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Najat et Boris Vallaud, chacun son tour

Boris Vallaud et Najat Vallaud-Belkacem le 6 août 2016 à Toujouse, dans le Gers.
Boris Vallaud et Najat Vallaud-Belkacem le 6 août 2016 à Toujouse, dans le Gers. © Patrick Bernard - Christophe de Prada / Bestimage
Mariana Grépinet et Eric Hacquemand , Mis à jour le

Najat Vallaud-Belkacem était dans la lumière et son mari Boris, dans l’ombre. Aujourd’hui, c’est l’inverse. Mais l’ancienne numéro trois du gouvernement n’a pas dit son dernier mot...

«Joyeux anniversaire !» Souriante, comme à son habitude, Najat Vallaud-Belkacem souffle ses bougies : ce 4 octobre, l’ex-ministre de l’Education nationale célèbre son quarantième anniversaire. Boris, son mari, veille au bon déroulement de la petite fête organisée dans le bel appartement du XIXe arrondissement récemment acquis. «Quarante ans est un âge terrible. Car c’est l’âge où nous devenons ce que nous sommes», écrivait Charles Péguy. Pour la première fois depuis treize ans, «NVB» n’a plus aucun mandat politique. Les Français l’ont quittée un soir de juin. Elle avait la voix tremblante. Sa défaite à Villeurbanne était un des symboles de la bérézina socialiste. Mais ce soir d’éclipse, Boris, 41 ans, s’est révélé au grand jour, élu député dans les Landes à l’issue d’une folle remontée. Il réussit, elle échoue. Comme un air de déjà-vu : au début des années 2000, n’a-t-il pas intégré l’Ena (même promotion qu’un certain Emmanuel Macron) quand elle ratait le concours qu’ils avaient préparé ensemble? 

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«Je suis née dans un autre monde, je suis née il y a deux cents ans», écrit Najat dans son autobiographie «La vie a plus d’imagination que toi», une véritable ode à l’ascension sociale, un hymne à la République. A cette France qui permet à une fille d’immigrés ayant profité du regroupement familial et à un jeune homme issu de la classe moyenne de se décider un avenir en commun. Quitte, pour Najat, à repousser les frontières. «Travaille à l’école et tu iras loin» est son mantra. 

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A lire : Boris Vallaud et Najat Vallaud-Belkacem, de l'ombre à la lumière

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Née à Beni Chiker, dans le Rif marocain, la petite Najat arrive en France à 4 ans. Elle ne parle pas un mot de français. Son père est ouvrier dans le bâtiment, sa mère s’occupe des sept enfants. Récemment, NVB a reçu une lettre de son ex-institutrice des quartiers nord d’Amiens. L’enseignante revient sur le jour où elle avait demandé à ses élèves de ramener un livre trouvé chez eux. Ce furent des journaux pour toute la classe… «C’était tout ce qu’on lisait à l’époque dans le quartier», se souvient l’ancienne élève. «J’ai pris conscience à Sciences po que l’élite est un milieu fermé, un deuxième monde», ajoute Najat qui découvre dans une brochure l’existence de cette grande école. Plus tard, la ministre de l’Education nationale se fera une militante acharnée de l’égal accès à l’information pour tous les lycéens en quête d’orientation. 

"C'est Gérard Collomb qui l'a flinguée aux législatives"

Najat passe sa vie à la bibliothèque et finit, un jour, par y croiser un jeune étudiant, Boris, un brin timide. Il est né au Liban d’un père journaliste puis historien, patron de sa propre maison d’édition, et d’une prof d’histoire. Ils se parlent, se croisent au Basile, le café de la rue Saint-Guillaume, et finissent par affronter l’Ena ensemble. Lui rejoindra la préfectorale ; elle, le cabinet de Gérard Collomb, le maire PS de Lyon qui deviendra, au fil des ans, son pire ennemi. «C’est lui qui l’a flinguée aux législatives», regrette un ami lyonnais. L’union de Najat et Boris vaut tous les discours sur le métissage et le mélange des cultures. Elle porte en elle le visage d’une France ouverte, tolérante, soucieuse de «vivre ensemble». A l’image de cette soirée de mariage du 27 août 2005 : une grande tente caïdale, traditionnelle au Maroc, est dressée dans le jardin de la maison familiale des Vallaud, à Hontanx, dans les Landes. Un traiteur marocain est dépêché de Lyon. La volonté de mixité est respectée jusque dans le choix des tenues des mariés. «Najat était en robe blanche. Puis elle s’est changée et a passé une robe traditionnelle marocaine avec des strass autour du cou», se souvient Marie-Laure Clerc qui l’a connue en sixième. «Quant à Boris, il avait un costume puis a mis une djellaba.» Une mixité qui se retrouve chez leurs jumeaux de 9 ans, qui portent chacun deux prénoms : Louis-Adel et Nour-Chloé.

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A lire : Najat Vallaud-Belkacem et Boris Vallaud font de la politique... à la maison

Pendant la campagne de 2007, l’année précédant leur naissance, Najat devient porte-parole de Ségolène Royal. Au cours de ces dix ans, son ascension est quasi continue, jusqu’à sa nomination à l’Education nationale. Elle est la première femme à occuper ce poste. «Elle vit très bien le fait d’être désormais dans l’ombre», assure son ami François Pirola, rencontré à la mairie de Lyon au début des années 2000. La pause était-elle la bienvenue? «Non, je ne ressasse pas, confie-t-elle à Paris Match avant d’éclater de rire. La crise de la quarantaine, c’est réservé aux hommes, paraît-il !» Sa crise à elle passe par divers bonheurs inaccessibles quand elle était au gouvernement. Depuis quelques jours, l’ex-ministre apprend donc… à conduire. Bientôt, promet-elle, les cours de natation suivront. Les jumeaux ont enfin la joie de voir leur mère venir les chercher à l’école. Et puis, il y a les projets professionnels. «Najat a ce côté Zébulon», souffle un de ses anciens conseillers. Peut-être la création d’une fondation mais, dans l’immédiat, le lancement d’une maison d’édition. «L’objet sera de publier des ouvrages de vulgarisation sur la social-démocratie pour analyser son échec et tracer des perspectives», décrit-elle. Une manière, pour celle que François Hollande surnommait «Pimprenelle», de gagner en densité politique alors même que nombre de socialistes, désormais, regardent avec plus de curiosité son mari. 

Boris Vallaud a tout essayé pour nous dissuader de le suivre dans sa circonscription

«C’est un exercice obligé», lâche Boris Vallaud, lui qui a tout essayé pour nous dissuader de le suivre dans sa circonscription landaise. Avant, finalement, d’y consentir et d’assumer ce titre, acquis en moins de trois mois à l’aide de quelques coups d’éclats anti-Macron, de «nouvel espoir du PS». Un costume qu’il a du mal à endosser, par humilité, certes, mais aussi par dévouement envers Najat. «Je me souviens d’une soirée d’anniversaire. Un collaborateur jouait du piano, Boris était dans un coin de la pièce avec les enfants. Elle chantait, il l’admirait», raconte un invité. 

Dans son bureau, en août 2015. Alors ministre de l'Education, Najat Vallaud-Belkacem porte la réforme scolaire. Et devient la cible favorite de l'opposition.
Dans son bureau, en août 2015. Alors ministre de l'Education, Najat Vallaud-Belkacem porte la réforme scolaire. Et devient la cible favorite de l'opposition. © Philippe Petit

Henri Emmanuelli est à l’origine de sa fulgurante ascension. L’ancien Premier secrétaire du PS avait fait de cette jeune tête bien pleine son successeur dans les Landes. Etonnante coïncidence, les deux hommes ont un handicap de naissance à la main droite : le premier n’a pas de petit doigt, le cadet a le pouce et l’index hypertrophiés. Le patron des Landes a dû imposer son héritier à la vieille garde locale. Et pourtant, Vallaud résiste d’abord aux assauts. «Je ne cherchais ni une carrière ni une circonscription», insiste-t-il avant de céder. «Henri avait deux enfants en politique : Benoît Hamon le contestataire, Boris Vallaud le gestionnaire», souligne Jean-Christophe Cambadélis, l’ex-patron du PS. «Boris est un parfait fonctionnaire de l’Etat et un homme courageux», dit Emmanuelli à Arnaud Montebourg en 2008. Boris suivra Montebourg du conseil général de Saône-et-Loire au ministère du Redressement productif. Après son départ, il devient conseiller à l’Elysée.

Mais le quinquennat de François Hollande atteint son crépuscule. De son bureau de secrétaire général adjoint de l’Elysée, Boris Vallaud assiste aux derniers feux d’un président qu’il ne comprend pas toujours. Notamment sur l’extension de la déchéance aux binationaux, dont la portée le blesse non seulement dans ses convictions mais aussi dans son couple : Najat est franco-marocaine… «Vous ne nous avez pas aidés à vous aider», fera-t-il remarquer au chef de l’Etat au moment de son départ. Avant de se lancer, finalement, dans le grand bain électoral et de l’emporter d’un cheveu (50,75 % des voix).

 "Je suis hyperféministe, d'autant plus que je me bats pour que Najat fasse sa part"

Depuis, l’existence du clan Vallaud-Belkacem a un peu changé. «Ça fait un petit moment qu’on a une vie bizarre», témoigne Boris qui passe dorénavant toutes ses fins de semaine dans les Landes. Du lundi au jeudi, les parents accompagnent ensemble les enfants à l’école, Najat prenant le relais en fin de journée. «Quand on est ensemble, on est vraiment ensemble», confie le député. Il y a peu, ils ont regardé les photos prises il y a cinq ans, avant que Najat soit nommée ministre des Droits des femmes. Et réalisé à quel point la vie passait vite… Atypique, la famille est aussi moderne. Papa fait la cuisine, s’occupe des courses et de l’intendance. Bref, il fait tout à la maison. «Je suis hyperféministe, plaisante-t-il, d’autant plus que je me bats pour que Najat fasse sa part !» Boris, qui rêvait d’être torero ou cuisinier, est donc servi. Ses mentors s’appellent Michel Guérard, le pionnier de la nouvelle cuisine, Yves Camdeborde, le chef de file de la bistronomie, ou Alain Ducasse, landais comme lui ! Il n’est pas rare de voir le couple fréquenter L’Ami Jean, le restaurant parisien du chef Stéphane Jérôme, réputé pour son confit de canard au bouillon gras de légumes au banyuls. 

Reste à savoir si la complicité résistera là ou d’autres ont échoué avant eux. En politique, les couples ont souvent une durée limitée : à de rares exceptions près, ils finissent par exploser, voire se dévorer… D’où la méticulosité des Vallaud à ne pas se mettre dans les pas des aînés qu’ils ont côtoyés, à ne pas rééditer leurs erreurs. Il en va ainsi du plus célèbre d’entre eux : François Hollande-Ségolène Royal. «Boris et Najat, ça n’a rien à voir avec François et Ségolène en leur temps : ils ne jouent pas de leur couple pour se mettre en avant», note un proche. Autre contre-modèle, le couple Aurélie Filippetti-Arnaud Montebourg, anciens «enfants terribles» de la gauche. L’été, les Vallaud se retrouvent loin des lieux prisés par les politiques, à Hontanx, le village des Landes où les parents de Boris ont acheté une maison il y a bientôt quarante ans. Ils viennent avec leur pile de livres commune. Mais Boris n’a pas terminé le premier que Najat a déjà tout dévoré… Pendant la campagne des législatives, alors que maman est à Villeurbanne et papa sur les routes landaises, où il s’appliquera à rencontrer chacun des 184 maires de sa circonscription, les jumeaux finissent leur année scolaire ici, avec leurs grands-parents. Un peu de stabilité dans un moment compliqué. «Comment allez-vous vous organiser si vous êtes tous les deux élus ?» leur demande alors un ami. «On verra», répondent-ils. Najat et Boris ont déjà si souvent vécu loin l’un de l’autre ! C’est peut-être aussi l’une des clés des couples qui durent…

Boris Vallaud à Castelnau-Chalosse (Landes), le 7 octobre.
Boris Vallaud à Castelnau-Chalosse (Landes), le 7 octobre. © MEHDI FEDOUACH / AFP

Et puis, chez eux, le mélange des genres a toujours été prohibé. «A l’Elysée, je n’ai jamais assisté à une réunion sur l’éducation, jure Boris. C’est ma femme avant d’être une femme politique.» L’un ne se sert pas de l’autre pour avancer. Même s’ils se sont toujours aidés, de l’Ena aux campagnes électorales durant lesquelles, pendant des années, Boris accompagne Najat pour tracter, coller, faire les marchés. L’hiver dernier, c’est elle qui a encouragé son mari à soigner son look hipster et à garder cette petite barbichette «qui lui va bien». En experte de la communication, elle n’hésite pas non plus à le conseiller après ses interventions médiatiques. Mais entre eux, le contrat est tacite : pas de compétition larvée. Chacun sa vie, ses parcours, ses choix. «Chacun trace sa route, c’est ce qui fait leur force», analyse Constance Rivière, ex-conseillère à l’Elysée.

Un ancien collègue du gouvernement confie : Najat Vallaud Belkacem "hait" Emmanuel Macron 

La trajectoire politique de Najat Vallaud-Belkacem reprendra bientôt, sans aucun doute. La semaine dernière, elle s’est rendue au Maroc pour parler de l’alphabétisation. Ces jours-ci, elle évoque l’égalité hommes-femmes à Boston. En cette après-midi du dimanche 8 octobre, elle est l’invitée vedette des Rendez-vous de l’histoire, à Blois. Conférencière non rémunérée, elle intervient sur un de ses thèmes de prédilection, la remise en route de «l’ascenseur social». «Ça ne se fait pas avec des tours de passe-passe et des coups de com’, aussi réussis soient-ils», lance-t-elle dans une opposition claire à la politique d’Emmanuel Macron. Sa bête noire. «Elle le hait», souffle un de ses anciens collègues du gouvernement qui se souvient avoir dû tempérer, à plusieurs reprises, les critiques de cette femme aux ambitions contrariées. 

Le rejet de l’actuel chef de l’Etat est un des ciments des Vallaud, Boris ayant eu des mots durs à l’égard des socialistes ayant quitté le navire pour En marche ! «Pour moi, les gars, vous êtes des traîtres et vous gagnez sans gloire !» s’est-il ainsi offusqué dans les couloirs de l’Assemblée nationale. En attendant, la gauche de gouvernement est à reconstruire. A trois reprises, cet été, Cambadélis est revenu à la charge pour intégrer NVB dans la direction collégiale du PS. Elle a chaque fois décliné, prudente. Ce qui ne l’empêche pas d’avoir des fourmis dans les jambes à l’heure où Macron se heurte à ses premières difficultés. En témoignent ses rendez-vous réguliers avec les députés de sa génération. «Najat Vallaud-Belkacem, c’est un nom qui porte», l’a encouragée leur chef de file, Olivier Faure. Boris est le premier à y croire : «Des comme moi, il y en a 90 par an. Des comme elle, il y en a une par décennie…»

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