Le président de la Catalogne, Carles Puigdemont, a temporisé, mardi 11 octobre, devant le Parlement. Il a suspendu l’indépendance de la région, ouvrant la voie à un dialogue avec Madrid.

Il a “arrêté la montre et s’est donné du temps pour négocier”, résume le site nationaliste El Nacional. Une stratégie “risquée” étant donné la complexité de la politique catalane, mais qui peut permettre “de conserver le soutien de l’opinion publique internationale”.

Las, en Espagne, cette solution médiane semble ne satisfaire ni ses alliés ni Madrid, qui considère toujours le référendum comme nul et non avenu.

  • Déception en Catalogne

Le camp indépendantiste catalan est un patchwork politique qui s’est uni dans la perspective d’une indépendance. La Candidature d’unité populaire (CUP), parti de gauche radicale fort de 10 députés sur les 135 que compte le Parlement catalan, figure parmi les plus vaillants promoteurs de l’indépendance.

Sans surprise, ils ne se sont pas satisfaits du discours de Puigdemont, qu’ils n’ont pas applaudi. “Nous ne pouvons accepter la suspension de quoi que ce soit”, a regretté, à la tribune, la députée Anna Gabriel. Pour la CUP, a-t-elle ajouté, citée par La Vanguardia, “la proclamation de la République catalane est le seul moyen de négociation avec l’État espagnol”.

Pour Quim Arufat, ancien élu et porte-parole de la CUP, Puigdemont a violé l’accord politique qui lie les membres de la coalition, portant atteinte à la confiance, rapporte le journal catalan El Periódico. Les élus de la CUP, ajoute-t-il, ont lancé un ultimatum de trente jours au-delà desquels la suspension de la déclaration unilatérale d’indépendance ne serait plus tolérable.

El Periódico s’est également rendu sur une place de Barcelone où quelque 30 000 personnes s’étaient réunies pour suivre le discours sur un écran géant. L’ambiance était joyeuse avant que “l’euphorie ne s’effondre” quand la foule a compris que l’indépendance ne serait pas pour aujourd’hui. Certains ont été étonnés. D’autres ont hué longuement. Certains d’entre eux ont fondu en larmes”, écrit la journaliste, qui raconte que les expressions de ces visages ont changé d’aspect au fil du discours.

  • Madrid inflexible

L’appel au dialogue ne convainc pas non plus la presse nationale. Dans son éditorial, le quotidien de référence, El País, dénonce un “piège des indépendantistes” et l’hypocrisie d’une proposition de dialogue et de médiation destinée uniquement “à faciliter la sécession, et en aucun cas à l’éviter”. “Les résultats de la médiation sont, et ont toujours été, prédéterminés : ils ne peuvent que mener à l’indépendance, seul scénario possible après [le référendum] du 1er octobre selon Puigdemont.”

Le gouvernement persiste, lui, à juger “inadmissibles” ses propos. “Personne ne peut tirer de conclusions d’une loi qui n’existe pas, d’un référendum qui n’a pas eu lieu, et d’une volonté, celle du peuple de la Catalogne, que [les indépendantistes] veulent, une fois de plus, s’approprier”, a martelé la vice-présidente du gouvernement, Soraya Sáenz de Santamaría, citée par l’ensemble de la presse. Elle a rappelé que le référendum du 1er octobre était illégal. “Le dialogue, entre démocrates, a lieu dans le cadre de la loi, dans le respect des règles du jeu.”

  • L’article 155 à l’étude

Que va-t-il désormais advenir ? Le chef du gouvernement, Mariano Rajoy, a convoqué un Conseil des ministres à 9 heures. Il pourrait alors décider d’appliquer l’article 155 de la Constitution espagnole, ce qui permettrait de suspendre l’autonomie de la Catalogne. “C’est une mesure très controversée, mais si nécessaire, elle sera activée”, assure le quotidien ABC, citant une source gouvernementale.

En attendant ce Conseil des ministres, “Rajoy a contacté les principaux partis politiques espagnols, y compris Podemos, pour évaluer la situation”, explique La Razón. “Le chef de l’opposition, Pedro Sanchez, s’est déplacé à la Moncloa [la résidence officielle du président du gouvernement], prenant part à la stratégie de Rajoy de préserver le consensus au sein du ‘bloc constitutionnel’”.