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Au Gabon, le harcèlement des étudiantes passe par les « moyennes sexuellement transmissibles »

A l’université et au lycée, des professeurs utiliseraient les notes comme moyen de pression pour obtenir les faveurs de certaines élèves.

Le Monde avec AFP

Publié le 23 octobre 2017 à 11h44, modifié le 23 octobre 2017 à 11h44

Temps de Lecture 3 min.

Des élèves dans la cour de leur établissement, à Libreville, au Gabon, en janvier 2016.

« Moyennes sexuellement transmissibles » : au Gabon, les élèves parlent des « MST » pour désigner l’utilisation des notes par les enseignants comme moyen de harcèlement sexuel à l’encontre des étudiantes. « Il [un professeur de lycée] a commencé à me faire des avances. J’ai commencé à refuser, refuser, refuser… jusqu’au jour où il m’a mis zéro à mon premier devoir », se souvient Mélanie – nom d’emprunt –, qui parle visage caché face à la caméra de l’AFP et se dit fière d’avoir « su résister ».

Comme d’autres élèves, la jeune femme, aujourd’hui étudiante à l’université Omar-Bongo de Libreville, n’hésite pas à parler de « harcèlement sexuel » de la part des professeurs qui utiliseraient les notes comme moyen de pression pour obtenir les faveurs de certaines élèves. Une autre étudiante sous couvert d’anonymat raconte avoir changé de filière après avoir refusé les avances d’un professeur qui lui a « rendu la vie infernale ».

Enseignants « prédateurs »

Dans les universités et les lycées, le sujet des « MST » alimente depuis des décennies les « kongossa » (la « rumeur » gabonaise), sans faire scandale sur la place publique. Le problème est connu et a déjà fait l’objet d’articles dans la presse dénonçant ces enseignants « prédateurs ».

Des hommes aussi veulent désormais prendre la parole. « Si une fille a un petit ami qui est étudiant, ce petit ami va subir les foudres de l’enseignant et aura des zéros lui-même pour amener la fille à céder », témoigne auprès de l’AFP Franck Matoundou, leader étudiant de l’université Omar Bongo qui dit avoir déjà porté le problème des « MST » devant l’administration.

Côté enseignants, on parle de « rumeurs », même si « le phénomène existe », reconnaît Valéry Mimba, chef du département d’études ibériques. « Quand la note de certaines étudiantes remonte, on va directement penser que celle-ci a couché avec l’enseignant », déplore-t-il. Mais les professeurs accusent des étudiants d’utiliser eux aussi différents moyens de pression pour faire du « chantage » sur les notes. « On m’a proposé de coucher pour remonter une moyenne », se plaint un chef de département sous couvert d’anonymat. Un autre enseignant dit avoir refusé 150 000 francs CFA (près de 230 euros) d’un étudiant qui voulait passer en master.

Pour l’administration, difficile de prouver l’existence du harcèlement sexuel de la part des enseignants : il faudrait que les étudiantes fassent remonter leurs plaintes auprès des chefs de départements, estiment ces derniers. « S’il y a des preuves incontestables sur un enseignant coupable, cette personne devra répondre de ses actes », s’insurge un représentant du ministère de l’enseignement supérieur. « Si ce phénomène existe, c’est inadmissible et le gouvernement condamne de tels actes », ajoute cette même source.

Peur de porter plainte

« Je comprends les étudiantes qui n’osent pas porter plainte », reconnaît un professeur, qui admet que les élèves aient peur des représailles et des complicités entre enseignants. Selon lui, l’administration universitaire a tendance à minimiser le phénomène des « moyennes sexuellement transmissibles », également constaté au lycée.

Certains élèves comme Franck Matoundou aimeraient voir naître une structure spécialisée pour briser le « tabou » et sortir de la peur de porter plainte. « Les propositions des étudiants sont les bienvenues », indique le représentant du ministère de l’enseignement, qui estime que l’institution n’a pas pu agir jusqu’alors, faute de preuves tangibles.

Membre de la Ligue estudiantine des droits de l’homme (LEDH), Franck Matoundou déplore l’utilisation du sexe comme « moyen de pression » ou « moyen d’échange » en milieu scolaire. Les mêmes pressions et tabous se retrouvent au sein des administrations et des entreprises, ajoute l’étudiant en droit, qui condamne l’utilisation de la femme comme « un moyen pour l’homme d’affirmer toute sa virilité mais aussi de montrer sa réussite sociale ».

En 2012, le président Ali Bongo avait dénoncé dans un discours « le harcèlement sexuel et le trafic d’influence qui prend de l’ampleur et démotive les personnes compétentes ». La loi gabonaise prévoit des sanctions au sujet du harcèlement sexuel contre « toute personne occupant une position hiérarchique ». Mais aucun professeur n’a été encore condamné par la justice pour de tels faits, reconnaissent des sources au sein des ministères de l’enseignement et de la justice.

Le Monde avec AFP

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