Inspirée par la Finlande, la France pourrait établir un système de contraventions pour les cas de harcèlement sexuel dès l'an prochain. Une idée qui fait beaucoup jaser et soulève d'importantes questions de procédure.

En quoi consiste le projet ?

La secrétaire d'État à l'Égalité entre les femmes et les hommes, Marlène Schiappa, déposera en 2018 un projet de loi contre les violences sexistes et sexuelles. Le gouvernement français a lancé lundi une consultation publique sur ce sujet qui comporte quelques volets. Dont cette idée de pouvoir sanctionner plus facilement et plus rapidement des actes de harcèlement sexuel en remettant des constats d'infraction.

« Les ministres de la Justice et de l'Égalité entre les femmes et les hommes envisagent de créer une nouvelle infraction. L'"outrage sexiste" punirait d'une contravention un acte unique et ponctuel de harcèlement de rue », précise Sarah Koenig, doctorante en droit à l'Université de Sherbrooke qui se trouve actuellement en France. « À mon sens, dit-elle, cette infraction semble intéressante en théorie puisqu'elle permettrait d'étendre le spectre protecteur et répressif des infractions genrées et sexistes. »

La France n'est pas pionnière en la matière : depuis le début de l'année dernière, la police finlandaise peut donner des contraventions dans des cas de harcèlement.

Comment définir l'infraction ?

Une contravention pour excès de vitesse est facile à établir. La limite est de 40 km/h. Vous la dépassez, vous avez une contravention. Comment définir l'infraction de harcèlement dont les critères sont subjectifs ? La secrétaire d'État française s'est aventurée sur le chemin délicat des exemples, cette semaine. « On sait très bien à quel moment ça devient de l'intimidation », a dit Marlène Schiappa, en entrevue à la radio. Un étranger qui demande à une femme son numéro 17 fois alors qu'il se trouve à 10 ou 20 cm de son visage mérite une contravention, a-t-elle indiqué. « Je pense, à titre personnel, que siffler une femme dans la rue ne relève pas du harcèlement, mais que c'est le cas lorsqu'on la suit dans le métro, a aussi indiqué Marlène Schiappa dans une entrevue publiée lundi dans le journal La Croix. Dans ce cas, le stress, voire l'intimidation, est évident. »

Si le Québec devait un jour s'inspirer de la France, la première étape serait de clairement définir ce qu'est le harcèlement sexuel, précise Véronique Fortin, professeure à la faculté de droit de l'Université de Sherbrooke. Un peu comme cela a été fait pour le flânage, interdit à Montréal. Quant à son application, d'un point de vue pratique, ce ne sera pas si complexe si le contrevenant est pris sur le fait par la police, dit-elle, ou s'il y a des témoins. Dans ce cas, la police aura la déposition de la plaignante et du ou des témoins. Les choses seront plus compliquées pour un incident se déroulant uniquement entre les deux personnes impliquées.

Quoi qu'il en soit, selon Véronique Fortin, avant d'implanter une telle mesure ici, il faudrait d'abord faire des consultations publiques exhaustives et obtenir l'appui des groupes féministes. « Le harcèlement sexuel est un problème de société qui commande des consultations plus larges », dit cette professeure de droit, heureuse que l'on s'intéresse ainsi à la question, mais inquiète des nombreux pièges que peut poser la mise en place de solutions rapides.

Peut-on en venir à banaliser le harcèlement ?

Le projet de loi français ne fait pas que des heureux : donner des contraventions aux harceleurs pourrait banaliser le geste, ont déjà fait remarquer des sceptiques.

« On s'attaque ici à un vieux, vieux problème », dit la professeure Julie Desrosiers, de la faculté de droit de l'Université Laval. Le harcèlement est un problème systémique, estime-t-elle. Et cela commande une diversité d'actions, comme cette idée de donner des contraventions. « Le harcèlement n'est pas nécessairement un crime, dit d'ailleurs Julie Desrosiers. Ça peut l'être, mais ça exige la répétition d'actes. Ça prend une gravité criminelle. » La tolérance zéro, appuyée par des policiers qui peuvent donner des constats d'infraction, envoie un bon message, dit-elle. « Il faut parfois être créatif quand on veut éliminer des problèmes », dit Julie Desrosiers.

« L'efficacité d'une loi relève parfois de son pouvoir symbolique, dit-elle, plus que de son application. »

Photo Bertrand GUAY, Agence France-Presse

Marlène Schiappa, secrétaire d'État à l'Égalité entre les femmes et les hommes