ANIMAUXLe transport... l’autre point noir de la souffrance animale?

Trajets trop longs, camions surchargés, abreuvoirs défaillants… Le transport, l’autre calvaire des animaux

ANIMAUXDu 9 au 13 octobre, un organisme européen lance un audit sur les conditions de transport des animaux vivant en France. L'étape, juste avant l'abattoir, est sujet à de nombreux abus...
La CIWF dénonce les conditions de transports des veaux dans une vidéo
La CIWF dénonce les conditions de transports des veaux dans une vidéo - CIWF
Fabrice Pouliquen

Fabrice Pouliquen

L'essentiel

  • Les militants de la cause animale dénoncent régulièrement des abus dans le transport de longue durée des animaux vivants. La France, parmi les premiers exportateurs d’animaux vivants, est concernée.
  • Les ONG, des syndicats de vétérinaires et parfois même des transporteurs pointent notamment le dépassement des durées autorisées dans le transport des animaux mais aussi la surcharge des camions.
  • L’association CIWF, très active sur le dossier, pousse à l’adoption en France d’une loi renforçant la prise en compte du bien-être animal dans les transports.

Des trajets qui s’éternisent, des animaux entassés, des abreuvoirs défaillants, une paille qui fait défaut… Ces dernières années, l’attention s’est surtout focalisée sur les conditions de mise à mort des animaux dans les abattoirs français, bien aidée par les images filmées en caméra cachée par l’ association L214. L'étape qui précède, celle qui envoie les bêtes à l’abattoir par les routes, est cependant « aussi sujette à des abus réguliers », rappelle régulièrement l’ONG CIWF, très active sur ce dossier.

La France, l’un des premiers exportateurs d’animaux vivants au monde, est particulièrement concernée. Du 9 au 13 octobre, l’Office alimentaire vétérinaire (OAV), un organisme européen, y lance d’ailleurs un audit des conditions de transports des animaux vivants. « La France ne sera pas le seul pays à être observé de près, précise Agathe Gignoux, chargé d’affaires publiques au CIWF. Mais l’OAV a ciblé les pays où l’on constate le plus d’infractions au règlement européen. »

Un règlement européen qui peine à se faire respecter

Car il y a un règlement européen. Celui-ci fixe la durée maximale de transport à 29 heures pour les bovins et ovins, 24 heures pour les porcs, 19 heures pour les animaux non sevrés, les veaux notamment. Au-delà de ces durées de transport, les animaux doivent être déchargés, alimentés, abreuvés et bénéficier d’un temps de repos de 24 heures avant de reprendre la route. Pour le CIWF, ce premier point est déjà peu respecté des transporteurs. « Nous avons enquêté à la frontière turque, la Turquie étant devenue ces dernières années un gros importateur d’animaux vivants européen, raconte Agathe Gignoux. Nous avons constaté des animaux en provenance de l’UE patientant parfois plusieurs jours dans les camions, en plein soleil et sous plus de 40°. »

Ces enquêtes ont été diffusées sur le Web. Dominique Truffaut, vice-président de la Fédération française des commerçants en bestiaux (FFCB), a vu les images et est formel : « Ce n’était pas des animaux français [il les reconnaît à la boucle marquée FR]. » « En France, il n’y a pas de problèmes sur le transport d’animaux vivants de longue durée. Le règlement européen est respecté de tous, commerçants comme transporteurs, poursuit-il. C’est une question de bon sens : on ne peut pas se permettre que nos animaux arrivent en mauvaise santé à nos clients. »

« Plus que la durée, la surcharge des camions »

Romain Bardy n’est pas aussi affirmatif. A la tête d’une entreprise de transports d’animaux vivants, il constate encore aujourd’hui des abus sur les routes. « Pas tant sur les durées de transport, mais bien plus sur le sur-chargement des camions. « Typiquement, entre la France et l’Italie, illustre-t-il. Il n’y a qu’un poste de frontière à traverser et donc moins de risque de se faire attraper. Pour optimiser les coûts de transport, des camions embarquent plus d’animaux qu’ils ne sont autorisés. Ces camions surchargés sont un danger pour les autres automobilistes et ils rognent bien sûr sur le bien-être animal puisque les animaux s’y retrouvent entassés. »

Le CIWF a aussi constaté ces infractions. « Cela arrive régulièrement qu’il y ait plus d’animaux chargés que le nombre indiqué sur le document de transports, observe Agathe Gignoux.

« Réduire la durée de transport à huit heures »

Depuis plusieurs années, le CIWF bataille alors pour faire voter une proposition de loi en France. « Elle limiterait le transport d’animaux vivants français à huit heures, quatre heures même pour les volailles, et elle interdirait les exportations d’animaux vivants hors union européenne, puisqu’au-delà, nous avons aucune garantie sur le sort réservé aux animaux », détaille Agathe Gignoux.

L’ex-député morbihannais Philippe Nogues (divers gauche) a porté ce projet, déposant même une proposition de projet de loi le 7 février dernier. Mais celle-ci n’a pas été mise à l’ordre du jour du parlement et Philippe Nogues a été battu aux dernières législatives. Le CIWF ne se décourage pas pour autant. « Nous avons trouvé deux députés d’accord pour reprendre le combat, rapporte Agathe Gignoux. Au niveau européen aussi ça bouge : 191 eurodéputés demandent la création d’une commission d’enquête sur le transport des animaux vivants. La demande est en cours. »

Un manque de contrôle en France ?

Mais faut-il changer la loi ? Romain Bardy estime que non. « Il existe déjà un règlement européen, à la France de le faire appliquer », tempête le transporteur. En Allemagne, en Belgique, aux Pays-Bas, la présence d’un vétérinaire au chargement des camions est bien plus systématique. Des pays comme la Hongrie sont aussi bien plus rigoureux sur la pesée des camions qui se présentent à la frontière. » Jean-Yves Gauchot, président de laFédération des syndicats vétérinaires français, le rejoint sur ce point. « Nous manquons de moyens de contrôles, particulièrement en France, note-t-il. Il faudrait aussi une meilleure coordination entre les autorités qui contrôlent au départ et à l’arrivée des animaux. »

Le 13 septembre dernier, des militants de la cause animale manifeste à Londres contre le transport des animaux vivants.
Le 13 septembre dernier, des militants de la cause animale manifeste à Londres contre le transport des animaux vivants. -  Amer Ghazzal/Shuttersto/SIPA

Le CIWF a une autre proposition en tête pour résoudre le problème. Bien plus radicale. Il s’agirait tout simplement d’interdire le transport d’animaux vivants pour n’autoriser que celui de carcasse. « Cela impliquerait d’abattre les animaux près du lieu où ils ont été élevés », explique Agathe Gignoux. Il faudrait alors rouvrir des abattoirs, nombreux à avoir fermé ces dernières années en France.

Sujets liés