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Comment Mélenchon s'est constitué un "commando" de fidèles

Le leader de La France insoumise Jean-Luc Mélenchon est entouré par une troupe de fidèles – beaucoup plus jeunes que lui, pour la plupart – prêts à tout pour servir sa cause.

Arthur Nazaret , Mis à jour le
Le 20 septembre, Mélenchon entouré de gauche à droite par : Eric Coquerel, Alexis Corbière et Adrien Quatennens.
Le 20 septembre, Mélenchon entouré de gauche à droite par : Eric Coquerel, Alexis Corbière et Adrien Quatennens. © M. Stoupak/NurPhoto

Une fois entrés à l'Assemblée ­nationale, entre deux ruades – ­tonitruantes, évidemment ­– contre Emmanuel Macron, Jean-Luc ­Mélenchon et Alexis Corbière se sont employés à retrouver… la place de Jaurès, aujourd'hui occupée par un communiste. Le leader de La France insoumise et son désormais très médiatique porte-parole, qui partagent le goût du verbe haut et la passion de l'histoire, entendent qu'y soit apposée une plaque. Une déambulation entre les peintures et statues du Palais-Bourbon leur a fait tirer ce constat : le peuple s'y trouve bien mal représenté et Adolphe Thiers, le Versaillais, bien trop.

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Ces deux-là se connaissent depuis vingt ans. Avec quelques autres, à l'instar de Danielle Simonnet ou Raquel Garrido, la compagne de Corbière, ils ont mené au PS la bataille du non contre le traité européen puis ont suivi Jean-Luc Mélenchon quand il a claqué la porte de la rue de ­Solferino. Petit à petit, la bande s'est élargie. A ­Sophia ­Chikirou la communication ; à Eric ­Coquerel les relations avec les autres partis. Aujourd'hui, quand ils prennent leur smartphone et pianotent sur Telegram, le nom de leur groupe est "commando". Et 2017 est leur revanche.

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Mélenchon s’appuie sur les jeunes

Lorsqu'en juillet, Mélenchon, assis dans l'hémicycle, commence à sortir d'un sac en plastique un paquet de pâtes pour montrer ce qu'on peut acheter avec 5 euros, soit le montant de la baisse des APL, Danielle Simonnet a regretté de ne pas en être. Entre ses criées dans le métro et son one-woman-show, "Danette mitraillette" est la spécialiste l'agit-prop dans la bande. "Vous avez fait tout ce que je rêvais de faire", a-t-elle glissé à Mélenchon. "On est simonnetiste", l'a réconfortée ce dernier.

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Aux débuts des années 2000, quand "Méluche" est nommé ­ministre délégué à l'Enseignement professionnel, Corbière et Simonnet font partie du cabinet. Dans les couloirs, on croise alors une bande de trentenaires venus de la gauche du PS, au premier rang desquels feu François Delapierre, qui deviendra le pilier de la campagne de 2012, ou le toujours discret Laurent Maffeïs, fournisseur de fiches et d'expertises en 2012 comme en 2017.

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Entre Mélenchon, Delapierre et Maffeïs, il y avait une fusion intellectuelle permanente

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Mélenchon aime à s'entourer de jeunes. Au moment où il ­débarque au ministère, Maffeïs est alors étudiant à Sciences-Po. Il est venu pour un stage. Très vite, il explique à son ministre que le conseiller budgétaire l'enfume. Il est manifestement de mèche avec Jack Lang, le ministre de tutelle. Quelques semaines plus tard, le conseiller saute et Maffeïs le remplace. "Entre Mélenchon, Delapierre et Maffeïs, il y avait une fusion intellectuelle permanente, raconte un proche de Mélenchon. Le premier commençait une phrase, l'autre la finissait et le troisième mettait la ponctuation."

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Delapierre était le "fils spirituel" de Mélenchon ; la relève. Quand il disparaît brutalement en juin 2015, c'est Mélenchon qui lui ferme les yeux. Dans le dispositif pour la campagne de 2017, personne ne le remplace vraiment. Mais on retrouve son épouse, l'universitaire Charlotte Girard, qui pilote le programme. Pour ce qui est de l'organisation, une autre figure émerge, celle de Manuel Bompard, 31 ans, qui apportera sa rigueur de scientifique. Désormais, chaque lundi, ce Toulousain monte à Paris pour grimper au premier étage d'un café proche de la gare de l'Est. Il y retrouve Jean-Luc Mélenchon, Alexis Corbière et aussi Bastien Lachaud, 37 ans, et Mathilde Panot, 28 ans, tous deux néodéputés. C'est lors de l'une de leurs réunions, en juillet, que naît l'idée de la marche de samedi dernier.

Un "commando" qui est aussi une famille

Chikirou, elle, a fait un pas de côté. Elle était là en 2012, puis est partie humer l'air des campagnes politiques de l'autre côté de ­l'Atlantique avant de revenir en 2017 comme directrice de la communication. Elle travaille actuellement à transformer le blog de Mélenchon en média audiovisuel, "avec des programmes quasi en continu", précise-t-elle. On pourra y voir dès novembre Mélenchon dans son rôle de président de groupe ou deviser avec des jeunes youtubeurs. Toujours cette stratégie de contournement des médias. Chikirou travaille aussi – surtout – au lancement en janvier d'une web télé accompagnée d'articles, le Média. Une plateforme engagée où l'on retrouvera, par exemple, du lundi au vendredi un journal à 20 heures. L'idée lui est venue quand elle a découvert The Young Turks, une web télé de gauche qui cartonne aux Etats-Unis. "Le jour où j'en ai parlé à Jean-Luc, il m'a dit 'fonce'."

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Jean-Luc est dans la transmission. C'est facile de gagner sa confiance, c'est plus compliqué de la garder

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Au sein de ce "commando" qui est aussi une famille, Bernard Pignerol est un genre d'oncle lointain. Parce qu'il est conseiller d'Etat, il a préféré rester dans l'ombre. Celui qui n'a quitté le PS que récemment a – ­très discrètement ­– dirigé le groupe des experts durant la campagne avant d'aller déminer le terrain pour son "Jean-Luc" à Marseille, rencontrant les huiles locales : là le président du Cercle des nageurs, Paul ­Leccia, ici le promoteur Marc ­Pietri, afin d'obtenir leur neutralité bienveillante. En cas de victoire, il devait être secrétaire général de l'Elysée ; avec Mélenchon, ils avaient planché sur la composition du gouvernement. Les deux hommes, qui sont amis, ont déjà passé des vacances ensemble et ont pour habitude de marcher des heures dans les rues de Paris, comme ce jour où Pignerol est passé prendre son camarade à la gare de Lyon et qu'ils ont flâné de concert jusqu'au Grand Palais pour finir par se séparer vers Châtelet. Fait suffisamment rare pour être noté : Pignerol est de la même génération que Mélenchon.

"Jean-Luc est dans la transmission, décrypte l'un de ses proches. C'est facile de gagner sa confiance, c'est plus compliqué de la garder". "Avec Jean-Luc, une rupture politique est une rupture tout court ; on le suit ou on le quitte", décode Françoise Castex, une ancienne proche. Voilà une poignée de mois, lors d'une manifestation contre la prostitution, l'Insoumis était censé tenir la banderole avec Pascale Boistard, alors secrétaire d'Etat chargée du droit des femmes dans le gouvernement Valls. Las, elle eut jadis le mauvais goût de le quitter : dans les années 2000, Boistard était dans son courant et dans son cabinet. "Je refuse d'être à côté d'une traître", lâche de but en blanc Mélenchon en tournant les talons. 

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