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High-tech

Une théière aux origines de la modélisation 3D

En 1975, un doctorant de l’université de l’Utah, aux Etats-Unis, créait le premier objet en 3D numérique. La « théière de l’Utah » fait désormais partie de l’histoire de l’informatique, dûment cité par l’exposition "Effets spéciaux" de la Cité des sciences à Paris.

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La vraie théière de Martin Newell exposée au musée de l'informatique de Mountain View, en Californie.

La théière de Martin Newell, exposée au musée d'histoire de l'informatique à Mountain View en Californie. Le modèle numérique est moins haut.

Marshall Astor/CC BY-SA 2.0

TEMPETE. Bien avant la recréation numérique de l’acteur Peter Cushing pour Star Wars : Rogue One, avant Gravity et L’Odyssée de Pi et leurs décors intégralement réalisés sur ordinateur, avant la tempête en images de synthèse d'En pleine tempête, avant même le robot en métal liquide de Terminator 2, il y a eu… une théière. Une théière en porcelaine blanche du fabricant allemand Melitta achetée à Salt Lake City en 1974 par un étudiant de l’université de l’Utah. C’est le premier objet transformé en une modélisation 3D réaliste sur ordinateur, celui à partir duquel les principes de la création d’artefact numériques se sont définis.

Pour ceux qui furèteront dans les détails, cette histoire est rappelée par l’exposition Effets spéciaux, crevez l’écran !, ouverte cette semaine à la Cité des sciences à Paris. C'était la moindre des choses, quand on sait combien l’informatique et les images de synthèses ont envahi les films, avec un photoréalisme confondant, et pas seulement dans le cinéma de science-fiction ou de super-héros, comme le rappelle l'exposition, chiffres à l'appui.

Un objet riche en courbes, en ombres et en reflets

Martin Newell était doctorant en informatique à l’université de l’Utah en 1975 (il y restera jusqu'en 1979). Alors qu’il travaillait sur la conception d’algorithmes capables de générer des rendus de lumière, d’ombre et de texture réalistes, il avait du mal à trouver un objet sur lequel les tester. Il cherchait quelque chose d'à la fois familier et assez complexe pour pouvoir simuler plusieurs effets. La petite histoire veut que ce soit sa femme qui lui a suggéré de numériser leur service à thé. Newell arrêta plus précisément son choix sur la théière : ronde, munie d’une anse, d’un bec, riche en courbes, en reflets et en ombres (celle de l'anse et du bec peuvent même se projeter sur le corps de l'objet), elle offrait tout ce dont il avait besoin.

Il a donc dessiné la théière sur une feuille de papier, relevé toutes les coordonnées, ce que l’on appelle les points de contrôle des courbes de Bezier, et les a entrées dans un ordinateur Tektronix. Le résultat, quasi-parfait, est une maquette blanche : aucune texture virtuelle n’a été ajoutée comme cela se pratique généralement pour créer un objet virtuel photoréaliste. La théière d’origine était blanche donc très proche d’une maquette numérique. Un collègue de Martin Newell, Jim Blinn, futur infographiste au Jet Propulsion Laboratory puis chez Microsoft Research, a toutefois voulu tester ses propres logiciels et a réduit la hauteur de la théière numérique, sans rien altérer du reste de ses proportions et de son réalisme. La « théière de l’Utah », ainsi que l’objet est désormais connu, est donc un peu moins grande que le modèle réel. Ce que l'on peut constater au musée de l’histoire de l’ordinateur à Mountain View où il est exposé sous le numéro de catalogue X398.84, de même que le dessin réalisé par Newell.

Devenu une référence dans le domaine de l’image de synthèse, le point de départ de tout ce qui a été fait depuis en images de synthèse, cette théière a fait l’objet d’un « œuf de Pâques » en 1995 dans l’économiseur d’écran de Windows à base de canalisations :

La même année, soit pour les vingt ans de la théière de l'Utah, les studios Pixar la glissent dans une séquence de Toy Story, film d'animation entièrement réalisé sur ordinateur:

Sur son stand au salon Siggraph, Pixar a pris l’habitude de proposer en goodies associés à son logiciel-maison RenderMan de simulation 3D une… théière qui marche ! Comme ici en 2013 :

Dans cette vidéo réalisée par le studio, toujours, on aperçoit le brouillon papier de Martin Newell sur lequel il avait dessiné la théière:

Même les Simpsons y sont allés de leur allusion, dans un de leurs traditionnels épisodes d'Halloween. En 1995, Homer Simpson apparaissait en modèle 3D. La théière se trouve quelque part dans le décor :

Et quand quelque chose se retrouve cité dans un épisode des Simpsons, ne cherchez pas plus loin: son importance culturelle est désormais établie !

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