/

Les publications où taguer ses copains et copines pullulent sur le réseau social.

L'Express

"Tague une personne tatoué [sic] et elle devra te faire un gateau au chocolat", "Tague une personne née en octobre et elle devra te faire un gâteau", "Tague quelqu'un qui est accro à son téléphone et il (elle) devra te faire un gâteau au chocolat". Si vous avez un compte Facebook, ce type de publications ne vous sont probablement pas étrangères. Ces derniers mois, elles ont envahi le réseau social. A tel point que certains fils d'actualité ne contiennent plus qu'elles. Le principe est assez simple: une photo, ou une courte vidéo, est publiée avec une légende. Celle-ci ne contient pas toujours explicitement la mention "tague quelqu'un", mais a pour but de vous faire penser à un(e) ami(e), que vous identifierez dans les commentaires. Dans le jargon, on appelle ça du "like-baiting". Innocents en apparence, ces posts cachent en réalité un juteux business.

Publicité

De (très) rares bénévoles

Pour comprendre cela, il faut se pencher sur l'origine de ces contenus. Plusieurs catégories se distinguent. La première, très réduite, est composée de ceux qui postent ces contenus pour le plaisir, et l'envie de divertir. Maxence, un étudiant en troisième année de faculté à Aix, gère par exemple bénévolement Vie d'étudiant. Malgré ses 68 000 fans, il raconte n'avoir accepté d'afficher que trois publicités, depuis octobre 2016. Pas de quoi lui rapporter beaucoup d'argent, donc.

On trouve ensuite des médias, comme Voici, Be Magazine, RMC, la chaîne étudiante MCE, ou encore Buzzfeed, des marques désireuses d'agrandir leur communauté, ou des pages thématiques, par exemple dédiées à la musculation ou à la cuisine.

Les médias et marques boostent leur notoriété

Pour eux, l'objectif ne serait pas non plus la rentabilité. Cécile Dehesdin, rédactrice en chef de Buzzfeed explique ainsi "créer et faire grandir un espace où les lecteurs peuvent commenter, s'interpeller, se reconnaître, partager un moment". Elle note que sur Buzzfeed, les abonnés se sont toujours eux-mêmes tagués sous les publications lorsqu'ils reconnaissaient leurs amis. Enfin, il s'agirait selon elle d'une demande des internautes. "On crée souvent des images basées sur des prénoms, et on reçoit régulièrement des demandes de prénoms par exemple, indique à ce propos Cécile Dehesdin. C'est souvent pour eux une manière comme une autre de dire à un ou une ami(e) qu'ils pensent à lui ou elle."

Ce qui n'est pas dit en revanche, c'est combien de personnes arrivent sur la page Facebook de Buzzfeed ou sur le site parce qu'ils ont cliqué sur l'une de ces publications virales postées plusieurs fois par jour. Ni comment ces publications peuvent booster le "reach" du média. Ce terme marketing désigne le pourcentage d'internautes ayant été exposés à un message diffusé par une marque. Or le fait qu'il augmente n'est pas seulement flatteur: cela peut aussi faire grimper le coût d'un espace publicitaire.

Dix millions d'internautes touchés en un post

Outre les marques et médias, il existe aussi un autre type de pages capitalisant sur la tendance des "Tague un pote qui..." Celles-ci ne se servent pas des publications pour donner un petit coup de pouce à leur business, mais qui en créent un à partir de ces contenus.

C'est le cas par exemple d'une page nommée "Québec Insolite", qui promet de l'"humour et de l'insolite 100% québécois". Elle est suivie par un peu plus de 114 000 personnes et, selon son administrateur, elle parviendrait à atteindre 10 millions de personnes avec une seule photo ou petite vidéo.

L'administrateur de "Québec Insolite" explique que ces chiffres permettent de générer des revenus simplement en partageant des publicités sur sa page Facebook, entre deux "Tague un ami".

Des entreprises peu bavardes

Cette page n'est qu'un exemple parmi d'autres, qui semblent fonctionner sur le même principe... Et de manière plus ou moins floue. Certaines pages ne laissent en effet aucune information sur l'identité des personnes se cachant derrière: ni nom, ni adresse, ni formulaire de contact, excepté via la messagerie Facebook. Leurs sites sont de simples vitrines, leurs chaînes YouTube ne contiennent rien d'autre que des contenus volés à des médias. D'autres sont plus un peu transparentes, et indiquent par quelle société elles sont gérées.

Deux pages très populaires en France, Les "fdp du net" (2,5 millions de fans) et "Info couple" (1,3 million) appartiennent par exemple toutes deux à une même société, nommée Cashly. Active depuis un an, le responsable de sa page -les autres n'ayant pas répondu pour l'instant- n'a pas souhaité s'épancher sur la question de la monétisation. La société publie jusqu'à une vingtaine de contenus par jour, entrecoupés de quelques publicités, notamment pour des marques de vêtements.

Des contenus souvent plagiés

A noter que beaucoup des auteurs de ces posts, le business est d'autant plus rentable qu'il ne demande pas un grand investissement. La plupart des vidéos ou photos publiées sur leurs pages Facebook sont simplement plagiées sur d'autres sites, sans crédits. Peu prennent même le temps de modifier la légende. Résultat: certains créateurs se sentent lésés. En février 2016 déjà, l'un d'entre eux, "h3h3", avait publié une série de vidéos, dans lesquelles il racontait comment l'une de ces pages experte en "like-baiting" avait volé ses contenus. Et comment il n'avait pas réussi à obtenir justice.

LIRE AUSSI >> Affaire SoFlo: quand Facebook donne raison au voleur contre sa victime

Publicité