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Terroriste "martyr" : Sonia Nour doit être poursuivie pour l'ensemble de son discours

Terroriste "martyr" : Sonia Nour doit être poursuivie pour l'ensemble de son discours

Par Fatiha Boudjahlat

Publié le

Fatiha Boudjahlat revient sur le cas de cette fonctionnaire de la Courneuve accusée d'avoir relativisé l'attaque terroriste de Marseille et suspendue depuis.

Sonia Nour, fonctionnaire territoriale de la municipalité communiste de la Courneuve, a été suspendue et devra comparaître devant un conseil de discipline. Le maire Poux a pris cette décision après l’émoi suscité par un post publié de façon publique sur facebook. Dans celui-ci, elle prétend dénoncer la focalisation sur les deux femmes assassinées à Marseille aux dépens des féminicides. Elle choisit pour désigner le terroriste le terme de « martyr » : « Quand un martyr égorge une femme et poignarde une autre, là, ça fait du bruit. Terrorisme, du sang, civilisation Bla Bla Bla. Par contre que le terrorisme patriarcal nous tue tous les deux jours on l’entend moins votre grande gueule. » Consciente de la violence de sa charge, Sonia Nour corrige son post dans un second temps … en entourant le terme de martyr de guillemets distanciateurs. Le terme martyr vise ici à lier l’acte de tuer au sexe masculin du tueur-né, parce que homme, et à évacuer totalement l’idéologie religieuse. Ce n’est pourtant pas ce seul post qui mérite des poursuites pour apologie du terrorisme, c’est l’ensemble de son oeuvre.

Selon l’article 421-2-5 du Code pénal, est en effet puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 € d'amende le fait de faire publiquement l'apologie d’actes de terrorisme, et dans le cas où les faits ont été commis en utilisant un service de communication au public en ligne, les peines sont portées à sept ans d'emprisonnement et à 100 000 € d'amende. Sonia Nour précise dans un autre post, qu’elle n’employait pas le terme de martyr au sens chrétien et historique du terme, faisant du tueur un saint ayant fait le sacrifice suprême, mais au sens psychanalytique. Pour quiconque est familiarisé avec la phraséolgie indigéniste et intersectionnelle, sa défense peut être entendue. Sonia Nour se présente et a signé des tribunes sous le titre d’Afro-feministe, ce qui dit tout de son positionnement politique : mélange d’épiderme et de combat politique, militantisme féministe au service de l’origine ethnique. Lutte des races et des sexes plutôt que lutte des classes pour une personne censément communiste. Verbiage, langage pontifiant et pompeux, sémantique pseudo scientifique, c’est ainsi que les indigénistes donnent à leur ideologie et à leur dogmatisme un vernis de sciences. Est-elle moins fautive ? D’avoir rédigé un tel post avec de tels termes, polysémiques que dans leur milieu, aussi tôt après l’assassinat des deux jeunes filles ? Leur peau blanche a sans douté joué comme coupe-circuit de l’empathie.

Une relativisation de l'attentat terroriste

Aussi grave sinon plus, dans un post explicatif publié à la suite du premier, posé et donc pesé, Sonia Nour écrit : « Malgré les croyances populaires, les attentats-suicides ne sont liés ni au fondamentalisme islamique, ni à la religion en général. » Combien d’intellectuels gauchistes ont-ils tenu le même raisonnement ou des variantes ? Olivier Roy ne dit pas autre chose lorsqu’il voit dans le terrorisme l’expression d’une radicalité sans lien avec la pratique religieuse. Sonia Nour poursuit : « Nous avons l’équivalent d’un Bataclan chaque année pour les femmes (…) En quoi le crime dit « islamiste » serait plus atroce que le crime de femmes par leur conjoint ou ex ? » C’est en fait le passage qui devrait le plus valoir à Madame Nour des poursuites. Selon l’avocat Renaud Gaudillat, « l’apologie consiste à présenter un acte terroriste sous un jour favorable, soit de manière directe soit par la relativisation de cet acte en sorte d’en nier la portée », rappelant un arrêt de la chambre criminelle de la Cour de Cassation n°16-83331 daté du 25 avril 2017 statuant en défaveur d’un homme qui avait brandi une pancarte sur laquelle figuraient « je suis humain-je suis Charlie » d’un côté, et de l’autre « je suis la vie-je suis A », ce qui était une référence indéniable aux frères A... impliqués dans les attentats terroristes visés par cette manifestation », le tout accompagné d’un coeur.

L’arrêt précise que ce faisant, « le prévenu, par son comportement lors d'un rassemblement public, a manifesté une égale considération pour des victimes d'actes de terrorisme et l'un de leurs auteurs à qui il s'identifiait, ce qui caractérise le délit d'apologie d'actes de terrorisme…» Par ses propos, Sonia Nour relativise l’attentat terroriste contre les deux jeunes femmes. Au nom d’une cause qu’elle juge moralement supérieure et plus impérative.

"Ils sont les Faurisson du terrorisme islamiste"

Mais cette atténuation du caractère spécifique du terrorisme n’est pas nouvelle. Pascal Boniface s’en est fait une spécialité, lui qui regrette dans un article publié dans La Tribune le 15 février 2016 « la focalisation excessive » sur le terrorisme expliquant qu’ « il y a d’autres facteurs de mortalité qui ne suscitent pas la même mobilisation. Il y a 130 personnes par jour qui meurent à cause de l’alcool. L’an dernier, 412 personnes sont mortes de froid dans la rue et 3 500 autres ont été victimes de la route, certes par accident, mais en grande partie par la délinquance routière. Chaque année, 150 personnes meurent de violences conjugales. Deux enfants meurent chaque jour sous les coups de leurs parents. Ces morts ne suscitent pas la même mobilisation… Il y a une acceptation sociale beaucoup plus grande pour ces types de violence qui pourtant font chaque année, et depuis des décennies, beaucoup plus de victimes. »

L’effet poursuivi est le même : relativiser l’acte, la nature et les conséquences du terrorisme. Il s’agit bien sûr d’une réflexion philosophique. Les bourgeois pénitents ne cessent de jouer sur leur statut d’intellectuel pour distiller leur idéologie, en la faisant passer pour de la réflexion ou de l’expertise scientifique. Ils ne font rien de moins que du révisionnisme : ce n’est pas du terrorisme,ce n’est pas du fanatisme religieux, ce n’est pas religieux du tout et de toute façon, la France l’a bien cherché. Ce sont les Faurisson du terrorisme islamiste, à qui les médias autorisent et pardonnent tout. Ils se disent de gauche mais ne défendent pas l’émancipation individuelle. Ils se disent chercheurs mais jouent aux Procuste avec la réalité, sélectionnant les faits divers qui collent à leur idéologie. Ils se disent anti-racistes mais sont dans la parole blanche experte qui bénie ou qui excommunie ceux là qui, bien que d’origine étrangère, ont le mauvais goût de ne pas penser comme eux.

Radiation pour l'ensemble de son oeuvre

Plus qu’un procès ou une condamnation pénale, c’est bien une radiation de la fonction publique territoriale que Sonai Nour mérite. Pour l’ensemble de son œuvre dont ce post, dans lequel elle écrit : «J’emmerde cette France raciste. Cette France patriarcale. J’emmerde cette France psychophobe et validiste. J’emmerde cette France maltraitante et dans le déni de son histoire. Les noirs et les arabes ne disent pas « vive la France » ? Apprenez déjà à nous respecter. » La situation est grotesque : une personne qui tire ses revenus de la solidarité nationale, qui vit donc par les moyens de l’Etat qu’elle vomit, ce qui rappelle Houria Bouteldja du Parti des Indigènes de la République (PIR), salariée de l’Institut du Monde Arabe, équivalent culturel de la Françafrique… Une personne qui travaille dans une municipalité, a fortiori communiste, qui devrait donc être soucieuse d’agir pour l’ensemble de ses concitoyens, mais qui classe la population, dans un méli-mélo détonnant, en noirs, arabes, personnes atteintes de maladies psychologiques ou celle atteintes d’handicap, seules catégories qui méritent son intérêt, son empathie et sa mobilisation.

"Être « racisé », femme, gauchiste ne doivent plus donner quitus pour les outrances."

Il est utile de poursuivre Sonia Nour. Sans parier sur sa condamnation. Son intention n’était certes pas de faire l’apologie du terrorisme. Mais il était temps d’agir, de se saisir des outils que le Droit met à notre disposition, de cesser de nous contenter d’en appeler à la liberté d’expression, que les défenseurs de Sonia Nour ne reconnaissent pas à des gens comme Eric Zemmour, mais qu’ils accordent aux indigénistes, qui sont autant dans le racisme que les identitaires. Être « racisé », femme, gauchiste ne doivent plus donner quitus pour les outrances.

Le procès de Sonia Nour serait celui de la responsabilité de militants qui tirent prétexte et argument de ce qu’ils sont pour insulter, inciter à la haine, relativiser l’horreur selon une échelle de valeurs dont ils sont les artisans et les gardiens jaloux. Les mots comptent, les indigénistes en ont fait des mines anti-personnel. Nous refusons cette impunité de l’épiderme. Nous n’avons pas à intérioriser la sémantique et la tournure d’esprit tortueuse de ces idéologues. Sonia Nour a publié un appel à l’aide. Elle craint de perdre son emploi, au service d’un système « patriarcal, psychophobe, validiste, maltraitant, raciste ». Que la fréquentation de Pôle Emploi lui permette d’approfondir sa connaissance du système social français, oppressif.

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne