JUSTICEComment fixer un âge minimum de non-consentement sexuel?

Age minimum de non-consentement: A quel âge est-on en mesure de dire «non»?

JUSTICEMarlène Schiappa a annoncé en octobre dernier qu'un projet de loi sur les violences sexuelles et sexistes était en préparation. Parmi les pistes de réflexion, la question de l’instauration d’un âge minimum de non-consentement…
Vers un âge minimum de non-consentement? Le gouvernement y réfléchit
Vers un âge minimum de non-consentement? Le gouvernement y réfléchit - Jeff Pachoud afp.com
Caroline Politi

Caroline Politi

L'essentiel

  • Le parquet de Pontoise poursuit pour « atteinte sexuelle » un homme de 28 ans qui a eu des relations sexuelles avec une mineure de 11 ans.
  • En droit français, il n’y a pas d’âge limite pour caractériser automatiquement une relation sexuelle en viol.
  • Un projet de loi serait en préparation.

En deçà d’un certain âge, sait-on vraiment dire « non » ? Surtout lorsque ce « non » s’adresse à un adulte qui vous sollicite pour avoir des relations sexuelles. La question a été posée fin septembre après le tollé provoqué par la décision du parquet de Pontoise de poursuivre pour « atteinte sexuelle sur mineur » et non pour « viol » un homme de 28 ans soupçonné d’avoir eu des relations sexuelles avec une collégienne de 11 ans.

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Vers un projet de loi ?

L’onde de choc de cette affaire, qui ne sera jugée qu’au mois de février, a été telle qu’elle a ouvert la porte à la création d’une présomption de « non-consentement » en deçà d’un certain âge. En clair, la loi pourrait considérer que toute relation sexuelle entre un mineur de moins de 13, 14 ou 15 ans selon les propositions, et un majeur ne peut avoir été librement consentie et relève automatiquement de l’agression sexuelle (s’il n’y a pas eu pénétration) ou du viol.

Lundi, la secrétaire d’Etat à l’égalité entre les hommes et les femmes, Marlène Schiappa, a annoncé qu’un projet de loi sur les violences sexuelles et sexistes était en préparation, en collaboration avec le ministère de la Justice. Et que cette mesure figurait parmi les axes de réflexion. « Nous devons inscrire clairement dans la loi qu’en deçà d’un certain âge – qui reste à définir – il n’y a pas de débat sur le fait de savoir si l’enfant est ou non consentant », expliquait-elle dans La Croix du 16 octobre.

Pas de limite d’âge en matière de viol

A ce stade de l’article, un petit point de droit s’impose. Aujourd’hui, la législation française interdit à tout adulte d’avoir des relations sexuelles – même consenties – avec un mineur de moins de 15 ans. C’est le délit d’« atteinte sexuelle sur mineur » pour lequel est poursuivi le prévenu dans l’affaire de Pontoise, punissable de cinq ans de prison et de 75.000 euros d’amende.

En revanche, la qualification d’agression sexuelle ou de viol ne répond à aucun critère d’âge. Pour que ces infractions soient retenues, il faut que l’acte ait été commis « par violence, contrainte, menace ou surprise ». Il appartient donc aux magistrats d’évaluer au cas par cas chaque dossier pour qualifier les faits. La loi du 8 février 2010 a néanmoins introduit la question de l’âge dans la législation. « La contrainte morale peut résulter de la différence d’âge entre la victime et l’auteur des faits », précise désormais l’article 222-22-1. Mais non seulement cette différence n’est pas précisément définie mais, surtout, elle n’a rien d’automatique. L’affaire de Pontoise en est la parfaite illustration.

Dans d’autres pays d’Europe, en revanche, la question ne se pose pas. En deçà de 15 ans au Danemark, de 14 ans en Belgique, Autriche ou Italie, de 13 ans en Angleterre ou de 12 ans en Espagne, la justice considère que l’acte sexuel relève automatiquement de l’agression sexuelle ou du viol. A en croire les déclarations de la secrétaire d’Etat, c’est donc dans cette voie que souhaite s’engager le gouvernement. Mais quel âge choisir ? « Rien n’a été arrêté en la matière, mais il y a une réflexion qui est menée. On regarde ce qui se fait ailleurs, des consultations vont avoir lieu », indique-t-on au ministère de la Justice.

« Ça été compliqué de trancher »

Cet âge doit-il être aligné sur la majorité sexuelle, à savoir 15 ans ? L’ancienne ministre de la Famille, la sénatrice PS Laurence Rossignol, y est favorable. Elle s’apprête à déposer une proposition de loi allant en ce sens. « Sinon, il y aurait une incohérence législative. Pourquoi entre 13 et 15 ans, les relations sexuelles seraient interdites par la loi mais pas criminalisées ? »

« Je me suis beaucoup posée la question de l’âge, ça a été compliqué de trancher », confie la députée Bérangère Poletti (LR) qui a déposé fin septembre une proposition de loi fixant à 14 ans la présomption de non-consentement. Elle a longuement hésité à fixer à 15 ans – l’âge de la majorité sexuelle – cette limite avant de se raviser. « J’ai pensé à mon métier de sage-femme, ça me semblait proche de ce que j’avais vécu. J’ai accouché des adolescentes qui, à 14 ou 15 ans, avaient vraiment désiré leur enfant. Elle le voyait comme un facteur d’émancipation et de promotion sociale. La difficulté, c’est que la maturité, à cet âge-là, varie du tout au tout. » La députée assure néanmoins qu’elle n’est pas « braquée » sur l’âge.

Dans son rapport de 2016, le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes a préconisé d’instaurer « un seuil d’âge de 13 ans en dessous duquel un.e enfant est présumé.e ne pas avoir consenti à une relation sexuelle avec un.e majeure ». Pourquoi cette limite ? « On a réfléchi en termes d’écart d’âge, puisque la loi estime qu’il peut s’agir d’un facteur de contrainte, explique Ernestine Ronai, coprésidente de la commission « violence » du Haut Conseil. On a estimé qu’entre 13 et 18 ans, la différence d’âge était suffisamment caractérisée ». Mais d’autres critères sont entrés en compte. A commencer par l’âge moyen du premier rapport sexuel : 17 ans en moyenne.

Une décision qui ne fait pas l’unanimité chez les magistrats

C’est justement parce que fixer un âge limite est forcément artificiel que la question est loin de faire l’unanimité parmi les magistrats. Nombre d’entre eux réclament qu’on leur laisse cette « marge de manœuvre » qui leur permet de faire au cas par cas, de se pencher sur le contexte, la personnalité des deux personnes concernées, la relation qu’ils entretenaient.

« Imaginons qu’une limite de 13 ans soit fixée, explique un juge pour enfant qui préfère rester anonyme. Un jeune de 18 ans qui a une relation sexuelle avec quelqu’un de 12 ans et 11 mois sera automatiquement poursuivi pour viol alors que ce ne sera pas forcément le cas s’il a cette relation avec quelqu’un de 13 ans et un jour. Nous avons besoin de souplesse. »

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