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Foot féminin

«Les joueuses de foot sont invisibilisées au service de la promotion des hommes»

La presse écrite ne consacre que 2% de couverture médiatique du foot aux équipes de femmes. C'est le constat de l'association sportive et militante les Dégommeuses, qui dévoile ce jeudi sa première étude sur la place accordée aux footballeuses.
par Anaïs Moran
publié le 19 octobre 2017 à 17h57

Quelle couverture médiatique pour le football féminin en France ? L'association les Dégommeuses, équipe de foot et groupe de militantes luttant contre les discriminations dans le milieu du sport (notamment le sexisme et les LGBT-phobies) a publié ce jeudi une enquête sur la place réservée aux footballeuses dans la presse écrite française. Financée par l'ONG européenne Fare Network, chef de file de la lutte contre les discriminations dans le football, cette étude qualitative s'est focalisée durant un mois (du 2 au 25 septembre 2017) sur trois titres de presse nationaux (l'Equipe, France Football et So Foot) et sept quotidiens régionaux susceptibles de couvrir l'équipe professionnelle de football féminin de leur secteur (le Parisien, le Progrès, la Provence, le Midi Libre, Sud-Ouest, Ouest-France et la Voix du Nord).

«Enfants du pays»

Sans grande surprise, sur 1 327 pages accordées au football dans ces journaux le mois dernier, seules 28 sont dédiées à la pratique féminine. Un constat déplorable dans un contexte pourtant favorable à la médiatisation des joueuses : reprise du championnat de première division, premiers matches amicaux de la sélectionneuse Corinne Diacre à la tête de l’équipe de France (contre le Chili puis l’Espagne le 15 et 18 septembre dernier), annonce de la Coupe du monde de football féminin en France 2019… Rien n’y fait : seulement 2,1% des pages foot de ces dix titres de presse se sont intéressées aux footballeuses.

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Dans le détail, l'Equipe consacre 1,2% de ces pages au football féminin, France Football tombe à 0,9%, So Foot plonge à 0,1% (!). C'est un poil mieux en région : 6,9% pour le Midi Libre, 4,9% pour la Voix du Nord, 4,7% dans les pages du Progrès. «Même si le traitement quantitatif est légèrement meilleur dans les titres régionaux, les joueuses sont souvent dans les pages locales et très rarement dans les pages sport. On les considère plus comme des enfants du pays que comme des footballeuses professionnelles», développe Alice Coffin, chargée de l'étude des Dégommeuses, journaliste, spécialiste des médias et militante féministe.

«Anonymisées»

Autre problème : quand on parle du football féminin, on en parle mal. «Les joueuses sont la plupart du temps anonymisées, invisibilisées au service de la promotion des hommes, renchérit Alice Coffin. L'entraîneur, le médecin, le kiné… Chaque homme est célébré dans un papier dont le sujet principal est pourtant un collectif féminin. Les joueuses ne sont quasiment jamais nommées et-ou illustrées par une photographie, on préfère mettre le coach ou le président du club. Il y a une véritable tendance structurelle à afficher la présence masculine quand on parle de football féminin.»

L'année dernière déjà, une étude de l'Institut national de l'audiovisuel relevait que seulement 2% des sujets footballistiques des journaux télévisés du soir avaient mis en avant des joueuses (au détriment des joueurs). «Avec si peu de matières dans les productions audiovisuelles, il était impossible pour nous d'étudier en un mois les JT, précise la coprésidente et cofondatrice des Dégommeuses, Cécile Chartrain. Notre objectif est désormais de reproduire l'enquête à une échelle plus large, avec plus de temps et de moyens. Nous aimerions enquêter sur chaque canal médiatique et sensibiliser a posteriori l'ensemble des médias français à l'invisibilisation des footballeuses.»

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