Audiovisuel

Le scandale de l’affaire Weinstein vire au cauchemar financier pour The Weinstein Co

La chute de l’ancien magnat du cinéma Harvey Weinstein oblige le monde de la télévision à bousculer ses projets. Voire à trouver de nouveaux investisseurs. Malgré l’arrivée d’un fonds qui pourrait racheter The Weinstein Co.  

Plusieurs studios et sociétés de streaming ont suspendu, voire annulé, des projets de programmes télévisés initialement conçus avec The Weinstein Company.

ROBYN BECK / AFP

Le scandale Harvey Weinstein commence, par ricochet, à compromettre plusieurs projets de séries et films. C’est un autre effet de la chute de l’ex-producteur à succès, dont deux enquêtes du New Yorker et du New York Times ont révélé les agissements la semaine dernière. Depuis des années, il harcelait des actrices et d’autres femmes, les menaçant de briser leur carrière si elles ne cédaient pas à ses avances.

Plusieurs studios et sociétés de streaming ont suspendu, voire annulé, des projets de programmes télévisés initialement conçus avec The Weinstein Company. Encore en fin de semaine dernière, malgré l’éviction de son CEO Harvey Weinstein, la société co-dirigée par son frère Bob Weinstein ainsi que par David Glasser s’interrogeait sur son avenir, et celui de ses 190 salariés. Au point que The Weinstein Co. a même réfléchi à se débarrasser nom de l’ex-magnat de sa porte. Elle a embauché deux agences de publicité pour créer une nouvelle identité –et un nouveau nom– pour le studio hollywoodien, relève le New York Times.

Dans l’immédiat, The Weinstein Company a déclaré ce lundi 16 octobre qu’elle avait trouvé un accord avec le fonds d’investissement Colony Capital, qui va y injecter du cash. Les deux parties négocient actuellement un rachat, partiel ou total, du studio par Colony Capital. Ce fonds a été créé par le milliardaire Tom Barrack, un ami du président Donald Trump. De quoi, peut-être, sortir la société de production de l’ornière. Les oeuvres de la Weinstein Company et de Miramax (Pulp Fiction, Kill Bill, Gangs of New York, The Artist…) ont accumulé 303 nominations et 75 statuettes aux Oscars, entre autres récompenses prestigieuses. Ses dirigeants envisagent de repousser la sortie prévue le 24 novembre du film Current War, le dernier long-métrage programmé par la société en 2017.

Le nom de Weinstein effacé

Mais The Weinstein Co. produit aussi des programmes télévisés, diffusés par bon nombre de chaînes et de services vidéo à la demande. Des projets qui sont désormais remis en cause. Alors, dans l’immédiat, plusieurs ont commencé par gommer le nom d’Harvey Weinstein sur des séries où il était crédité en tant que producteur exécutif. Tandis que Viacom est en train de lancer sa chaîne Paramount Network, le nom de Weinstein n’apparaîtra ainsi plus sur les crédits de programmes, comme la série Waco, qui reconstitue les événements qui ont conduit au massacre des membres de la secte des Branch Davidians en 1993 à Waco (Texas). De même, la série Peaky Blinders, disponible actuellement sur Netflix, ne sera plus diffusée avec le nom de The Weinstein Co., d’après le site spécialisé Deadline.com.

Même l’éditeur Hachette Group, qui avait un accord de co-publication avec Weinstein, a annoncé le 12 octobre qu’il annulait les publications griffées Weinstein Books. Il publiera désormais sous la seule marque Hachette Books.

Ruptures coûteuses

Au-delà de ces mesures destinées à effacer la marque Weinstein, plusieurs studios sont en train d’annuler des projets de programmes communs. Avec parfois de grosses sommes en jeu. Amazon Studios vient ainsi d’enterrer un de ses plus gros projets de séries télévisées, réalisée par David O. Russell (Happiness Therapy), et portée par les acteurs Robert De Niro et Julianne Moore. Elle était consacrée à la mafia des années 90. Elle devait être financée en partie par The Weinstein Company. «Nous soutenons la décision d'Amazon car, à la lumière des récentes révélations et par respect pour toutes les personnes touchées, nous avons décidé ensemble qu'il était préférable de ne pas aller de l'avant avec cette série», ont-ils commenté dans un communiqué commun. Une décision littéralement coûteuse: le projet avait un budget initial évalué à 160 millions de dollars pour deux saisons.

La filiale d’Amazon, dédiée à la création de contenus audiovisuels, coupe actuellement tous les liens avec The Weinstein Company et de fait, abandonne le projet, en développement depuis plus d'un an. Seul Roy Price, vice-président d'Amazon Studios, militait encore en interne pour que la série voit le jour. Or, lui-même a été pris, à son tour, dans la tourmente d'un scandale sexuel, et suspendu de ses fonctions par la firme américaine le 12 octobre. Il est accusé d'avoir harcelé et agressé Isa Hackett, la fille de l’auteur Philip K. Dick, productrice de The Man in the High Castle, la série la plus populaire d'Amazon. 

Officiellement, la filiale entertainment d’Amazon maintient un autre de ses projets-phares, la série The Romanoffs, réalisée par Matthew Weiner (Mad Men), où Isabelle Huppert figurait dans le casting. Dotée d’un budget digne d’un blockbuster de cinéma, 160 millions de dollars pour deux saisons, elle devait être cofinancée par The Weinstein Company. La série se fera donc «sans la participation de The Weinstein Company», précise Amazon dans un communiqué. Mais trouvera-t-il un autre investisseur, pour cette série à gros budget?

Un autre client puissant a mis fin à toute relation commerciale avec The Weinstein Co., Apple. Alors que la firme de Cupertino se prépare à faire son entrée dans le grand bain de la production télévisée, à coup de millions de dollars, elle vient d’interrompre un de ses projets, une série d’une dizaine d’épisodes consacrée à Elvis, qui devait être coproduite par The Weinstein Co.