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Un père en deuil combat le lobby des armes

Un ours en peluche posé sur le lit, des chaussons de danse, un diplôme de l'université James Madison: la vie brutalement abrégée d'Alison Parker est résumée dans sa chambre à coucher, que ses parents conservent comme un mémorial.

Cette Américaine de 24 ans, promise à une brillante carrière de reporter, a été assassinée par balle en direct à la télévision, avec son caméraman Adam Ward, le 26 août 2015. Le tireur, un déséquilibré licencié de la chaîne, s'est donné la mort.

Ce jour-là tout a basculé pour Andy Parker, le père de la jeune fille. Afin de ne pas sombrer et de perpétuer l'énergie d'Alison, il a canalisé sa douleur en un combat contre la prolifération des armes à feu aux États-Unis.

«Mon coeur est à jamais brisé, mon âme a été broyée et cette tristesse pèse sur ma vie comme une maladie incurable, mais je reste en colère, cela me permet de tenir», dit-il en recevant des journalistes de l'AFP dans sa maison de Collinsville, à 460 kilomètres de Washington.

Cette région du sud-ouest de la Virginie est un bastion républicain. «Ici la culture des armes s'assimile à une religion, ils vénèrent les armes davantage que Jésus», décrit Andy, dont la montre à écran numérique affiche le visage aux cheveux blonds d'Alison.

L'État héberge le siège de la National Rifle Association (NRA), le premier et tout-puissant lobby des armes en Amérique.

Cette organisation, qui a soutenu Donald Trump à la présidentielle, bloque au Congrès toutes les tentatives pour légiférer sur les armes individuelles.

M. Parker, 64 ans, a fait du combat contre la direction de la NRA celui de son existence.

Dans les médias, dans les manifestations, partout où il peut, il dénonce l'anormalité des États-Unis, «seul endroit dans le monde civilisé où 90 personnes sont tuées par balle chaque jour».

Cet ancien acteur originaire du Texas ne craint pas de donner de la voix, lui qui est monté sur les planches à Broadway et n'a plus grand chose à perdre. Même l'ancien président Barack Obama l'a remercié pour son activisme.

Sa cible numéro un est Wayne LaPierre, le dirigeant de la NRA. Andy l'accuse d'avoir détourné la raison d'être d'une organisation qui oeuvrait initialement à un maniement sûr des armes à feu.

«Fondamentalement, c'est un marchand d'armes», martèle-t-il, en dénonçant l'argent des fabricants d'engins létaux qui inonde la sphère politique.

Les habitants de la Virginie sont appelés à renouveler leur assemblée législative et à se choisir un nouveau gouverneur le 7 novembre.

Après le massacre commis au début du mois par un tireur à Las Vegas --58 morts et près de 500 blessés--, la question de la limitation des armes individuelles est devenue centrale dans cette campagne vue comme un baromètre national.

La NRA a investi plus de 750 000 dollars, notamment en spots publicitaires télévisés, pour soutenir le candidat républicain, Ed Gillespie.

Elle lui a décerné l'excellente note de «A» pour «sa défense solide du deuxième amendement» de la Constitution, sur le droit de s'armer pour se protéger.

Juste après Las Vegas, M. Gillespie avait refusé d'évoquer des mesures pour limiter les armes, jugeant le débat prématuré.

Son adversaire démocrate, Ralph Northam, est lui très défavorablement noté «F» par la NRA.

«Nous n'avons pas besoin de fusils d'assaut dans nos rues», a-t-il déclaré. M. Northam s'est également prononcé en faveur de la restauration d'une loi limitant les achats d'armes à un par mois en Virginie.

Avant la tuerie dans une boîte gaie d'Orlando en 2016, la Virginie avait le triste record de la fusillade la plus meurtrière: un étudiant instable mentalement avait en 2007 abattu 32 personnes sur le campus de Virginia Tech.

Depuis Las Vegas, plus de 2.500 personnes ont été victimes des armes à feu en Amérique, souligne l'organisation Everytown for Gun Safety, financée par le milliardaire Michael Bloomberg, ancien maire de New York.

Everytown a investi près de deux millions de dollars en faveur de la campagne démocrate en Virginie.

D'autres associations existent. Mais, au final, les opposants aux armes affichent un front désuni face au bloc de la NRA, regrette Andy Parker.

«Certains jours sont plus durs que d'autres», confie-t-il, «mais si je ne le faisais pas, je me dirais que je la laisse tomber. Elle est ici avec moi», dit-il en se touchant le coeur.

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