François Gabart, ici le 5 octobre 2016, estime qu'il a peu de chances de battre le record établi par Thomas Coville.

François Gabart, ici le 5 octobre 2016, estime qu'il a peu de chances de battre le record établi par Thomas Coville.

afp.com/LOIC VENANCE

49 jours, 3 heures, 7 minutes et 38 secondes. C'est à ce record du tour du monde en solitaire, établi en décembre 2016 par Thomas Coville, que s'attaque François Gabart sur son trimaran Macif.

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À partir de ce dimanche 22 octobre, le navigateur de 34 ans se met en stand-by, dans l'attente d'une fenêtre météo suffisamment favorable pour pouvoir s'élancer de Brest. Malgré son expérience et son impressionnant palmarès, l'ancien vainqueur du Vendée Globe juge son nouveau défi extrêmement difficile à relever.

Dans quel état d'esprit êtes-vous avant le départ?

François Gabart: Je ressens à la fois beaucoup d'envie et une énorme excitation, J'ai hâte de m'élancer, ce qui est plutôt bon signe. Je n'ai plus navigué en compétition sur mon trimaran depuis que j'ai participé à la course The Bridge, au début du mois de juillet, donc ça me manque. Il y a aussi une petite part d'appréhension parce que je vais me frotter à un exercice qui n'est pas anodin et qui demande un engagement total. Je ne peux pas y aller à moitié. Je sais que ce sera très dur et que je vais en baver.

Comment vous êtes-vous préparé pour ce tour du monde?

C'est un défi sur lequel je bosse depuis quasiment quatre ans avec mon équipe. À l'arrivée du Vendée Globe en 2013, nous avons lancé le projet avec la Macif de construire un trimaran, avec pour objectif de faire un tour du monde à l'hiver 2017-2018. Depuis, toute ma préparation a été tournée vers ce challenge, aussi bien sur le plan technique, sportif et mental. Pour réussir un tour du monde, il faut savoir tout faire sur son bateau, tout en étant solide physiquement et nerveusement.

Vous avez remporté le Vendée Globe, la Route du Rhum, la Transat Jacques-Vabre, la Transat anglaise et plus récemment The Bridge. Comment réussir à se remotiver quand on a déjà tout gagné, ou presque?

J'ai déjà la chance de ne pas subir l'usure physique à laquelle sont confrontés certains sportifs, comme les nageurs qui doivent enchaîner les bornes tous les jours pour progresser. Je pratique un sport qui demande beaucoup d'énergie, mais je ne suis pas exténué à la fin de mes entraînements. Et, surtout, j'essaie toujours de me fixer de nouveaux défis. Je déteste la routine. Après avoir remporté le Vendée Globe il y a quatre ans, j'ai eu envie de m'attaquer à quelque chose d'autre. Je savais que c'était ce que je devais faire pour continuer à prendre du plaisir.

Thomas Coville a eu besoin de cinq tentatives pour battre le record du tour du monde en solitaire. Êtes-vous persuadé de pouvoir y parvenir dès votre premier essai?

Absolument pas. Sans être défaitiste, c'est même peu probable que j'y arrive. Pour battre ce record, il faudra que j'aille au moins aussi vite que Thomas Coville et je n'ai pas la prétention de savoir mieux naviguer que lui. Il faudra aussi que rien ne se casse sur mon bateau et que je bénéficie d'une météo exceptionnelle. Ça fait beaucoup de choses à réunir.

EN IMAGES >> Le navigateur Thomas Coville rentre à Brest en héros

Thomas avait eu la chance d'avoir des conditions météos quasi-parfaites, ce qui l'avait aidé à aller très vite entre l'île d'Ouessant et le Cap Horn. Avec mon équipe, nous avons établi des statistiques pour savoir quelles étaient mes chances de battre ce record en fonction de différents scénarios météo. Nous avons calculé que j'avais seulement entre 10 et 15% de chances d'aller plus vite que Thomas. Mais je vais évidemment tout faire pour le battre, même d'une seule seconde. J'en suis capable.

Ne pas battre ce record serait tout de même une déception?

Si je ne le bats pas, il y aura forcément une pointe de déception, au vu de l'énergie déployée pour y arriver et parce que je sais que je n'aurai pas la possibilité de retenter ma chance dans les mois ou les années qui viennent. Ce n'est pas prévu dans mon programme. Mais cette déception sera atténuée si j'ai le sentiment d'avoir fait du mieux possible, en fonction de la météo. C'est frustrant de ne pas maîtriser ce paramètre, parce qu'en tant que sportif, on a envie de tout contrôler. Mais ça fait partie du jeu.

À son arrivée en Brest, Thomas Coville expliquait qu'il n'avait jamais autant souffert au cours sa carrière de navigateur que durant son tour du monde. Vous vous attendez à connaître la même souffrance?

C'est exactement ce que je veux, ce que je recherche. Pour réaliser le meilleur tour du monde possible, il faut nécessairement tout donner et aller chercher au plus profond de soi. Il faut que je sois à bout de forces sur la ligne d'arrivée. Si ce n'est pas le cas, ça voudra dire que je n'ai pas bien fait mon job.

Après ce tour du monde, quels seront vos défis suivants?

Je m'alignerai sur la Route du Rhum, en solitaire, à fin de l'année 2018. C'est un objectif très important pour moi. Il y aura ensuite une course autour du monde en solitaire et sans escale en 2019, où j'affronterai d'autres multicoques. Ce sera la première course de ce type et ça s'annonce exceptionnel.

Peut-on imaginer vous voir un jour participer aux Jeux olympiques?

Plus jeune, j'ai passé quasiment entre dix et quinze années de ma vie à faire du dériveur en vue d'être sélectionné pour participer aux JO. Ça m'a toujours fait rêver, mais je n'ai pas eu la chance d'être retenu. Ça me paraît aujourd'hui peu probable de tirer un trait sur la course au large pour inscrire les JO à mon programme. Il est certain que je ne serai pas à Tokyo en 2020.

Et à Paris en 2024?

Il ne faut jamais dire jamais, mais ça me paraît peu probable d'y aller en tant que concurrent. Par contre, ce serait un plaisir d'être impliqué dans ces Jeux d'une manière ou d'une autre. En 2016, j'avais commenté les épreuves de voile à Rio pour France Télévisions. J'en garde un excellent souvenir.

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