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Une esquisse de La Liberté guidant le peuple de Delacroix en vente à Londres

INFO LE FIGARO - Estimée 700.000 à 1 million de livres, ce dessin préparatoire au tableau conservé au Louvre est proposé chez Christie's, le 14 décembre à Londres. Il sera exposée dans les locaux parisiens de la maison de vente la semaine prochaine. Et pourrait ne pas revenir en France.

Il n'y a pas plus iconique que La Liberté guidant le peuple. Par sa portée politique, la célèbre allégorie de cette femme pieds nus, poitrine au vent, portant le drapeau bleu blanc rouge, a souvent été choisie comme symbole

de la République française. Elle incarne, avec force, la démocratie au point qu'on l'a retrouve un peu partout: des livres d'histoire, aux billets de banque (les cent francs de 1978 à 1995), en passant par les timbres avec la Liberté en Marianne (série gravée par Pierre Gandon de 1982 à 1990). Sans oublier les nombreuses caricatures de presse ou les affiches publicitaires. Et jusqu'à certaines images de manifestations, comme celles qui se sont déroulées à Paris après les attentats de janvier 2015.

Tout le monde connaît la fameuse huile sur toile réalisée en 1830 par Eugène Delacroix. Elle évoque un des moments les plus tendus du XIXe siècle: les Trois Glorieuses, ces trois journées du soulèvement populaire parisien contre Charles X, (les 27, 28 et 29 juillet 1830). Présentée au public au Salon de Paris de 1831 sous le titre Scènes de barricades, l'œuvre fut exposée dès 1863 au musée du Luxembourg, avant d'être transférée au musée du Louvre en 1874. Depuis, elle n'a cessé d'attirer les foules.

L'une des esquisses de cette toile réapparaît aujourd'hui sur le marché. Elle sera vendue le 14 décembre, chez Christie's à Londres, dans une dispersion consacrée au XIXe siècle. Mais avant, la feuille fera l'événement à Paris, pour être présentée dès vendredi prochain, au siège parisien de la maison de vente. Son intérêt est d'offir une vision déjà très aboutie du tableau. Presque tous les personnages sont déjà là. La figure de la Liberté qui régit la disposition des personnages est au centre avec le drapeau à droite, à l'inverse toutefois de celui de la toile. Le groupe d'hommes morts est au premier plan tandis que la fumée au loin ajoute au caractère dramatique de la scène.

«J'ai commencé à travailler sur un sujet moderne, une scène sur les barricades.... Je n'ai peut-être pas combattu pour mon pays, mais au moins je l'aurais peint», raconte Delacroix dans une lettre écrite à son frère en 1830. Le peintre a réalisé ce sujet avec la même fougue romantique qui l'a guidé dans Scènes de massacres de Scio ou La Grèce sur les ruines de Missolonghi.

Une composition qui évoque Géricault

«L'élan porté à son paroxysme par la victoire s'inscrit dans un plan pyramidal dont la base jonchée de cadavres est comme un piédestal sur lequel s'élève l'image des vainqueurs, écrit Malika Bouabdellah Dorbani, dans la notice du musée du Louvre. Ce procédé de composition rigoureux, utilisé par Géricault dans Les Naufragés de la Méduse ou par lui-même dans La Grèce sur les ruines de Missolonghi contient et équilibre la touche emportée du peintre et le rythme impétueux de la scène»

La facture de cette esquisse déjà très proche du tableau final est à l'huile, avec des couleurs encore primaires, n'utilisant guère que le bleu et le noir sur fond ocre. Le trait de crayon fait tourbilloner les figures dans une composition aux lignes obliques donnant un fort dynamisme à l'ensemble. On devine la silhouette de celle qui sera la fille du peuple coiffée du bonnet phrygien, les mèches flottant sur la nuque, fougueuse et victorieuse avec son drapeau, symbole de lutte, ondulant vers l'arrière du plus sombre au plus lumineux, comme une flamme. Dans la toile, l'habit jaune qu'elle porte rappelle les drapés antiques. La nudité relevant du réalisme érotique l'associe effectivement aux victoires ailées.

L'esquisse en vente chez Christie's porte le cachet Pierre Andrieu qui fut l'élève de Delacroix à partir de 1844 et son collaborateur jusqu'en 1863. «Comme il a souvent attribué à ce peintre des œuvres mineures de Delacroix, explique l'expert de Christie's, Olivier Lefeuvre, on a longtemps pensé que cette esquisse était une copie du maître effectué par Andrieu. Mais les études d'Hélenne Toussaint et surtout de Lee Johnson, auteur du catalogue raisonné de Delacroix rédigé de 1980 à 1990, ont démontré le contraire et réattribué l'esquisse à Delacroix.»

Depuis la vente de la succession Andrieu à Drouot en mars 1918, la trace de cette esquisse n'a presque jamais été perdue. Elle figure dans la collection de la galerie Beyeler à Bâle en 1956, avant d'atterrir dans une collection suisse en 1958. Interrogé, le Louvre ne semble pas prêt à débourser une telle somme pour acquérir cette esquisse considérée pourtant par d'éminents collectionneurs, notamment Louis-Antoine Prat, comme «un petit chef-d'oeuvre!».

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