Olivier, agriculteur 100% bio : «Ma terre ne meurt plus à petit feu»

Olivier Lainé n'utilise plus le glyphosate dans ses champs, alors que Mathieu y a encore recours. Deux agriculteurs normands évoquent ce sujet qui divise le monde paysan.

Saint-Aignan-sur-Ry (Seine-Maritime), mardi. Olivier Lainé cultive des céréales 100 % bios depuis dix ans.
Saint-Aignan-sur-Ry (Seine-Maritime), mardi. Olivier Lainé cultive des céréales 100 % bios depuis dix ans. LP/FRÉDÉRIC DUGIT

    Le glyphosate, c'est du passé pour Olivier Lainé. Cet agriculteur de 60 ans, qui cultive une soixantaine d'hectares de blé, de seigle, de sarrasin ou encore de colza dans le pays de Caux en Normandie, n'a pourtant pas été toujours contre l'utilisation de cet herbicide dont l'avenir est décidé ce mercredi par les Etats membres de l'Union européenne.

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    « En 1982, quand je me suis installé, c'était les débuts du Roundup, se souvient-il. Tout le monde s'est mis à l'utiliser, avec parcimonie à l'époque parce qu'il coûtait cher, car Monsanto seul commercialisait le produit. C'était le produit miracle entre deux récoltes pour retrouver un sol vierge et débarrassé des mauvaises herbes. Comme tout le monde, je me faisais avoir par les mensonges de la publicité de Monsanto qui assurait que son Roundup était biodégradable! »

    «Je travaille la terre de façon différente»

    Il a fallu quelques années à Olivier Lainé, devenu entre-temps militant à la Confédération paysanne, pour changer complètement son fusil d'épaule. « Le débat sur les OGM a servi de déclencheur, se souvient l'agriculteur installé à Saint-Aignan-sur-Ry, en Seine-Maritime. J'ai compris que l'argument biodégradable était bidon. Dans le même temps, Monsanto souhaitait importer son soja transgénique Roundup ready comme on dit, c'est-à-dire capable de tolérer son principe actif : le glyphosate. »

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    L'agriculteur passe au 100 % bio il y a dix ans. « Sans pesticide ni engrais chimique, je travaille la terre de façon différente, sans labourer et en la respectant en n'intervenant que de manière douce et naturelle, jusqu'à huit centimètres maximum dans le sol. Cela me donne beaucoup plus de travail, mon rendement est moindre, mais je vends plus cher mes produits bios. Et ma terre ne meurt plus à petit feu. »

    «Il faut nous laisser au moins cinq ans»

    Olivier Lainé fait un peu figure d'Astérix et sa ferme de village gaulois à Saint-Aignan-sur-Ry, car tous les agriculteurs qui l'entourent utilisent du glyphosate pour traiter leurs champs. « Je n'aime pas traiter avec des produits chimiques et vous ne trouverez aucun paysan en France qui aime ça, tempère Mathieu Letierce, 40 ans, son plus proche voisin. Mais cela me facilite grandement le travail. Je mets seul une journée à traiter mes 100 ha de terres à céréales au glyphosate alors que cela prend une bonne semaine à Olivier pour travailler ses 60 ha de la manière dont il a choisi de le faire. »

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    Mathieu fait pourtant partie, comme il le dit, d'une génération d'agriculteurs qui ont conscience de la nocivité des traitements chimiques et qui ont déjà évolué dans leurs pratiques. « Moi non plus je ne laboure plus en retournant profondément la terre comme on le faisait avant. Mais ma technique, qui consiste à semer en direct après une première récolte sans toucher au sol, nécessite l'usage du glyphosate au bout de deux récoltes. »

    Mathieu Letierce le reconnaît pourtant. « Le glyphosate est en sursis, mais il faut nous laisser au moins cinq ans, le temps de nous adapter et d'imaginer une autre façon de travailler. »

    Décision connue ce mercredi