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A Roissy, premières audiences au pied des pistes pour des sans-papiers

Malgré les oppositions des associations et des organisations d’avocats, l’annexe du tribunal de grande instance de Bobigny a ouvert, jeudi, à proximité de l’aéroport Charles-de-Gaulle.

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Publié le 27 octobre 2017 à 11h11, modifié le 27 octobre 2017 à 11h16

Temps de Lecture 3 min.

Annexe du tribunal de grande instance de Bobigny, près de l’aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle, le 28 août 2013.

Dans l’annexe du tribunal de Bobigny, jeudi 26 octobre, Geneviève regarde d’un air inquiet son neveu tendre ses trois derniers bulletins de salaire au juge, pour lui prouver qu’il vient ici comme touriste et non pour immigrer. Contrôlé quatre jours auparavant à sa descente d’avion, le jeune Ivoirien n’a pas été autorisé à entrer sur le territoire, sa réservation d’hôtel ayant été annulée faute de validité de sa carte bancaire.

Or, pour entrer dans l’espace Schengen, il doit notamment disposer d’une réservation d’hôtel ou d’une attestation d’hébergement valide. Le magistrat doit décider du maintien ou non du jeune homme dans le centre de rétention de Roissy, également appelé « zone d’attente pour les personnes maintenues en instance » (ZAPI). « Wilfried venait juste en vacances, pas pour rester ici », se désole sa tante. Il sera finalement libéré à la fin de la journée.

Ouverte officiellement le matin même, après plusieurs audiences expérimentales, la controversée salle d’audience jouxte le centre de rétention au pied des pistes de l’aéroport Paris-Charles-de-Gaulle. Ce projet de salle délocalisée – ancien mais gelé en 2013 par l’ancienne garde des sceaux Christiane Taubira – a été relancé en 2016. L’actuelle ministre de la justice, Nicole Belloubet, l’a défendu jeudi matin, lors d’une visite au tribunal de grande instance (TGI) de Bobigny, comme « une amélioration considérable ».

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« Relégation des étrangers »

Jusqu’alors, les étrangers non admis sur le territoire français devaient être conduits jusqu’au TGI de Bobigny, à une quinzaine de kilomètres de là – une opération qui demandait une logistique importante. Ils y patientaient toute la journée dans des conditions sommaires.

Les opposants à la salle – parmi lesquels on retrouve des organisations, comme la Ligue des droits de l’homme ou encore le Groupe d’information et de soutien des immigrés – demeurent cependant mobilisés contre un projet qui ne respecte pas, selon eux, plusieurs principes du droit.

Ils considèrent notamment que l’indépendance et l’impartialité du juge, ainsi que les droits de la défense, seraient mises à mal par la proximité entre le lieu de justice et la zone de rétention. « La justice doit être rendue dans un lieu neutre », affirme Laurence Blisson, secrétaire générale du Syndicat de la magistrature, qui dénonce une « sorte de relégation des étrangers ».

Autre argument : l’isolement de la salle, qui irait à l’encontre de la publicité des débats et qui compliquerait les visites des proches ou la venue d’interprètes. En attendant la reprise de l’audience, l’un d’entre eux peste. « Je ne viendrai plus ici, il n’y a même pas de machine à café, et rien pour manger non plus. »

Pas de permanences d’avocats

A l’intérieur de la salle, l’ordre des avocats n’ayant pas assuré de permanences pour marquer son opposition à l’annexe, la majorité des 13 étrangers présents jeudi doivent assurer leur défense seuls. Certains ont été arrêtés à leur descente d’avion car ils n’avaient pas assez de liquidités sur eux, d’autres car ils ne disposaient pas d’attestation d’hébergement valable.

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Devant le juge, une Malienne comparaît. Elle dit être venue voir, le temps d’un congé, son époux qui travaille pour quelque temps comme médecin dans un hôpital français. Elle produit une attestation d’hébergement du centre hospitalier, où il dispose d’une chambre. « Nous n’avons pas la carte d’identité de la personne qui a fait ce certificat », déclare le juge. Dans le public, le mari, Moussa, se lève : « Ma femme est bien payée, elle a un bon travail à Bamako, elle n’a aucun intérêt à vouloir rester en France. »

Il a fait une heure trente de route pour venir. Dans le public, une jeune femme en a fait le double avec son bébé de 3 mois. Elle patiente depuis le début de la journée. « Cette salle, c’est vraiment très loin. »

La décision est arrivée en début de soirée : « Sur les 13 personnes qui ont comparu, 4 ont été libérées », précise Laure Blondel, coordinatrice générale de l’Association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers (Anafé).

Quant au recours déposé par des avocats le matin même contre la salle, il a été rejeté. Comme celui qui avait été déposé mercredi 18, lors d’une audience expérimentale. Les opposants envisagent de faire appel. « Notre idée, c’est de ne pas laisser cette salle devenir le fonctionnement habituel de la justice », assure Laurence Blisson.

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