Messages, attouchements, remarques déplacées... les femmes journalistes ne sont pas épargnées.

Après la publicité pour le site richmeetbeautiful devant des universités parisiennes, une enquête a été ouverte pour "proxénétisme aggravé".

PHOTOPQR/VOIX DU NORD/MAXPPP

"Sortez avec un sugar daddy". La publicité itinérante du site richmeetbeautiful fait polémique. Stationné devant des universités parisiennes, un camion a invité, mercredi, les étudiant(e)s à vendre leur temps et leurs services à des hommes ou des femmes riches pour éviter les prêts étudiants. Le tout via leur site de rencontre. La mairie de Paris a dénoncé une campagne "abjecte". Une enquête a été ouverte par le parquet de Paris pour "proxénétisme aggravé".

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Pour autant, difficile de dire si le site peut être condamné. Il bénéficie d'un flou juridique en ne proposant pas clairement une activité lié à la prostitution mais plutôt d'escorting.

Mais de quel genre de rencontre s'agit-il en vérité entre ces "sugar daddy" et ces "sugar baby"? Célia est l'une d'entre elles. Du haut de ses 20 ans, cette étudiante en marketing à Paris assume "vendre [son] temps libre, voire [son] corps". "Les clients cherchent avant tout une compagnie, explique-t-elle à L'Express. On peut me solliciter pour une sortie au musée, au restaurant ou au cinéma. Un rapport sexuel peut suivre, mais ce n'est pas le seul motif du rendez-vous." Pour elle, ces "prestations" servent avant tout à "payer les factures".

Des clients "cadres, directeurs..."

La mise en relation se fait sur le site et les négociations s'effectuent par messages privés. Après s'être acquitté d'un abonnement mensuel au site, les "daddy" peuvent contacter les personnes dont les profils défilent. Avant de s'accorder sur un rendez-vous avec la personne choisie.

En échange de ce "moment", de l'argent bien sûr, dont le montant à l'heure est fixé au préalable. Et des cadeaux "bonus", selon les "faveurs accordées" aux clients. Célia dit "trier" ses clients sur le volet. "Uniquement des gens aisés. Directeur de sociétés, cadres... Essentiellement des cinquantenaires, souvent mariés", détaille-t-elle. Et la relation est souvent suivie sur le long terme, "pour pouvoir prévoir à l'avance les entrées d'argent".

Parfois, tout ne se passe pas comme prévu. "Difficile de savoir vraiment qui se cache derrière un écran avant la rencontre, dit-elle. Ce n'est pas rare de tomber sur des arnaqueurs ou des pervers." Célia a connu des expériences traumatisantes. "J'ai connu quelques moments déroutants. Certains pensent qu'ils peuvent tout se permettre du moment qu'ils paient. J'ai dû faire face à plusieurs tentatives d'agressions, voire de chantage. On se croit forte, mais on est vulnérable." Malgré cela, Célia continue de côtoyer des "suggar daddy", en posant des "limites".

"Dégradant et dangereux"

En cause, un certain "sentiment de domination", d'après Charline, 22 ans. Etudiante en communication à Rouen, elle finance "ses études et son mode de vie" grâce aux rencontres qu'elle fait sur un site de sugar dating. "Les clients savent que l'on subit notre situation, que l'on est avec eux par nécessité et pas par envie, déclare-t-elle à L'Express. Alors parfois certains en profitent pour nous faire des demandes dégradantes qu'ils ne feraient pas dans une autre situation."

Dans un an, elle aura terminé ses études. Un moment qu'elle attend avec impatience. "J'ai choisi cette option pour payer mon appartement, par nécessité. Mais je ne le souhaite à personne", s'exclame-t-elle.

Quand on l'interroge sur les slogans inscrits sur le camion publicitaire, elle hausse la voix: "ils veulent montrer ça comme quelque chose de fun. Ils sont dans leur rôle, ils vendent leur business. Le problème c'est que ce n'est pas un job comme un autre. C'est dégradant et dangereux."

Sentiment de "peur"

Julie, elle, n'est plus étudiante. A 23 ans, elle a obtenu un BTS commerce il y a déjà deux ans. Pourtant, elle continue à offrir ses services à des hommes et des femmes. "Par ces activités, j'ai gagné un certain niveau de vie que je n'avais pas précédemment, raconte-t-elle à L'Express. Je me faisais parfois plus de 1000 ou 2000 euros en un mois. Je m'achetais des sacs, des vêtements de grande marque, je fréquentais de grands restaurants... Difficile de redescendre quand on a connu tout ça."

Elle même se décrit comme "esclave" de cette situation. Pourtant, elle aimerait "laisser" ce sentiment de "peur avant chaque rendez-vous". "Mes meilleures amies sont au courant de ma vie de sugar baby, je leur envoie à chaque fois l'adresse et le nom du mec que je vais voir, si jamais il m'arrive quelque chose. J'aimerais lâcher, mais c'est comme si c'était cette vie qui m'avait choisie." Le "romantisme" et la "passion" affichés sur le camion publicitaire semblent bien loin.

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