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Dans le Sud marocain, des « manifestations de la soif » contre les pénuries d’eau

Aux portes du désert, à Zagora, des familles entières restent plusieurs jours sans eau du robinet depuis le début de l’été et fustigent la culture de la pastèque.

Le Monde avec AFP

Publié le 13 octobre 2017 à 16h09, modifié le 13 octobre 2017 à 16h09

Temps de Lecture 3 min.

A Zagora, des habitants attendent pour remplir leurs bidons d’eau, le 22 septembre 2017.

On les appelle les « manifestations de la soif » : dans le sud du Maroc, des habitants protestent régulièrement contre les coupures d’eau récurrentes. A Rabat, la question a été érigée en priorité et le roi s’est lui-même inquiété de la « sécurité hydrique » du pays. « Vivre sans eau est un enfer ! », souffle Atmane Rizkou, président de l’Association marocaine des droits de l’homme (AMDH) à Zagora, la principale ville du sud marocain frappée par cette « crise de l’eau ». « La situation est critique, c’est une souffrance quotidienne pour les habitants », s’indigne également Jamal Akchbabe, président de l’Association des amis de l’environnement de Zagora, joint par téléphone.

Située aux portes du désert, Zagora, localité de plus de 30 000 habitants, se trouve à près de 700 km de Rabat, par-delà les massifs de l’Atlas. Depuis le début de l’été, « des familles restent plusieurs jours sans eau du robinet, d’autres n’y ont droit que quelques heures par jour », affirme M. Akchbabe. « Cette eau est en plus imbuvable, alors les gens achètent de l’eau potable vendue dans des bidons », ajoute-t-il.

« Répression, insultes, humiliation »

Pour se faire entendre, les habitants de Zagora ont organisé ces derniers mois plusieurs manifestations pacifiques, d’abord tolérées par les autorités. Mais, le 24 septembre, les forces de l’ordre sont intervenues pour disperser une marche et ont interpellé sept personnes, poursuivies pour « participation à une manifestation non autorisée », indique le responsable local de l’AMDH.

Le 8 octobre, lors d’une nouvelle marche, la police a « quadrillé la ville et utilisé la force », interpellant 21 personnes, poursuivies pour les mêmes chefs d’accusation, alors que « des heurts ont opposé des jeunes manifestants aux policiers », selon Jamal Akchbabe. « Les manifestants ont subi la répression, les insultes, l’humiliation. La ville est en état de siège », fustige-t-il.

A l’origine de cette pénurie, un déficit pluviométrique combiné à la surexploitation des nappes phréatiques par l’agriculture, principalement « la culture de la pastèque qui consomme énormément d’eau », affirme M. Akchbabe. Les protestataires accusent le ministère de l’agriculture d’avoir encouragé cette culture qui « profite aux grands agriculteurs au détriment des habitants ».

L’Office national de l’eau potable (ONEP) est également critiqué pour sa « passivité » dans la gestion de la crise. « Zagora n’est pas la seule région à pâtir du manque d’eau », prévient Abdelmalek Ihazrir, universitaire et auteur d’une thèse sur la politique hydraulique marocaine. « C’est le cas aussi pour le Moyen-Atlas, Rhamna, le Rif (…), la raréfaction des pluies pousse à une surexploitation des nappes phréatiques dans tout le pays », dit-il. « Il faut une nouvelle politique plus rationnelle et des méthodes alternatives », préconise cet expert.

Région vulnérable

Du côté de l’exécutif, les réunions s’enchaînent pour trouver des solutions. Fin septembre, le chef du gouvernement Saad-Eddine Al-Othmani a promis des « mesures d’urgence et d’ordre stratégique ». Quelques jours plus tard, le roi Mohammed VI a ordonné de mettre en place une « commission qui se penchera sur ce sujet pour trouver des solutions adéquates dans les prochains mois ».

Pour l’Etat, l’enjeu est aussi vraisemblablement de ne pas devoir gérer un autre Hirak, nom donné localement au mouvement de contestation né il y a un an à Al-Hoceima pour réclamer le développement du Rif, au nord du pays, et qui est dans tous les esprits.

Dans une région du monde particulièrement vulnérable du point de vue hydrique, le Maroc ne fait pas exception : plus de 60 % de la population du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord vivent dans des zones soumises à un stress hydrique élevé ou très élevé, contre 35 % à l’échelle planétaire, alertait fin août la Banque mondiale.

En Algérie, le problème de l’accès à l’eau potable a ainsi suscité, au début des années 2000 ainsi qu’en 2013, des mouvements de protestation qui ont parfois dégénéré en heurts, notamment à Sétif, au nord.

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En Tunisie, où les habitants sont particulièrement dépendants des pluies hivernales et du remplissage des barrages, de nombreuses coupures ont été enregistrées à l’été 2016 du fait de la sécheresse. Elles ont parfois duré des semaines. L’Observatoire tunisien de l’eau avait, à l’époque, mis en garde contre un possible « soulèvement de la soif » dans des zones défavorisées où existent déjà de vives tensions sociales.

Le Monde avec AFP

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