La recette du professeur Lenglet pour faire revenir  la joie de vivre ? Moins de dépenses, plus de rigueur !

Dans “L’Angle Eco”, sur France 2, François Lenglet s’attaque aux déficits publics à coups de reportages dans la Creuse, en Bretagne et au Portugal. Avec un point de vue bien à lui.

Par Etienne Labrunie

Publié le 26 octobre 2017 à 20h30

Mis à jour le 08 décembre 2020 à 01h39

Nouveau cours d’économie du professeur François Lenglet. L’Angle éco, son émission magistrale, un jeudi par mois en deuxième partie soirée, s’offre une nouvelle session. Au programme ? « Au secours, les caisses sont vides ! ». Un titre qui promet son pesant de gabegie, de finances à la dérive et de comment a-t-on pu en arriver là ? On imagine le pitch. La dette se creuse et les fonds publics fondent comme plaque de beurre dans les rayons des supermarchés.

Pour illustrer son propos, Maître François nous emmène en sortie. Là où le grand gaspillage s’organise depuis des années. Rien ne vaut un bon TP loin des plateaux figés des JT. « Enquête sur les dépenses publiques en folie dans les collectivités territoriales », lance en préambule le présentateur. Direction Aubusson et le département de la Creuse à la découverte du territoire « le plus endetté de France par habitant », également, et ce n’est pas sans rapport, le moins peuplé de l’Hexagone. « Le déficit, ça creuse ! », titre l’émission, qui a décidé de faire dans le calembour. Ce département touché frontalement par la désertification rurale « est aussi celui qui compte le plus de fonctionnaires par habitant », souligne François Lenglet. D’ici à en faire une cause de la dette…

Dans une mise en scène digne des grandes heures d’Enquête exclusive, de Bernard La Villardière, sur M6, François Lenglet descend (en marche) du train à la gare d’Aubusson. Une gare désaffectée et justement à vendre sur le Bon Coin, comme d’autres bâtiments publics du territoire. Jean-Luc Léger, le président de la communauté de communes, l’attend sur place. Un état des lieux rapide. Le politique explique sa démarche, les factures impayées, la dette et un emprunt a priori falsifié sur lequel la justice doit d’ailleurs trancher. « Mais comment en êtes-vous arrivé là ? », lui rétorque le voyageur, avant que l’addition ne soit envoyée en incrustation : « 4 millions de déficit pour 10 millions de budget. » Des chiffres couperets auxquels s'ajoutent des courbes assassines. Le principe de l'émission. Mais attention : « Ce n’est pas moi qui le dis, c’est la Cour des comptes ». L’élu, tout penaud et à la bonne volonté évidente, ne peut qu’acquiescer. Au suivant.

Ça tombe bien, Michel Moine, mairie d’Aubusson depuis 2001 et ex-président de la communauté de communes (un transgresseur en puissance), « insiste pour nous faire visiter la ville ». Allez, en voiture, François, pour un « Aubusson tour » des grandes réalisations de la ville depuis seize ans. « Ce qui me sidère, c’est que vous ayez autant de commerces ouverts, c’est devenu très rare ! », lâche François pour faire la conversation. Le maire reste stoïque avant d’égrener les réalisations locales (le musée international de la Tapisserie, la Maison de l’emploi, celle de l’enfance, le théâtre ou la piscine municipale). François Lenglet reprend du poil de la bête : « Est-ce qu’Aubusson n’est pas l’exemple même de cette France droguée aux dépenses publiques ? » « Ce n’est pas de la dépense, c’est de l’investissement. Sans eux, y aurait-il une vie possible dans les territoires ruraux ? », répond le maire. Conclusion de Lenglet : « L’enfer des déficits est pavé de bonnes intentions. »

D’une voiture à l’autre, le boss de l’économie de France 2 file seul vers la Bretagne, non sans passer, bien sûr, sous l’un des « 174 portiques laissés à l’abandon, rouillant sur les autoroutes. » Vous savez, ceux qui devaient servir à récolter l’écotaxe, une taxe nationale sur les véhicules de transport de marchandises empruntant les routes françaises. Une mesure-phare du Grenelle de l’environnement, destinée à lutter contre la pollution due au transport routier. Un fiasco politique, écologique et financier sur fond de bonnets rouges. Inusable sujet de reportage et documentaire. Peu importe, pas question de faire l’impasse sur « le plus grand gâchis d’argent public depuis des décennies » (1,2 milliard d’euros) insiste François Lenglet. Là encore, titre choc : « L’écotaxe, les portiques de la honte ! » Un retour rapide sur l’affaire avec, au passage, une micro-foire (au salon de l’agroalimentaire breton) à la rencontre des « acteurs de la filière, autant d’anciens bonnets rouges toujours prêts à les ressortir ». Justement, où ont-ils mis leurs bonnets, s’enquiert, hilare, une journaliste. Jamais très loin. Un moment plus léger, sans courbe ni stat, mais qui ne doit pas faire oublier « cet incroyable gaspillage qui n’aide pas au déficit ». « Il faudrait faire le procès politique de cette affaire », propose d’ailleurs Gérald Darmanin, actuel ministre de l’Action et des Comptes publics, amené à réagir lors d’un court entretien.

Enfin, place à l’évasion (et pas seulement fiscale) avec une escapade au Portugal, « l’élève modèle de l’Europe ». De Lisbonne à Setubal, François Lenglet revient sur le redressement incontestable d’un pays « champion de la rigueur », au bord de la faillite en 2011. « Décidément, il n’y a pas qu’au foot qu’ils sont meilleurs que nous », glisse-t-il. Au prix toutefois d’une politique d’austérité (suppression de 9 % des effectifs de la fonction publique, baisse des salaires, hausse des impôts…). Non sans conséquences, comme pour ces pompiers trop peu nombreux face aux terribles incendies de l’été (plus de cent morts), ou pour cette professeure privée de 10 % de son salaire. François Lenglet multiplie les rencontres dans cette ville à « la lumière californienne qui ressemble de plus en plus à San Francisco ».

Et comme aux States (enchaînement), il y a des Start-up. Signe de réussite. Gros plan sur l’une d’elles : Uniplaces, « la Airbnb du logement étudiant », présentée comme « la success story du moment à Lisbonne ». Sa jeune directrice du marketing lâche sans sourciller : « Lisbonne est une ville géniale pour investir car nous avons des salaires très bas et une main-d’œuvre très qualifiée. » Elle répond à la question du visiteur, apparemment conquis par la start-up. « Mais est-ce que Lisbonne est le bon endroit pour se développer et trouver des investisseurs ? »

Des questions, il en a également plein à poser au ministre des Finances, Mario Centeno, arrivé au pouvoir dans le gouvernement d’union de la gauche en 2015, et qualifié de « Ronaldo des finances » par un Lenglet (décidément très foot). Un ministre qui jongle avec la dette « et vient même d’anticiper un remboursement de 6 milliards d’euros le matin même ». L’animateur n’est pas au bout des surprises. « On est étonné de voir un gouvernement de gauche poursuivre une politique de rigueur débutée par la droite ? » Le ministre répond : « Notre gouvernement a apporté de la confiance et a stabilisé socialement le pays en augmentant le smic, les retraites et en abaissant les taxes sur le travail. » Et la croissance est repartie, en même temps que le moral des Portugais. Conclusion de l’animateur, présentateur, éditorialiste : « La joie de vivre est revenue au pays de la saudade et du fado. »

Bref, il y a de la joie au Portugal, mais ce n’est pas le top en France. Pas sûr que le moral des ménages remonte en flèche après cette émission. Pas le but non plus. L’émission se veut pédagogique, ce qu’elle est, à l’image du boss. Pas simple de parler de gros sous sans perdre de l’audience. L’Angle éco tâtonne et hésite entre cash et investigation. Cash comme les sentences irrévocables de François Lenglet. Ainsi celle concluant l’émission : « L’argent public est indispensable, c’est pour cela qu’il faut le dépenser et l’utiliser à bon escient. » CQFD.

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