
GLYPHOSATE - Une fois encore, les pratiques de la firme américaine Monsanto suscitent les interrogations. Une enquête du Monde publiée ce mercredi 4 octobre dévoile l'une des techniques utilisées par le géant de l'agrochimie pour contrebalancer la mauvaise publicité dont ses produits -et plus précisément le glyphosate- font actuellement l'objet: le "ghostwriting", ou "écriture fantôme".
Fréquent en littérature (en France, on parle alors de "nègre littéraire"), le procédé du "ghostwriting" est simple: en l'occurrence, des employés de l'entreprise écrivent l'étude qui doit être publiée. Le texte est ensuite signé par des scientifiques et des experts sans lien avec l'entreprise (mais grassement rémunérés par elle), afin d'éviter (en théorie) toute accusation de conflit d'intérêt. Cette pratique est bien sûr illégale, et considérée comme une grave fraude scientifique.
Le procédé n'est pas nouveau. Mais il prend dans le cas de Monsanto une importance particulière, alors que l'avenir du glyphosate, accusé de provoquer le cancer, fait actuellement débat dans l'Union européenne.
Une bataille d'opinion
Pour Monsanto, l'objectif est simple: redorer l'image du glyphosate, considérablement ternie par les milliers de plaintes (3500 aux Etats-Unis) et surtout par l'étude du Centre de recherche sur le cancer de l'OMS (CIRC), qui a classé la substance comme "cancérogène probable". En toute logique, l'ensemble des études publiées "par la firme" concluent donc que le glyphosate ne l'est pas.
Une fois les études faites, encore faut-il les diffuser. Et Monsanto a vu large, et a ciblé aussi bien des médias grands publics que des revues scientifiques. Ainsi, le biologiste Henry Miller, favorable à l'utilisation des pesticides, pro-OGM et membre de la Hoover Institution rattachée à la prestigieuse université de Stanford, a signé de son nom plusieurs tribunes dans le magazine Forbes (elles ont été retirées depuis), dans lesquelles il conclut à la non-toxicité du glyphosate.
Problème: les courriels entre Monsanto et Henry Miller, publiés par Le Monde, montrent qu'il n'en est pas l'auteur. Contacté par la firme au moment de la parution de l'étude du CIRC en mars 2015, le biologiste a en effet accepté d'écrire sur le sujet, "à condition de partir d'un brouillon de haute qualité". Ce qui fut visiblement le cas, puisque le texte "sera publié le 20 mars, presque sans modification sur le site de Forbes", indique Le Monde.
La firme use du même procédé dans des revues scientifiques. En septembre 2016, cinq thèses ont ainsi été publiées dans la revue Critical Reviews in Toxicology: toutes concluent que le glyphosate n'est pas cancérogène. Ces articles sont signés par plusieurs chercheurs, mandatés par Monsanto via un cabinet de consultants. Comme l'indique Le Monde, ils auront une portée considérable dans le milieu scientifique.
Mais avant que les experts n'apposent leurs signatures, les textes ont été revus et corrigés par des employés de Monsanto. "J'ai passé en revue l'ensemble du document et j'ai indiqué ce qui, selon moi, devrait rester, ce qui peut être supprimé et j'ai aussi fait un peu d'édition. J'ai aussi ajouté du texte", déclare ainsi un des employés de Monsanto à propos d'un des articles, dans un échange de courriels adressé au cabinet de consultants.
Contactée par Le Monde, la firme américaine a nié toute pratique de "ghostwriting", affirmant par exemple, dans le cas des publications dans le magazine Forbes, que "des scientifiques de Monsanto" avaient fourni "la version de travail initiale" , ensuite éditée par Henry Miller. "Les points de vue et les opinions exprimées dans cette tribune sont les siens", précise Monsanto.
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