Du beurre à prix d'or

Beurrerie coopérative dans l'Ain ©Maxppp - PHOTOPQR/LE PROGRES/MAXPPP
Beurrerie coopérative dans l'Ain ©Maxppp - PHOTOPQR/LE PROGRES/MAXPPP
Beurrerie coopérative dans l'Ain ©Maxppp - PHOTOPQR/LE PROGRES/MAXPPP
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C'est la crise qui a provoqué le plus de jeux de mots ces dernières semaines: une "crise du beurre" qui ne fait pas rire toute le monde tant elle est symptomatique des tourments qui traversent le monde agricole français ces dernières années. Une Bulle Eco signée Anne-Laure Chouin

Cette crise du beurre, qui dans certains de nos supermarchés s'est même transformée en pénurie, d'où vient elle? D'une forte hausse de la demande, et d'une relative faiblesse de l'offre : rien que de tres classique. Mais elle a une particularité bien française: dans nos magasins, la plaquette de beurre n'a pas ou très peu augmenté. Alors que sur les marchés mondiaux, on est passé en quelques mois d'un beurre à 2500 euros la tonne à un beurre à 6 500 euros la tonne.

Les raisons de la hausse des cours

Quelles raisons à cette hausse? D'abord, le retour en grâce de la matière grasse. Plus précisément, il semble que parmi d'autres facteurs, une Une du Time de 2014 intitulée "Eat Butter" et d 'autres articles scientifiques vulgarisés par la suite ont convaincu beaucoup de consommateurs américains que le gras-en tout cas celui du beurre- n’était plus à bannir.Avec des conséquences quasi immédiates, et très concrètes. Comme l'expliquent plusieurs experts dans un sujet consacré au beurre sur France 5

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Ajoutez à cela une demande asiatique de plus en plus importante: cela donne des marchés à l'export dont les transformateurs de beurre, parmi lesquels des géants de l'agroalimentaire, ont bien vu l’intérêt. Sans compter que le beurre, peut se stocker, pour attendre de se vendre, quand le cours est au plus haut.

Particularités françaises

L'offre, ensuite: la crise du lait, la mauvaise récolte fourragère, et l'hiver qui approchent ont contribué à faire diminuer la production. Et nous voilà avec cette situation paradoxale: un prix du beurre qui atteint des sommets et des producteurs de matière première, le lait qui ne s'en sortent toujours pas. Mais aussi es rayons de supermarché qui n'ont que très peu répercuté la hausse des cours: 7 à 8% en moyenne pour une plaquette classique. Quand en Allemagne, le beurre a augmenté en rayon de 150%.

"J'veux du beurre" chantait le groupe de rock "Au bonheur des Dames" dans les années 70. Mais qui touche l'argent de ce beurre aujourd'hui? La réponse à cette question, c'est l'illustration, jusqu'à l'absurde, selon les syndicats agricoles, de la crise qui touche le modèle agricole français, plus particulièrement, son modèle commercial.

On rappelle qu'en France c'est la grande distribution qui fixe les prix d'achat des produits alimentaires. Elle les fixe le plus bas possible. Les industriels répercutent ensuite vers les exploitants et producteurs, qui fournissent la matière première. On va donc du haut, vers le bas.

Par ailleurs ces prix sont fixé une seule fois par an, parfois même pour plusieurs années, sans possibilité de changer si les cours augmentent à la hausse ou à la baisse: le prix du beurre, par exemple, a été fixé en février dernier, et ne changera pas jusqu'en février prochain.

Une rigidité mortifère, accentuée par un déséquilibre patent, entre quelques géants de la grande distribution se menant une guerre du prix le plus bas, face à une multitude de petits producteurs qui n'ont pas réussi à s'organiser correctement. Voilà comment certains distributeurs préfèrent laisser leurs rayons vides, plutôt que de payer plus cher un beurre que les distributeurs vont alors vendre à l'étranger.

Une nécessaire transformation du modèle

Cette rigidité, ce déséquilibre, c'est tout l'enjeu de la transformation du modèle agricole que souhaite Emmanuel Macron. Mais avant lui d'autres ont pris les devants: "C'est qui le patron" par exemple cette marque qui propose une bouteille de lait au juste prix: en informant le consommateur sur ce qu'il paye exactement : quel fourrage, pour quel type de bête, pour quel salaire du paysan, pour quelle mise en bouteille, pour quel frais de transports, pour quelle marge du distributeur etc. La marque fait fureur, ce sont des millions de briques de lait qui se sont écoulées depuis quelques mois. Un exemple qu'ont certainement en tête les distributeurs, les industriels et les coopératives qui se préparent en ce moment: leurs négociations annuelles commerciales commencent mardi.

Par Anne-Laure Chouin

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