Airbus A 380 : le vol Air France Paris - Los Angeles a frôlé la catastrophe

Les 497 passagers et 24 membres d'équipage du vol Air France AF 066 Paris-Los Angeles, qui a atterri en urgence samedi au Canada, sont des miraculés.

Le réacteur endommagé de l'A380 d'Air France.   
Le réacteur endommagé de l'A380 d'Air France.   AFP PHOTO / TWITTER / Sarah Eamigh

    Ils sont arrivés à bon port pour certains dimanche matin. Deux cent-quatre-vingt-dix autres avaient pu embarquer dimanche soir à Atlanta (Etats-Unis) dans un boeing de la compagnie Delta pour rejoindre leur destination finale, Los Angeles. Mais les 497 passagers et 24 membres d'équipage du vol Air France AF 066 Paris-Los Angeles sont des miraculés.

    L'Airbus A 380 qui assurait ce vol a perdu le moteur numéro 4 qui a explosé en vol au dessus du Groënland samedi matin, pour une raison encore inconnue. Si la perte d'un moteur sur ce quadri-réacteurs n'est pas un problème en soi, la destruction partielle en est un. Un incident gravisimme. Car les capots moteurs ont volé en éclats mais surtout la fan, une immense turbine de 3 m d'envergure a disparu, une partie des compresseurs aussi dont les pièces s'envolant à haute altitude ont endommagé la voilure de l'appareil.

    Des impacts métalliques ont été entendus par les passagers sur la carlingue au moment de la désintégration de cette turbine géante qui avale l'air à l'entrée du réacteur. Même le pylône d'ancrage du moteur sur l'aile a été impacté. L'appareil a dû se dérouter en urgence sur une base militaire à Goose Bay (Canada).

    «L'avion a vibré comme un shaker»

    «Il sera utile pour nous de comprendre ce qui s'est passé. Mais ma première pensée va à l'équipage qui a su faire face et a été remarquable», raconte Sandrine B..., 53 ans, passagère du vol 066 en classe business. «Nous étions entre l'Islande et le Groënland, j'étais en train de regarder un film, on venait de dîner lorsque nous avons entendu un bruit sourd, presque étouffé. Il n'y a pas eu d'explosion ni de flammes. L'avion a alors vibré comme un shaker. On a ouvert les cache-hublots e on a vu qu'il n'y avait plus de moteur à droit au bout de l'aile. On voyait des morceaux de moteur ou de capot qui s'envolaient. Je priais pour que rien ne transperce la carlingue ou la dérive...», témoigne à son arrivée dimanche matin à Los Angeles cette consultante qui fait le voyage toutes les six semaines.

    «Nous avons tous compris que c'était grave. Chacun est resté calme. Il n'y pas eu de panique sauf une personne qui pleurait. On voyait des fils arrachés flotter dans l'air. L'avion a alors entamé une lente descente. L'équipage n'a pas fait d'annonces immédiates mais on s'est tous regardé dans les yeux. J'ai pensé que je ne reverrais plus personne. Puis le commandant a expliqué que l'avion répondait parfaitement aux commandes et qu'il avait coupé les arrivées de carburant et qu'on allait se poser en urgence», continue Sandrine qui a alors «bien serré sa ceinture». «Mais on ne nous a pas dit de nous mettre en position de sécurité. On s'est entraidé entre passagers. Les gens sont restés dignes. Cela m'a appris beaucoup sur ce dont est capable l'humain», confie Sandrine.

    Une fois posé sur la base militaire de Goose Bay, «les passagers se sont échangés leurs téléphones, chacun se tenait les mains, on se passait des couvertures», poursuit cette passagère. Pendant douze heures les passagers ont été confinés dans l'appareil après une inspection des pompiers pour prévenir le risque d'un incendie. Tour à tour, un bus venait chercher quelques passagers au pied de l'appareil pour les emmener sur un lieu hors zone militaire. «On a eu plus que de la chance», ose Sandrine consciente d'avoir échappé au pire dans ces circonstances.

    Chez Airbus, on prend cet incident très au sérieux. «Il s'agit d'une destruction partielle du moteur qu'il va falloir comprendre et nous avons envoyé une équipe technique sur place pour apporter notre compétence au Bureau d'enquêtes et d'analyses (BEA)», explique un porte parole de l'avionneur joint ce dimanche après-midi. «On ne peut conclure car il est bien trop tôt pour trouver une origine à cet incident grave», ajoute l'avionneur qui rappelle qu'à ce jour deux-cent-dix A 380, le plus gros porteur passager du monde sont en vol chaque jour. En 2010, la compagnie australienne Qantas avait cloué au sol sa flotte d'A 380 après un incident moteur mais qui concernait des réacteurs Rolls-Royce. L'A 380 d'Air France est équipé de réacteurs Engine Alliance, une alliance des motoristes américains General Electric et Pratt&Whitney, dont les techniciens devront apporter aussi leur aide aux enquêteurs pour expliquer l'inexplicable.