En Pologne, la transition écologique passe par les centrales à charbon

Coal_power_plant_green [Craebby Crabbson / Flickr]

L’UE offre plus de liberté à la Pologne pour subventionner la transition vers les énergies propres dans le cadre du mécanisme de quotas d’émissions (ETS). Les défenseurs de l’environnement s’alarment d’une décision qui risque de financer les centrales pendant encore plusieurs années.

Alors que les négociations sur la réforme de l’ETS entrent dans leur phase finale, les pays européens abattent leurs dernières cartes. Et la Pologne a remporté d’importantes concessions de la part de l’Estonie, qui détient la présidence tournante de l’UE.

Varsovie a réclamé une augmentation  de la quantité de permis d’émissions qu’elle peut attribuer gratuitement aux centrales à charbon dans le cadre de l’article 10c de la réforme de la directive ETS, créée à l’origine pour aider les pays les plus pauvres de l’UE à s’éloigner des combustibles fossiles.

Dans une proposition de compromis, obtenue par Euractiv, le nombre de permis pouvant être utilisés pour financer la transition vers une énergie propre passera de 40 % à 60 % des volumes mis aux enchères, ce qui répond à une demande clé de Varsovie.

Les défenseurs de l’environnement craignent que cela autorise la Pologne à utiliser des milliards de crédits ETS pour financer le prolongement de la durée de vie des centrales à charbon jusqu’en 2030, sans garanties environnementales.

« Les États membres ne peuvent pas fléchir devant la Pologne et permettre que l’argent dédié à la transition vers une énergie propre soit dépensé dans le financement des centrales à charbon », a déclaré Joanna Flisowska, coordinatrice à l’ONG Réseau Action Climat Europe.

Certains États membres ont demandé d’appliquer des critères environnementaux rigoureux sur la manière dont est dépensé l’argent du système ETS. Des pays comme les Pays-Bas, l’Allemagne, la France et le Royaume-Uni ont demandé d’interdire les financements aux centrales à charbon émettant plus de 450 grammes de CO2 par kilowatt heure, une décision qui exclurait le charbon du mécanisme de financement. Le Parlement européen a soutenu cette demande.

Cette dernière fait écho à une précédente tentative de la Commission européenne de fixer une limite de 550 grammes de CO2 par kilowatt heure pour les subventions aux centrales à charbon.

L’Estonie, à la présidence de l’UE, a soumis des amendements atténuant ces critères, affirme Réseau Action Climat, qui prévient que sans normes de performance en matière d’émissions, l’argent risquait fortement d’être utilisé pour subventionner les combustibles fossiles, et le charbon en particulier.

« Les normes d’émissions doivent être introduites pour garantir la réorientation indispensable des investissements vers des énergies renouvelables durables, des économies d’énergie et une modernisation des infrastructures du réseau électrique », soutient Joanna Flisowska.

« Si l’UE veut être cohérente avec ses engagements dans le cadre de l’accord de Paris, toutes les centrales à charbon doivent être fermées. Stopper ces subventions au charbon est une première étape essentielle », a-t-elle insisté. Sinon, « durant les dix prochaines années, les infrastructures énergétiques polonaises continueront de recevoir des milliards d’euros du fonds ETS pour les investissements sur le charbon ».

Dans une lettre à ses collègues datant du 18 septembre, le ministre polonais de l’Environnement, Jan Szyszko,  s’oppose à l’introduction de valeurs limites d’émissions pour recevoir des fonds ETS et soutient que le système de compensation doit rester « neutre ». Il appelle également à une hausse de 2 % à 4 % du Fonds de modernisation qui sera créé à partir de crédits carbone mis aux enchères.

La Pologne veut soigner son addiction au charbon avec du nucléaire

Les investissements de la Pologne dans trois nouvelles centrales à charbon pourraient être les derniers, selon le ministre de l’Énergie polonais qui annonce un revirement vers l’énergie nucléaire.

Les négociations entre la Commission européenne, le Conseil et le Parlement devraient se conclure le 12 octobre. Elles seront précédées par une réunion des ambassadeurs des 28 États membres le 6 octobre.

L’Estonie espère quant à elle conclure les négociations avant la fin des six mois de sa présidence, c’est-à-dire avant janvier. « L’objectif de la présidence est de conserver l’équilibre du texte, tout en remplissant un mandat le plus large possible au Comité des représentants permanents du 6 octobre », explique Annikky Lamp, porte-parole de la présidence estonienne.

Un tel équilibre peut être trouvé de différentes manières. Par exemple, en ce qui concerne les normes d’émissions, la présidence a proposé une garantie alternative aux fonds des articles 10c et 10d sous la forme de co-financement. Cela signifie que la moitié des subventions allant à la transition vers des énergies propres devront provenir des coffres de l’État et non du mécanisme d’ETS.

La Pologne voit quant à elle le paquet d’un bon œil. « Les actuels amendements du Conseils sont une étape important allant dans la bonne direction, mais nous ne sommes pas encore au bout du chemin », a indiqué une source de l’industrie polonaise.

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