"Les manuscrits ne brûlent pas" ou le destin de Vassili Grossman

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"Les manuscrits ne brûlent pas" ou le destin de Vassili Grossman

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2ème Guerre Mondiale Stalingrad 1942, Combat dans l'usine Octobre Rouge
2ème Guerre Mondiale Stalingrad 1942, Combat dans l'usine Octobre Rouge
© Maxppp - WOSTOK PRESS/ MAXPPP

Cinquième étape de cette série d’archives consacrée au retour des camps avec Vassili Grossman. Cet auteur russe, d’abord proche du régime soviétique, est progressivement devenu anti-stalinien. Son œuvre, tout en dépeignant la société russe, rend compte de cette mutation idéologique et politique.

Ecrivain proche du parti communiste, dont l’œuvre est saluée par Maxime Gorki, Vassili Grossman (1905 – 1964) combat au front dès 1941, et est correspondant de guerre du régime. Après Stalingrad, sur la route de Berlin aux côtés de l’armée rouge, il est l’un des premiers à découvrir l’horreur nazie lors de la libération du camp d’extermination de Treblinka. Il en reviendra bouleversé. Ce séisme personnel croise alors le travail de l’écrivain donnant la matière de son célèbre diptyque Pour une juste cause et Vie et Destins, ainsi qu’un récit, L’Enfer de Treblinka, rassemblant des témoignages recueillis sur place.

Ces événements, ajoutés à la montée de l’antisémitisme en URSS ne font que confirmer sa méfiance vis-à-vis du régime stalinien dont il se détache de plus en plus. Celui que Simon Markish décrit volontiers comme un "écrivain russe au destin juif", est considéré comme l’un des premiers écrivains à avoir établi un parallèle entre le nazisme et le stalinisme.

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De cette comparaison faite par Grossman, Tzvetan Todorov parle en ces termes :

Grossman est parfaitement au courant et sensible aux différences. Elle ne consiste nullement non plus à excuser l’un par l’autre, à expliquer par exemple que les nazis seraient moins condamnables parce qu’ils réagissaient à la menace communiste. Néanmoins, Grossman se rend compte que le système communiste est non moins condamnable, et qu’à un certain niveau d’abstraction, les deux systèmes sont parfaitement comparables.

Et Tzvetan Todorov ajoute :

Dans son analyse des systèmes totalitaires, Grossman met en avant la disparition de la liberté.

L’écriture devient le lieu et l’arme d’un combat autant politique qu’idéologique, ce qui n’échappa pas au KGB. En 1960, le manuscrit de Vie & Destin est confisqué. Livre-maudit, livre miraculé : Vassili Grossman avait confié deux manuscrits à des amis. Arrivé clandestinement jusqu’en Suisse, son œuvre a pu être publié en 1980, avant de l’être en URSS en 1989.

Et comme le note Michel Parfenov : 

Une fois de plus, c’est Mikhail Boulgakov qui a raison : "Les manuscrits ne brûlent pas." En Russie du moins. 

Vassili Grossman, ou "les manuscrits ne brûlent pas"

1h 28

Avec : Anne Coldefy (maître de conférence à Paris IV ) ; Luba Jurgenson, (traductrice) ; Alexis Berelowitch (maître de conférence à Paris IV),_ _François Bonnet (correspondant du Monde à Moscou) 

Pierre Daix**, (écrivain) ;  **Tzvetan Todorov (directeur de recherche au CNRS).

  • France Culture - Une vie Une Oeuvre 
  • Date de diffusion : 16.09.2001 
  • Production : Michel Parfenov
  • Réalisation : Anne Fleury