Le 17 octobre 2016, après de longs mois de polémiques, ouvrait à titre expérimental la première « salle de consommation à moindre risque » de France, dite « salle de shoot », le long de l’hôpital Lariboisière près de la gare du Nord à Paris.

La vocation de cette salle était d’accueillir les toxicomanes les plus précaires, en particulier ceux qui vivent dans les rues et les parkings alentour, pour éviter qu’ils ne se fassent leurs injections dans l’espace public, dans des conditions sanitaires déplorables. En leur permettant de « consommer » sur place, sous la supervision d’un soignant, ce lieu se voulait être aussi une première petite porte d’entrée vers le soin.

Un bilan sanitaire plutôt positif

De ce point de vue, le bilan chiffré fourni par l’association Gaïa qui gère la salle et la mairie de Paris au bout d’un an d’expérimentation, est plutôt positif. 165 actes de consommation ont été comptabilisés chaque jour, soit 53 582 consommations en un an, dont 38 058 injections. « Soit autant qui n’ont pas eu lieu dans la rue », se félicite la directrice de la salle, Élisabeth Avril. La première substance consommée est le Skenan, un puissant médicament antidouleur à base de morphine, surnommé aussi « l’héroïne du pauvre ». Aucune overdose mortelle n’a été constatée. Une personne toutes les trois semaines en moyenne a toutefois exigé une intervention de l’équipe de réanimation ou des urgences de l’hôpital Lariboisière, auquel la salle est adossée.

La fréquentation de la salle a permis de réaliser 123 dépistages de maladies infectieuses (VIH, hépatites). 827 consultations sanitaires ont été réalisées par les médecins ou les infirmiers de Gaïa et 324 usagers ont été reçus pour des entretiens sociaux, portant notamment sur des questions administratives, de logement ou de problèmes avec la justice. Ces entretiens ont confirmé que le public visé était bien celui qui fréquente le lieu : 52 % des usagers ont un logement précaire et 43 % sont sans revenus.Un public qui cumule souvent toutes les difficultés.

Des « nuisances » dans le voisinage toujours déplorées

L’implantation de cette salle au cœur d’un quartier résidentiel avait suscité aussi de nombreuses tensions parmi les riverains.

Si les banderoles « Non à la salle de shoot en quartier résidentiel » semblent avoir disparu, ces tensions subsistent. Selon le maire du Xe arrondissement Rémi Féraud, « un an après, la salle a démontré toute son utilité puisqu’elle accueille plus de 150 usagers chaque jour. Mais les progrès en termes de tranquillité publique dans le quartier ne sont pas assez visibles ».

Pourtant, des efforts ont été faits pour pallier ces nuisances, comme le souligne aussi ce bilan.

À l’extérieur de la salle, l’équipe de Gaïa a mené 200 maraudes de médiation sociale depuis l’ouverture. Le comité de voisinage, mis en place pour répondre notamment aux préoccupations des riverains, s’est réuni sept fois en un an.

Des progrès restent à faire

Pour faire face à un climat d’insécurité, les forces de police, présentes quotidiennement dans le secteur, ont contrôlé 4 303 personnes au total, selon la mairie. Parmi elles, 1 098 détenaient des produits stupéfiants pour leur consommation personnelle dans les limites fixées par le procureur de la République, les usagers devant apporter jusqu’à la salle le produit qu’ils veulent consommer. Pour les autres, 1 453 étaient en infraction, dont 1 185 avec la législation sur les stupéfiants.

L’ouverture de la salle a révélé enfin l’ampleur du problème de la drogue, face auquel les capacités de la salle semblent insuffisantes. « Ce qui est vraiment à déplorer, c’est qu’il reste des gens dans la rue qui n’ont pas accès au dispositif », explique Élisabeth Avril. Selon elle, il faudrait ouvrir d’autres salles de consommation en Île-de-France et ailleurs. « Si on compare à d’autres pays européens, la France est très en retard », souligne-t-elle. La première SCMR a ouvert en effet en Suisse dès 1986. Et il existe aujourd’hui 95 salles de ce type dans dix pays du monde. En France, Strasbourg a suivi Paris avec l’ouverture d’une seconde salle à destination des usagers français et allemands, le 7 novembre 2016.