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PÉROU

La vidéo d'une Péruvienne traînée au sol relance le débat sur les féminicides

Capture d'écran de la vidéo tournée par Anahi Aguilar, le 8 octobre, à Miraflores, un quartier huppé de de Lima.
Capture d'écran de la vidéo tournée par Anahi Aguilar, le 8 octobre, à Miraflores, un quartier huppé de de Lima.
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Dans une vidéo diffusée sur Facebook, le 8 octobre, un homme traîne une femme sur le sol, puis dans les escaliers d’un immeuble, dans un quartier huppé de Lima, la capitale péruvienne. Les images ont circulé dans tout le pays et rouvert le débat sur la législation sur les violences faites aux femmes, jugée insuffisante par beaucoup.

Cette vidéo a été tournée et diffusée sur Facebook par une femme, Anahi Aguilar, qui a ensuite accusé la plateforme de l’avoir supprimée de son profil. Mais elle avait entre temps été largement reprise et diffusée sur les réseaux sociaux et dans les médias péruviens.

On y voit un homme tirer une femme par le bras et la traîner sur plusieurs mètres sur le trottoir. La jeune femme crie. L’homme la fait ensuite entrer de force dans l’immeuble depuis lequel filme Anahi Aguilar, qui s’empresse alors de descendre dans l’escalier, où elle interpelle l’homme, toujours en train de traîner sa victime. "Qu’est-ce que tu fais ?", lui demande la vidéaste.

Captures d'écran d'un vidéo initialement publiée par Anahi Aguilar sur son compte Facebook, le 8 octobre.

Selon les médias péruviens, l’auteure de la vidéo a ensuite accompagné la victime au commissariat local pour qu’elle porte plainte contre son agresseur, en l’occurrence son conjoint. Ce dernier a ensuite été arrêté et la victime examinée par des médecins.

 

"Menacée avec un couteau"

La jeune femme a ensuite raconté dans les médias que son conjoint l’avait menacée avec un couteau et qu'il avait crié qu’il voulait la tuer. Il aurait également réclamé le code permettant de déverrouiller son téléphone portable. Elle aurait ensuite réussi à s’enfuir en courant, avant qu’il ne la rattrape et la traîne au sol.

Dans un post Facebook, la sœur de l’agresseur a indiqué ressentir de la "honte" par rapport à l’attitude de son frère. Elle a précisé qu’il prenait de la drogue et que sa famille avait tenté de l’aider à s’en sortir, mais qu’il refusait leur aide. Elle a toutefois reconnu que "rien ne [pouvait] justifier les actions de [son frère], ni ses déséquilibres émotionnels, ni les drogues".

 

Des images rares

Cette vidéo a été très partagée pour plusieurs raisons. D’une part, l’agression s’est déroulée à Miraflores, une zone huppée de la province de Lima, ce qui a attiré l’attention de nombreux Péruviens. D’autre part, il est très rare que de telles scènes soient filmées et que les victimes portent plainte, selon la journaliste Paola Ugaz, proche du mouvement Ni Una Menos (Pas une de moins, en espagnol), interrogée par BBC Mundo. Ce mouvement, également présent dans d’autres pays latinoaméricains, vise à dénoncer les violences à l’encontre des femmes.

 

Une législation insuffisante

À la suite de la diffusion de la vidéo, de nombreux Péruviens ont réclamé le durcissement de la loi concernant les violences faites aux femmes, à l’image des internautes ci-dessous :

"Les autorités ne feront rien jusqu’à quand ? Combien de femmes devront encore être victimes pour que les autorités modifient les lois, qui ne nous protègent vraiment pas ?"

"C’est malheureux, mais tant qu’il n’y aura pas de sanctions exemplaires prises à l’encontre de ces spécimens, ils seront toujours plus nombreux et ça ne se terminera jamais. Ce machisme répugnant perdure dans cette société, où les valeurs ont été perdues et où des lois laxistes existent à l’égard des profiteurs."

 

De fait, l’agresseur, accusé de tentative de féminicide, a d’abord été gardé en détention durant 48 heures, la durée maximale prévue pour ce type d’accusation, ce qui est insuffisant selon Ana María Choquehuanca, la ministre de la Femme et des Populations vulnérables, qui s'est exprimée le 9 octobre. Elle a assuré qu’il était nécessaire de "renforcer les lois" et qu’elle en parlerait aux parlementaires au cours de la semaine.

Le féminicide, lui, a été incorporé dans le Code pénal péruvien en 2013. Il stipule qu’il s’agit d’un crime passible au minimum de 15 ans de prison (article 108-B).

Le 11 octobre, un juge a finalement ordonné la mise en détention provisoire de l’agresseur pour neuf mois, et une procédure pénale a été ouverte à son encontre.

 

238 féminicides ou tentatives de féminicide entre janvier et août 2017

Cette agression est loin d’être un cas isolé. Selon le ministère de la Femme et des Populations vulnérables, 82 féminicides et 156 tentatives de féminicide ont été répertoriés entre janvier et août, des chiffres semblables à ceux des années précédentes.

Ces chiffres sont relativement stables depuis plusieurs années, malgré l’émergence du mouvement Ni Una Menos, qui a d’ailleurs convoqué une grande manifestation le 25 novembre prochain.

Le machisme reste en effet très présent au Pérou, où l’on rejette régulièrement la faute sur la femme dans des situations de ce genre. Dernier exemple en date, le 11 octobre, la présidente de la commission parlementaire sur la femme et la famille a déclaré : "Pourquoi y a-t-il régulièrement des féminicides ? […] La femme […] donne l’opportunité à l’homme pour qu’il commette ce genre d’actes". Ses déclarations ont suscité de nombreuses critiques, notamment de la part de la victime que l’on voit dans la vidéo.

 

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