Indépendance de la Catalogne: Madrid exige de la "clarté" à Puigdemont pour jeudi au plus tard

afp

Le président séparatiste de Catalogne Carles Puigdemont annonce lundi, dans une lettre au gouvernement espagnol, son souhait de "suspendre" pendant deux mois le mandat confié par les Catalans d'aller vers un pays indépendant pour entamer un dialogue.

"Pendant les deux prochains mois, notre principal objectif est de vous amener à dialoguer", écrit-il au chef du gouvernement Mariano Rajoy, après avoir évoqué la "suspension du mandat" confié par les Catalans qui ont selon lui voté pour l'indépendance. M. Puigdemont répond ainsi à la question du gouvernement qui lui avait laissé jusqu'à lundi pour répondre s'il avait déclaré ou non l'indépendance. Par ailleurs, Puigdemont souhaite rencontrer Mariano Rajoy "le plus vite possible".

Cette prise de contrôle risque de pousser dans la rue des Catalans attachés à leur autonomie retrouvée après la dictature de Francisco Franco (1939-1975), même s'ils restent très divisés sur la question de l'indépendance.

Le gouvernement espagnol, les dirigeants européens et les milieux d'affaires avaient appelé le leader catalan à faire marche arrière, alors que des centaines d'entreprises ont commencé à fuir la région.

Les alliés de M. Puigdemont et les puissantes associations séparatistes, à l'inverse, l'encouragaient à aller de l'avant pour proclamer sans équivoque la naissance de la "République de Catalogne".

La télévision catalane TV3 avait rapporté dimanche que M. Puigdemont donnerait "une réponse plus élaborée" qu'un simple "oui ou non", ce qui risquerait de prolonger la plus grave crise politique que traverse l'Espagne depuis le retour de la démocratie en 1977.

Boîte de Pandore

Le leader séparatiste sait que céder à Madrid indignerait les séparatistes. Les uns après les autres, ses alliés lui ont demandé ces derniers jours de mettre en oeuvre le résultat du référendum d'autodétermination du 1er octobre, interdit par la justice, où le "oui" à l'indépendance a recueilli 90% des voix avec une participation de 43%, selon le gouvernement catalan.

La rue aussi se mobilise, avec des concerts de casseroles, et dans la ville de Gérone, dont M. Puigdemont a été le maire, des centaines de personnes se sont rassemblées dimanche pour réclamer la République.

Le dirigeant catalan avait suspendu mardi dernier la déclaration d'indépendance qu'il avait à peine annoncée, pour laisser une chance au "dialogue" avec Madrid et à une médiation qu'il appelle de ses voeux.

M. Rajoy se dit prêt à discuter si les dirigeants catalans reviennent à la légalité, mais le numéro deux de l'exécutif catalan Oriol Junqueras a mis les points sur les i samedi: le dialogue ne peut porter que sur l'indépendance de la "République de Catalogne".

Quant à la médiation, M. Rajoy ne veut pas en entendre parler, et les Etats membres de l'Union européenne l'écartent pour ne pas affaiblir Madrid et ouvrir la boîte de Pandore des sécessions possibles à travers l'Europe.

"L'Espagne nous vole"

Ils répètent d'ailleurs qu'en cas de sécession, la Catalogne quitterait automatiquement l'UE et aurait du mal à y revenir face au veto prévisible de Madrid.

M. Puigdemont et son prédécesseur Artur Mas avaient pourtant assuré pendant des années à leurs électeurs que l'Union européenne devrait accepter le fait accompli de l'indépendance.

Ils avaient également promis une prospérité nouvelle, une fois que cette région qui compte pour 19% du PIB de l'Espagne cesserait de payer des impôts "injustes" à Madrid. Le slogan était: "L'Espagne nous vole".

Au lieu de cela, la perspective d'une sécession a fait fuir des centaines de sociétés, à commencer par les deux grandes banques catalanes, qui déplacent leur siège social hors de la région.

Un phénomène qui rappelle l'exode des grandes entreprises canadiennes quand le Québec flirtait avec l'indépendance dans les années 70. Elles avaient fui Montréal vers Toronto, pour ne plus revenir.

La menace des poursuites judiciaires pèse aussi sur les leaders séparatistes. Lundi, le chef de la police catalane, Josep Lluis Trapero, et deux chefs des grands groupes de pression indépendantistes catalans, ANC et Omnium, comparaissent pour la deuxième fois devant un juge d'instruction. Ils sont inculpés pour sédition dans leur rôle lors d'une grande manifestation contre la police nationale et pendant le référendum.

Les principaux points de la lettre envoyée lundi par le président indépendantiste de Catalogne

"Le dimanche 1er octobre, dans un contexte de violents agissements policiers dénoncés par les organismes internationaux les plus prestigieux, plus de deux millions de Catalans ont confié au Parlement (catalan) le mandat démocratique de déclarer l'indépendance."

"La priorité de mon gouvernement est de rechercher aussi intensément que possible la voie du dialogue. Nous voulons parler, comme le font les démocraties établies, du problème posé par la majorité du peuple catalan qui veut commencer son chemin en tant que pays indépendant dans le cadre européen".

"La suspension du mandat politique issu des urnes le 1er octobre démontre notre ferme volonté de chercher la solution et non l'affrontement."

"Pendant les deux prochains mois, notre principal objectif est de vous amener à dialoguer et que toutes les institutions et personnalités internationales, espagnoles et catalanes qui ont exprimé leur volonté d'ouvrir une voie de négociation aient la possibilité de l'explorer."

"Notre proposition de dialogue est sincère, malgré tout ce qui est arrivé, mais logiquement, elle est incompatible avec le climat actuel de répression et de menaces croissantes."

"Je vous transmets deux requêtes: la première, que la répression contre le peuple et le gouvernement de Catalogne prenne fin."

"La deuxième requête est que nous organisions, le plus vite possible, une réunion qui nous permette de trouver les premiers accords. Ne laissons pas la situation se détériorer davantage. Avec de la bonne volonté, en reconnaissant le problème et en le regardant en face, je suis sûr que nous pouvons trouver la voie vers la solution."

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