ADDICTIONLe créateur du «J’aime» plaide pour une désintoxication des réseaux sociaux

Créateur du «J’aime» de Facebook, il plaide pour une désintoxication des réseaux sociaux

ADDICTIONJustin Rosenstein, ancien ingénieur chez Facebook, combat «l’économie de l’attention»…
Un tag «Dislike» («J'aime pas») faisant référence au bouton «Like» de Facebook.
Un tag «Dislike» («J'aime pas») faisant référence au bouton «Like» de Facebook. - CC - zeevveez - Flickr
O. P.-V.

O. P.-V.

L'essentiel

  • Justin Rosenstein critique la tendance à l'économie de l'attention.
  • Le temps de concentration continue est en chute libre chez les utilisateurs de réseaux sociaux.
  • Plusieurs figures de la Silicon Valley revendiquent le droit à la déconnection.

C’est une forme de paradoxe du cordonnier. Dans une longue enquête, le quotidien britannique The Guardian raconte l’histoire de Justin Rosenstein, ancien développeur chez Facebook, aujourd’hui en lutte contre lui-même et la Silicon Valley.

La spécificité de ce trentenaire est d’avoir été l’un des créateurs du bouton « like » sur le réseau de Mark Zuckerberg, l’une des évolutions les plus marquantes de la courte histoire du site (introduite en 2009), la fonctionnalité faisant une grande partie du sel de Facebook et ayant été copiée à leur manière par à peu près tous ses concurrents à l’époque.

Attention à l’économie de l’attention

Dix ans après avoir passé ses nuits à coder le prototype du célèbre « j’aime » (il avait commencé en 2007), qu’il qualifie de « lumineux tintement de pseudo-plaisir », Justin Rosenstein trouve désormais les réseaux sociaux trop… envahissants. Auprès du Guardian, il explique avoir supprimé Snapchat et Reddit de son téléphone, et avoir restreint son usage de Facebook. Insuffisant, puisqu’il lui a fallu demander en août à son assistant d’installer un système de contrôle parental sur son iPhone pour arrêter de télécharger de nouvelles applications.

Notons que Justin Rosenstein, qui a également participé à la création de Gtalk pour Google, n’a pas du tout quitté l’univers de la Silicon Valley et travaille toujours à San Francisco. Si l’homme est en croisade contre « l’addiction » - c’est son terme - aux réseaux sociaux, ce n’est pas par fatigue du numérique. Son problème, c’est la place de plus en plus importante de ce qu’on appelle « l’économie de l’attention » dans les plans de développement des géants du web.

L’accès à ce contenu a été bloqué afin de respecter votre choix de consentement

En cliquant sur« J’accepte », vous acceptez le dépôt de cookies par des services externes et aurez ainsi accès aux contenus de nos partenaires.

Plus d’informations sur la pagePolitique de gestion des cookies

« Un Internet façonné pour les attentes d’une économie de la publicité »

Voici comment le décrit le journal anglais : « Rosenstein fait partie d’un groupe, petit mais en expansion, d’hérétiques de la Silicon Valley qui se plaignent de l’essor de ce qu’on appelle l'"économie de l’attention" : un Internet façonné pour les attentes d’une économie de la publicité. »

L’idée derrière ce concept d’économie de l’attention, c’est que les développeurs de réseaux sociaux pensent leurs créations et leurs améliorations dans le but d’accrocher le plus possible l’internaute. Jusque-là, ok, c’est du développement produit de bonne guerre. Sauf que, quand on parle d’applications web et mobile, ça se traduit par des vagues de notifications en tout genre, pour le moindre rappel ou simplement pour faire revenir un utilisateur lassé.

L’article cite d’autres confrères du développeur, des anciens de Facebook, eux-mêmes en pleine phase de désintoxication à grands coups de plug-in pour bloquer les alertes et notifications. « Une des raisons pour lesquelles il est particulièrement important pour nous de parler de cela, c’est que nous sommes peut-être la dernière génération qui se souvienne de la vie d’avant », explique Rosenstein.

La capacité d’attention continue en chute libre

« L’économie de l’attention » n’est pas une expression nouvelle (cela date des débuts d’Internet dans les années 90), mais elle devrait revenir régulièrement dans les prochains mois, plusieurs voix s’élevant, outre Justin Rosenstein, pour alerter sur cette tendance des géants du Web à vouloir capturer le maximum de temps de cerveau disponible de l’internaute.

Un long article du magazine du Monde abordait la question fin septembre. L’auteure avait interrogé Tristan Harris, ancien « philosophe produit » chez Google, devenu lanceur d’alerte : « On pourrait juste se dire : "Ah, les ados utilisent Snapchat comme nous quand on bavardait au téléphone pendant des heures", mais, à l’époque, il n’y avait pas deux cents ingénieurs derrière l’écran qui connaissent parfaitement la psychologie des adolescents et font tout pour les rendre ­accros à l’application… »

Conséquence, la journaliste du Monde explique avoir perdu 4 secondes d’attention en dix-sept ans. Désormais, son temps moyen d’attention continue sur une tâche est de 8 secondes… moins qu’un poisson rouge, qui peut se focaliser sur l’environnement de son bocal pendant 9 secondes d’affilée. D’où le cri d’alarme de Justin Rosenstein, un peu nostalgique « de la vie d’avant », malgré ses réussites numériques : « La dynamique de l’économie de l’attention est structurée pour compromettre la volonté humaine », dit-il au Guardian. Bigre.

Sujets liés