Qui sont ces Français (mal)heureux au travail ?

Qui sont ces Français (mal)heureux au travail ?

Les plus heureux au travail ne sont pas ceux que l'on croit...

Lorsqu’on analyse les réponses à l’enquête Conditions de travail de la Dares (2013), plusieurs profils-types de travailleurs partageant des caractéristiques homogènes en termes de ressenti au travail se détachent. Parmi eux, les travailleurs heureux. A priori, on pourrait penser qu’ils ont un niveau élevé de rémunération, un statut cadre ou encore un travail peu pénible… or il n’en est rien.

Les travailleurs heureux sont moins bien payés en moyenne (1 753 € mensuels nets contre 1 877 € dans la population totale) mais sont les plus nombreux à se sentir bien ou très bien payés. Le niveau de rémunération ne fait donc pas le bonheur, c’est plutôt le sentiment d’être bien payé qui compte.

Un autre résultat peut paraître contre-intuitif : c’est au sein des actifs issus de l’immigration, des ouvriers ou encore des actifs des services peu qualifiés qu’on observe les plus fortes proportions de gens « heureux au travail ». Comment l’expliquer ? Il est possible que pour ces trois catégories de populations plus exposées au risque de chômage, le fait d’avoir un emploi soit une source de satisfaction potentiellement plus grande que pour des actifs d’autres catégories comme les cadres. On observe d’ailleurs que ce sont ces trois populations qui sont les plus fières du travail qu’ils réalisent. Des dimensions sociologiques interviennent donc dans le ressenti au travail des individus.

Les travailleurs heureux ont également le meilleur niveau de qualité de vie au travail (QVT) et de bien-être dans la vie en général, leur score de bien-être tel que défini par l’OMS étant bien supérieur à la moyenne (20,38 contre 15,65). Leurs liens avec l’entreprise sont positifs : ils sont fiers de travailler dans leur entreprise (72 %), ne vivent jamais de changement imprévisible ou mal préparé (68 %), et sont soutenus par leur hiérarchie : 62 % ne sont jamais en désaccord avec leur hiérarchie et 83 % n’ont jamais le sentiment d’être exploités.

Enfin, si l’on considère les actifs occupés selon leur catégorie socio-économique, ce sont les membres du clergé qui sont les plus « heureux » au travail (44 %), suivis des ouvriers agricoles (32 %), des ouvriers non qualifiés et qualifiés de l’artisanat (respectivement 27 % et 25 %), des chauffeurs (23 %), des ouvriers non qualifiés de l’industrie et des employés de commerce (21 % dans les deux cas).

…tandis que les malheureux ont sans surprise la plus mauvaise qualité de vie au travail.

Les autres groupes de travailleurs identifiés à partir des réponses aux questions portant sur leur ressenti au travail rassemblent ceux qui ont surtout la particularité de travailler seul, d’éprouver des tensions avec leur hiérarchie ou avec leurs collègues… ou de n’avoir rien de particulier à signaler.

On constate que les tensions avec la hiérarchie dégradent fortement la QVT. Les travailleurs appartenant à ce groupe se sentent ignorés (64 %), critiqués injustement (69 %) ou empêchés de s’exprimer (52 %). Ils sont 74 % à recevoir des ordres contradictoires, 37 % à travailler toujours sous pression et 31 % à ne pouvoir discuter de leur désaccord avec leur chef. Leur score de bien-être de l’OMS est bien inférieur à la moyenne (10,30 contre 15,65). 49 % d’entre eux ont par ailleurs connu un changement de l’organisation de travail au sein de leur établissement. Notons que les tensions entre collaborateurs, quant à elles, ne semblent pas avoir d’influence sur le malheur ou le bonheur au travail (elles sont ressenties par environ 20 % des salariés dans l’ensemble de la population).

Relevons pour finir que deux profils construits cette fois sur la base de leurs conditions objectives de travail ont des conditions de travail difficiles et un niveau de QVT préoccupant. Le premier correspond aux salariés « accidentés », c’est-à-dire ayant été victime d’au moins un accident du travail durant l’année précédant l’enquête. Le deuxième renvoie aux salariés du domaine de la santé. Ces deux groupes représentent un travailleur sur cinq en France. Ils partagent plusieurs traits communs : leur activité est marquée par de très fortes contraintes physiques, une forte intensité de travail, ils peuvent subir des critiques et dispose d’une faible autonomie. Seulement 10 % d’entre eux sont heureux au travail, contre 16 % de la population totale.

La méthodologie et le détail de l’ensemble des résultats de l’exploitation de l’enquête Conditions de travail de la Dares (2013) sont présentés dans la note Portraits de travailleurs de La Fabrique de l’industrie, consultable ici : http://bit.ly/2y5ykA6

Marina BONNE

Assistante fleet/ operation chez BOURBON OFFSHORE SURF

6y

Le bonheur au travail appartient peut être aussi à ces gens qui ignorent la pression des KPI, ces KPI qui poussent parfois au sabotage et à l'envie et qui font parfois oublier que le travail sert l'homme et non pas l'inverse... . Merci pour votre article.

Bertrand Giscard d'Estaing

Chargé d'Affaires / Stratégie et Financement de l'Innovation

6y

Surprenant !!! On serrait tenté de dire que la logique de l'homme, c'est qu'il n'en a pas.

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Anne Prioux

Chef de Projet Développement des Compétences - Colissimo

6y

très intéressant

... ainsi donc les plus malheureux au travail sont les plus payés qui, par ailleurs, se jugent mal payés. Il faut donc agir pour aider ces malheureux; M. Macron l'a bien compris et fait le maximum pour consoler les nantis...

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Avant de rendre les gens heureux, on peut essayer de ne pas les rendre malheureux: Comprendre "Pourquoi" et "Comment" les gens ne sont pas heureux au travail (donc certainement ni productifs, ni inventifs, ni agiles etc.), c'est une bonne base. Comme dans les bonnes méthodes de résolution de pb: contenir le pb avant de le résoudre (en référence aux premières étapes de la méthode 8D par ex).

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