaïm, Yves Saint-Laurent : Biographie, Grasset, 2002

Site officiel du musée Yves-Saint-Laurent Paris

Les Musées Yves-Saint-Laurent, Editions de la Réunion des musées nationaux - Grand Palais, 2017

NewsletterRecevez toute l'actualité internationale directement dans votre boite mail

Suivez toute l'actualité internationale en téléchargeant l'application RFI

Partager :
Page non trouvée

Le contenu auquel vous tentez d'accéder n'existe pas ou n'est plus disponible.