Trente-trois personnes sont mortes de la peste à Madagascar depuis le mois d’août, selon le ministère de la santé de l’île, qui dénombrait 231 cas, jeudi 5 octobre. Si l’épidémie ressurgit régulièrement à cette période de l’année, elle n’est cette fois-ci pas cantonnée aux zones rurales : onze décès ont été enregistrés à Antananarivo, et le grand port de Toamasina est touché aussi.
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) considère qu’il existe un « risque élevé de propagation au niveau national ». « L’OMS est préoccupée par le fait que la peste se répande, car elle est déjà présente dans plusieurs villes, et c’est seulement le début de la saison épidémique », a admis Christian Lindmeier, l’un des porte-parole de l’organisation, lors d’un point presse, mardi, au siège àGenève.
L’OMS a libéré un fonds d’urgence de 300 000 dollars (255 158 euros) et lancé un appel pour mobiliser 1,5 million de dollars supplémentaire. Du personnel a été envoyé en renfort sur place. Des stocks d’antibiotiques et de matériel de protection, essentiellement des masques et des produits de désinsectisation, devraient suivre. Le ministère de la santé a mis en place un numéro vert pour signaler les cas suspects et orienter les malades vers les centres de santé où ils seront pris en charge gratuitement.
Ces mesures ne sont toutefois pas suffisantes pour apaiser l’inquiétude de la population. Dans la capitale, les pharmacies sont prises d’assaut. Les ventes de Cotrim, un médicament à base de sulfamide censé prévenir l’infection, ont explosé. Il se revend désormais au marché noir. La communication du gouvernement est critiquée. « On nous dit de porter un masque puis on nous dit que ce n’est pas nécessaire. Nous ne savons pas quoi faire, regrette un avocat sans dissimuler son abattement. Madagascar n’avait pas besoin de cela. Connaître la peste au XXIe siècle, c’est humiliant. »
Maladie de la misère
Madagascar est, avec la République démocratique du Congo, un des principaux pays où cette maladie de la misère reste endémique. De 400 à 600 cas sont enregistrés chaque année entre septembre et mars. La peste est entrée dans le pays en 1898, à partir de Toamasina, à la suite de l’escale d’un bateau venant d’Inde, avant de se propager. Après plusieurs décennies de flambées meurtrières, l’infection colportée par les rats était progressivement tombée en sommeil grâce au progrès des traitements et de la prise en charge. Avant d’émerger à nouveau dans le paysage sanitaire au début des années 1980.
L’épidémie actuelle comprend les deux formes de l’infection : la peste bubonique, véhiculée par les rats infectés à travers des piqûres de puce, et la peste pulmonaire, transmise de personne à personne par la toux. La propagation des campagnes vers les villes de Yersinia pestis – le bacille responsable de la peste – a été favorisée par la déforestation et les feux de brousse. Mais, en ville, l’absence de réseaux d’assainissement et de collecte de déchets satisfaisants alimente à son tour la prolifération des rongeurs. A Antananarivo, la responsabilité de la municipalité, chargée du ramassage des ordures, a été mise en cause par le gouvernement.
Pour l’heure, l’OMS écarte le risque d’extension de l’épidémie hors des frontières, même si parmi les victimes figure un entraîneur de basket seychellois présent dans l’île pour la Coupe des clubs champions de l’océan Indien. Il est décédé dans un hôpital de la capitale le 27 septembre. Les rassemblements publics ont été interdits, les universités fermées.
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