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Au gouvernement, qui dîne avec qui?

ENQUÊTE - Les membres du gouvernement se retrouvent souvent pour des dîners en petit comité.  Des agapes en aparté qui mettent à jour les rapprochements et les clivages au sein de l'équipe d'Edouard Philippe.

David Revault d’Allonnes , Mis à jour le
Que peuvent se dire les ministres au sein de leurs dîners? Ici, Edouard Philippe et sa ministre du Travail Muriel Pénicaud.
Que peuvent se dire les ministres au sein de leurs dîners? Ici, Edouard Philippe et sa ministre du Travail Muriel Pénicaud. © Sipa

Dis-moi avec qui tu dînes, je te dirai quel ministre tu es… Cinq mois après son installation, difficile de dessiner une carte géopolitique du gouvernement le plus hétéroclite de l'histoire de la Ve République, où coexistent des ministres venant de la droite libérale, du centre et du Parti socialiste ; sans compter la césure entre professionnels éprouvés de la politique et novices issus de la société civile. Il existe néanmoins un indice révélateur : les dîners, nombreux, organisés entre membres du gouvernement témoignent des axes de rapprochement et des lignes de partage. À la carte. "On a totalement changé d'ère politique, prévient Stéphane Travert, le ministre de l'Agriculture. Tout ça ne se résume pas à des dîners." Certes. Mais ces agapes ministérielles, "avec plein de formats différents, à géométrie variable", selon un ami d'Emmanuel Macron, en disent long sur la façon dont s'opère le melting-pot gouvernemental.

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Se rassurer entre néophytes

Dans un premier temps, ce sont les ministres venus de la société civile qui ont manifesté le plus d'appétit. Besoin d'un peu de chaleur dans un monde de brutes… "Ça les sécurisait, ils avaient besoin de partager leurs impressions", raconte Christophe Castaner, le porte-parole du gouvernement. "L'entrée en matière a été dure. Ministre, cela ne s'improvise pas", ajoute un intime du Président. Ces derniers mois, Agnès Buzyn (Santé), Frédérique Vidal (Enseignement supérieur), Jean-Michel Blanquer (Éducation nationale), Muriel Pénicaud (Travail), Françoise Nyssen (Culture), Marlène Schiappa (Égalité entre les femmes et les hommes) et Sophie Cluzel (Personnes handicapées) se sont ainsi accueillis, chacun leur tour, dans leurs ministères respectifs. Pour partager leurs angoisses de débutants. "On s'est aperçu qu'on se réveillait tous hyperstressés à 3 heures du matin, raconte Nicolas Hulot, qui a, lui aussi, reçu ses collègues néophytes début août. Constater qu'on n'est pas tout seul, ça rassure…"

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L'un des objectifs, c'est qu'il n'y ait pas le clan politique d'un côté, la société civile de l'autre

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Officiellement, cependant, pas de courants, nulle coterie au sein de l'équipe d'Edouard Philippe. "Notre combat a justement été de casser le clivage entre gens de gauche et de droite, explique Julien Denormandie, secrétaire d'État chargé de la Cohésion des territoires. Tous les ministres partagent un projet de progrès contre les conservateurs." Un intime du chef de l'État confirme : "L'un des objectifs, c'est qu'il n'y ait pas le clan politique d'un côté, la société civile de l'autre."

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Resserrer les rangs

Fusionner les cultures demeure cependant un pari. La liste de ces repas du soir et l'examen des plans de table en atteste. Il y avait eu, en juillet, le dîner des femmes du gouvernement (toutes n'y avaient pas assisté). Et aussi, un autre réunissant les ministres En marche, soit les macronistes de la première heure, comme Gérard Collomb, Julien Denormandie, Benjamin Griveaux et Marlène Schiappa. "Et il y en aura d'autres", promet un participant. "Entre nous, il y a une solidarité, explique un autre. On s'est battu de la première à la dernière minute, on a fait tapis et on sait où on va : on veut que le Président réussisse et qu'il soit réélu. Mais Le Maire et Darmanin, on ne sait pas où ils vont. Leur objectif pour le prochain quinquennat, c'est quoi? Repartir avec le Président?"

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Macron change toujours les périmètres des réunions comme des dîners, pour mélanger les gens

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La confiance ne règne donc pas tout à fait entre les convives… Afin de resserrer les rangs, mais aussi de renforcer le lien avec la majorité et le parti En marche, Emmanuel Macron a d'ailleurs demandé cet été à son Premier ministre, Edouard Philippe, de convier à dîner, une fois par mois, les ministres "les plus politiques". La première édition de ces soupers de Matignon a eu lieu le 4 septembre. Autour de la table : les ex-Républicains Bruno Le Maire, Gérald Darmanin et Sébastien Lecornu ; les Marcheurs Gérard Collomb, Christophe Castaner et Julien Denormandie ; les responsables de La République en marche (LREM) ; l'ex-garde des Sceaux François Bayrou, le président de l'Assemblée nationale, François de Rugy, et les patrons des groupes parlementaires de la majorité, François Patriat pour le Sénat, Richard Ferrand et Marc Fenaud (MoDem) pour l'Assemblée. L'expérience a été reconduite mardi, dans le même format. S'y sont joints Jean-Yves Le Drian (Affaire étrangères), Benjamin Griveaux et Julien Denormandie, la centriste Marielle de Sarnez, ainsi que Stéphane Séjourné, conseiller parlementaire du chef de l'État.

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Le Président sacrifie, lui aussi, à ces dîners très politiques. Avec parfois des surprises au menu. "Macron change toujours les périmètres des réunions comme des dîners, pour mélanger les gens, glisse un pilier du système. Il met des politiques avec un mec de la société civile, et ça change la fois d'après." Les "dîneurs" les plus réguliers à l'Élysée restent cependant ceux du canal historique de l'équipe de campagne présidentielle : outre Bayrou, Collomb et Denormandie, s'y retrouvent Ferrand et le ministre de la Cohésion des territoires, Jacques Mézard.

Un dîner débat et brainstorming

Ces soupers au palais ne sont pas toujours de tranquilles gueuletons entre vieux amis. En juillet, le chef de l'État, "pas content des dysfonctionnements du mouvement", selon un proche, avait ainsi convoqué tout son monde. Au menu, un sérieux recadrage. Dimanche 24 septembre, au soir d'élections sénatoriales peu glorieuses pour LREM, il avait de même reçu la plupart des invités précités, ainsi que le communicant Philippe Granjeon, cadre de Cap Gemini, ou encore Jean-Marc Borello, président du groupe d'économie solidaire SOS, pour un débriefing des résultats. Mais c'est avec son épouse, Brigitte, qu'Emmanuel Macron dîne le plus volontiers dès qu'il le peut. C'est sans le Président que sa jeune garde – les ministres Mounir Mahjoubi, Griveaux, Castaner et Denormandie, ses conseillers Ismaël Emelien et Stéphane Séjourné – s'est retrouvée, mercredi 27 septembre, pour un dîner débat. "On avait besoin d'un temps de réflexion, d'un exercice de brainstorming", raconte un participant.

Bruno Le Maire, lui, assure ne participer que rarement à ces collations entre collègues. Le ministre de l'Économie a certes dîné avec ses amis Constructifs, Thierry Solère ou Franck Riester, et doit en faire de même cette semaine avec Richard Ferrand. Mais guère plus. "Il ne fait pas partie des groupes de dîner, assure son entourage. Bruno n'est pas très dîner." En guise de dessert, le souper des ministres de gauche, que certains appelaient de leurs vœux alors que la politique de l'exécutif semble pencher de plus en plus à droite, n'a jamais eu lieu.

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