SOCIETEDocadom, l’appli qui «ubérise» la médecine?

Paris: «Un docteur chez vous en trois clics», Docadom, l’appli qui «ubérise» la médecine?

SOCIETELe service Docadom a été officiellement lancé début septembre à Paris…
Un médecin utilisant l'application Docadom
Un médecin utilisant l'application Docadom - R.LESCURIEUX
Romain Lescurieux

Romain Lescurieux

L'essentiel

  • Docadom permet de faire appel de 6h à minuit à un médecin chez soi, du lundi au dimanche avec un temps d’attente de moins de 2 heures.
  • Le tarif varie de 35 à 63,50 euros. Un dépassement d’honoraire est possible pour les consultations non justifiées.
  • SOS Médecins estime que ce service ne complète pas le sien alors que les médecins généralistes sont gênés éthiquement par le fait de noter un praticien.

Assis sur son scooter, un sac rouge médical sur l’épaule, Adrien attend le signal. Cinq minutes plus tard, une notification « intervention » s’affiche sur l’écran de son smartphone. Ce trentenaire fait démarrer son deux-roues, direction le 10e arrondissement pour une consultation à domicile. Depuis quelques semaines, pour « arrondir ses fins de mois », dit-il, ce médecin généraliste travaille pour un service digitalisé de mise en relation entre des docteurs et des patients. Le nom de cette entreprise privée : Docadom.


Imaginée il y a près de deux ans,cette plateforme gratuite a été lancée officiellement début septembre dans tout Paris intra-muros. A sa tête : Pierre Blanchard, entrepreneur et directeur général, Florian Gueho, médecin urgentiste et Marc Postel-Vinay, interne en médecine générale à Paris 5, dont le but est de proposer une solution face à un « double constat ».

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« Il n’y a pas suffisamment de médecins »

« Aujourd’hui, Il n’y a pas suffisamment de médecins pour répondre à la demande des patients. De nombreuses personnes ont déjà, ou vont un jour, refuser de se soigner à cause de la difficulté d’en trouver un », explique Marc Postel-Vinay. « Par ailleurs, les médecins modifient leur pratique de la profession pour avoir une vie privée et des horaires souples. L’idée est donc de mettre en relation ces médecins à la recherche d’un nouveau mode d’exercice et ces patients qui recherchent un médecin », poursuit-il.

Ainsi, « en trois clics », il est possible sur le site Internet ou l’application – prévue au premier trimestre 2018 – de faire appel à un médecin chez soi, de 6 heures à minuit, du lundi au dimanche. Une fois enregistré, le patient obtient un délai d’attente, « actualisé en temps réel » et « en dessous de 1h30-1h45 d’attente », assurent les fondateurs. Une estimation du coût de la consultation fixée sur les tarifs Sécurité sociale est également donnée. Soit 35 euros de 8 heures à 20 heures et 63,50 euros la visite à partir de 20 heures. « En cas de consultation non justifiée, il peut y avoir un dépassement d’honoraire », prévient toutefois Marc Postel-Vinay. Enfin, le patient peut aussi, s’il le souhaite, régler directement par carte bancaire, via la plateforme.

Côté « business model », Docadom prélève une commission sur l’honoraire des médecins qui va de 10 % pour « l’offre de base », à 20 % pour une formule « clé en main », mettant à disposition une voiture ou un scooter, un service de comptabilité et le matériel nécessaire pour réaliser les consultations. Aujourd’hui, une trentaine de médecins sillonnent la capitale sous la bannière Docadom. Vers une « ubérisation » de la santé ?

« Noter un médecin pose un problème éthique »

« Sur le plan digital et numérisation, nous sommes en plein dans la dynamique d’ubérisation », affirme Pierre Blanchard. « En revanche, pour le côté éthique, respect des institutions et de la profession, c’est différent. Nous avons rencontré l’Ordre des Médecins et l’Agence Régionale de Santé (ARS) qui nous ont aiguillés pour définir le cadre légal. Nous avons des contacts réguliers avec ces instances et nos médecins signent une charte », ajoute-t-il. « Notre démarche est d’être dans la transparence totale. Nous voulons surtout être dans les clous », reprend Marc Postel-Vinay. Mais le système n’est pas tout à fait du goût de tous les professionnels de santé.

« Est-ce que les gens ont vraiment besoin de ce service ? », se questionne Jean-Christophe Calmes, vice-président duSyndicat MG (médecins généralistes) France. Selon lui, Docadom propose « une offre de consommation de soin », « un confort ». « Mais il n’y a pas de suivi, les médecins ne connaissent rien du patient, alors que notre profession est justement basée sur une relation de confiance », évoque-t-il, déplorant une forme « d’ubérisation ». « Noter un médecin, ça pose un problème éthique », mentionne Jean-Christophe Calmes. « Ils sont notés sur “la qualité du service”. Ce n’est pas le médecin qui est évalué mais la façon dont il explique les choses », justifie Marc Postel-Vinay. Enfin, quid d’une éventuelle « concurrence déloyale » ?

« Ils ne nous complètent pas »

« Nous ne souhaitons pas nous positionner comme des concurrents de SOS Médecins ou des généralistes mais nous sommes là pour compléter et répondre à une demande qui n’est pas honoré », analysent les fondateurs.

Jean-Christophe Calmes voit surtout en Docadom « un poste de dépense supplémentaire pour la Sécurité sociale » et du côté de SOS Médecins, on reste dubitatifs. « Ils ne nous complètent pas. C’est une application de mise en relation, il n’y a pas de régulation, il n’y a pas de traçabilité de leurs actes et ils n’entrent pas dans le cadre du cahier des charges de la PDSA (permanence des soins ambulatoire). Nous sommes très circonspects quant à l’efficacité de ce service », affirme le président de SOS Médecin, le Docteur Pierre-Henry Juan, rappelant que « SOS » fonctionne avec 165 médecins dans la capitale et une expertise vieille de plus de 50 ans.

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