Suleimane Hassane a découvert le premier rubis du Mozambique sans même le vouloir. Lavée par la pluie, la gemme rare rouge est apparue à ce coupeur de bois illettré au bord d’une rivière, près de Montepuez, dans le nord du pays, avant d’atterrir à Bangkok, en Thaïlande, dans des circonstances inconnues. C’était en 2009. Depuis, le gisement insoupçonné a produit plus de 10 millions de carats, soit près de la moitié des rubis vendus au monde.
En huit ans, l’arrivée d’entreprises étrangères a profondément bouleversé cette région perdue d’Afrique. Le britannique Gemfields, l’australien Mustang Resources, et bientôt le spécialiste canadien de l’émeraude de Colombie, Fura Gems, qui a annoncé mardi 19 septembre l’achat de nouvelles concessions dans la zone, ont dégagé des millions de dollars de recettes, avec autant de retombées pour l’Etat mozambicain, l’un des plus pauvres au monde.
En contrepartie, l’afflux de milliers de mineurs artisanaux, les échauffourées avec les forces de sécurité, les homicides, les violences ont transformé Montepuez en Far West. Pour la première fois, le 26 septembre, l’une des exploitations minières a fait l’objet d’un braquage à main armée, un garde a été tué.
Ballet de camions et de tractopelles
« Le Mozambique n’avait pas réalisé qu’il était assis sur une ressource aussi spectaculaire », résume Pia Tonna, la directrice marketing de Gemfields, qui exploite depuis 2012 la principale mine de rubis. Derrière elle, un impressionnant ballet de camions à benne et de tractopelles circulant à vive allure sur un terrain de la taille de plusieurs stades de football. Ils charrient des tonnes de terre qui, une fois lavées, triées et inspectées, donneront quelques carats de pierres précieuses.
Par carottage, les géologues de Gemfields ont découvert un ancien lit de rivière où les rubis se sont déposés il y a 500 millions d’années, au précambrien, la première ère géologique de l’histoire de la Terre. Soit bien avant le rubis de Birmanie, jusque-là le plus réputé, formé il y a quelque 60 millions d’années. « En roulant, en s’abîmant et en se déposant sur ce lit graveleux, les rubis ont gagné des aspérités qui décuplent leur valeur », explique Gopal Kumar, un ingénieur indien enthousiaste qui supervise les opérations de minage.
Deux mètres en arrière, un garde veille au grain. L’entreprise ne lésine pas sur la sécurité : chaque employé, même le directeur, est fouillé à l’entrée et à la sortie. « Là où on aide le Mozambique, c’est en apportant ce produit sur le marché international. Avec notre expertise, on réalise sa vraie valeur, et à terme cela va profiter au pays et à son peuple », dit Pia Tonna dans ses bureaux en préfabriqué. Devant elle, en petit amas, les rubis révèlent bien mieux leur couleur que sur le sol de la mine. Il faudra l’art d’un tailleur et d’un joaillier pour qu’ils finissent sur les parures de Cartier ou de Fabergé.
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