Tribune. La stratégie nationale de santé qui vient d’être publiée par le ministère de la santé définit comme axe prioritaire une forte politique de prévention. Les principaux facteurs de risque identifiés dans ce rapport sont le tabac, l’alcool, la sédentarité, le surpoids et l’obésité. Il s’agit d’enjeux primordiaux, évidemment, mais nous regrettons que le mot « sommeil » ne soit pas cité dans les 189 pages du rapport du Haut Conseil de la santé publique. Cette situation est pour nous, spécialistes du sommeil, extrêmement alarmante.
Le sommeil est vital pour la réparation physique et psychique, l’équilibre et la santé de l’individu. Dormir insuffisamment, mais aussi avoir des rythmes irréguliers de sommeil, est un facteur de risque en termes de santé publique, affectant de nombreuses maladies. Alors que le prix Nobel de médecine vient d’être attribué à trois chercheurs pour leurs travaux sur l’horloge biologique, on constate que notre société néglige de plus en plus le sommeil, rythme fondamental de l’individu s’il en est.
Pourtant, depuis les années 1980, les effets néfastes de l’insuffisance de sommeil sont bien identifiés, notamment les retentissements cardiovasculaires (hypertension artérielle, infarctus, accidents vasculaires cérébraux, etc.). Les récentes recherches ont mis en évidence les liens entre manque de sommeil et troubles métaboliques. Quand on ne dort pas suffisamment, les hormones qui interviennent dans la régulation du poids et de l’appétit sont modifiées, en particulier la leptine et la ghréline, ainsi que l’insuline. La prise de poids est donc facilitée. Les risques de déclencher un diabète de type 2 augmentent. Comment envisager une prévention dans le domaine du surpoids et de l’obésité sans un « plan sommeil » ?
La privation de sommeil a également des conséquences dans la régulation immunitaire : baisse des lymphocytes et altération des autres systèmes de l’immuno-régulation. L’organisme sera notamment plus sensible aux infections et aux cancers hormono-dépendants ; ainsi, les cancers du sein et de la prostate seront plus fréquents chez les personnes en privation de sommeil.
Plus d’une heure par nuit de sommeil perdu en trente ans
Concernant les maladies neurodégénératives, pendant les périodes de sommeil, certaines zones cérébrales sont le lieu d’un lavage neuronal qui élimine les substances amyloïdes et les protéines tau impliquées dans les maladies comme l’Alzheimer. Cette fonction de nettoyage se réalise exclusivement pendant le sommeil. Enfin, on peut ajouter qu’un sommeil trop réduit, voire trop fractionné, va plus facilement faire le lit des dépressions. Comment envisager une prévention du cancer, des maladies neurodégénératives, de la dépression, sans envisager un « plan sommeil » ?
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