Félix Salcedo, ancien membre des Farc colombiens, travaille dans une plantation d'ananas, à Agua Bonita, le 25 octobre 2017

Félix Salcedo, ancien membre des Farc colombiens, travaille dans une plantation d'ananas, à Agua Bonita, le 25 octobre 2017

afp.com/Raul Arboleda

Vêtu d'un maillot du Bayern Munich, où joue la star colombienne James Rodriguez, cet homme de 38 ans se remémore ses 18 ans au sein de la plus importante guérilla du pays, les Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc), désormais dissoute et devenue un parti politique.

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C'est une mine antipersonnelle qui lui a valu de perdre son bras gauche, raconte-t-il alors qu'il arrose de pesticides la plaine où ont été semés 20.000 plants d'ananas.

Tourner la page du conflit n'a pas été chose facile. Non seulement l'accord de paix a pris du retard a être mis en pratique, mais en outre, les tentations sont fortes, pour les ex-combattants, de rejoindre les dissidents pour garder les armes et continuer de participer au trafic de drogue.

Mais, dans le petit village de La Montañita (sud), l'une des 26 zones où sont regroupés les près de 7.000 anciens membres des Farc s'étant engagés pour la paix, Félix n'oublie pas l'esprit collectif qui a prédominé dans la guérilla au long de ses 53 ans de lutte armée.

"Etre unis, (c'est) ce qu'il faut pour pouvoir travailler, pour pouvoir mener les projets de l'avant", assure-t-il à propos du champ d'ananas, planté grâce à un fonds commun créé par 150 ex-rebelles avec l'aide de subventions publiques.

Dans cette zone de jungle qui était un des bastions historiques des Farc, quelque 250 ex-guérilleros ont ainsi uni leurs forces pour entamer une seconde vie, dans l'agriculture, la pisciculture, la cordonnerie, l'ouverture de bibliothèques ou encore de boulangeries.

L'idée est de transformer ces zones de regroupement en villages pour les anciens membres des Farc et leurs familles, afin qu'ils y habitent et mettent en pratique les thèses socialistes à l'origine du mouvement.

- Se réinventer -

"Ce processus que nous menons est plus dur que la guerre en tant que telle (...), nous devons inventer ces projets et bien plus encore", souligne Danilo Ortiz qui, après avoir passé 20 de ses 34 années au sein de la guérilla, s'est réinventé cordonnier.

Le village de La Montañita, entouré de plantations vert émeraude et parsemé de maisons de tôle aux toits en zinc, est considéré comme une réussite dans le plan de paix visant à mettre fin au conflit armé le plus ancien des Amériques.

"Ce que nous voyons ici, c'est un bon exemple de la façon dont ce processus de réinsertion doit être mené", estime le Français Jean Arnault, chef de la mission de l'ONU en Colombie, chargée de superviser le désarmement puis le retour à la vie civile des guérilleros.

Mais malheureusement, ailleurs dans le pays, de nombreux ex-guérilleros ont quitté le chemin de ce programme post-conflit, décidant de gagner leur vie par leurs propres moyens ou de rejoindre la dissidence, qui a déjà recruté 500 à 800 hommes selon le Défenseur du peuple, Carlos Negret.

"Si les gens dans les campagnes ne voient pas arriver l'aide institutionnelle (de l'Etat), il va être très difficile de pouvoir avoir les conditions nécessaires du processus de paix", met-il en garde dans un entretien à l'AFP.

Les anciens commandants des Farc reprochent au gouvernement de Juan Manuel Santos de ne pas respecter ce qui a été négocié, mais ce dernier attribue les retards à des problèmes bureaucratiques et logistiques.

"Il faut réintégrer l'Etat dans toutes ces régions qui ont été laissées de côté", plaide l'un d'eux, Pastor Alape.

Félix et Danilo partagent la frustration de leur ancien chef, mais se veulent plus optimistes, souriant en pensant au résultat de l'"effort collectif" que représentera la vente de leur première récolte d'ananas en temps de paix.

"Unis, nous ne serons jamais vaincus", clame Danilo.

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