A l’occasion du déplacement de la statue de Jean Paul II et de sa croix, lundi 11 juin, nous republions une version actualisée de cet article initialement publié en octobre 2017.
C’est un déplacement d’une trentaine de mètres qui ne passe pas inaperçu : lundi 11 juin, la mairie de Ploërmel (Bretagne) retirera la statue de Jean Paul II et sa croix du parking public qu’elle dominait depuis une douzaine d’années pour rejoindre l’enceinte d’une école privée.
La raison ? Mercredi 25 octobre 2017, le Conseil d’Etat a confirmé l’injonction, prononcée en première instance, de retirer la croix installée dans cette commune du Morbihan. Durant le week-end qui a suivi la décision du Conseil d’Etat, de nombreuses photos de croix accompagnées du mot-clé #MontreTaCroix ont déferlé sur Twitter, légendées de plusieurs contre-vérités.
Non, supprimer la croix sur la statue, ce n’est pas comme supprimer une église
Le motif invoqué par le Conseil d’Etat pour exiger le retrait de la croix surplombant la statue du pape Jean Paul II est très simple : le respect de la loi de séparation des Eglises et de l’Etat. L’espace public ne peut être affublé d’aucun signe religieux.
La décision du Conseil d’Etat sépare par ailleurs « l’acceptation du don à la commune de la statue », un bien culturel, et « l’existence [distincte] d’une décision du maire de procéder à l’installation d’une arche et d’une croix en surplomb de la statue », un acte à la portée cultuelle. Le tout avec des fonds publics.
En première instance, le tribunal de Rennes avait jugé que la statue en elle-même n’était pas contraire à la loi (et même l’association Libre pensée du Morbihan, qui a porté plainte, a estimé que « la statue ne comport[ait] pas de symbole prosélyte »). Mais le tribunal avait en revanche tranché que sa disposition sous une arche surmontée d’une croix, « symbole de la religion chrétienne », présentait « un caractère ostentatoire », notamment par ses dimensions, 8 mètres de haut au total.
Par ailleurs, pour supprimer une église (dont la majorité appartient à l’Etat), il faut suivre un processus très strict. L’article 13 de la loi de 1905 définit les conditions pour désaffecter un lieu de culte :
- que le culte n’y ait pas été célébré pendant plus de six mois consécutifs ;
- que la conservation de l’édifice religieux soit « compromise par insuffisance d’entretien » ;
- ou que cet édifice soit détourné de sa destination.
D’après l’Observatoire du patrimoine religieux en France, vingt églises qui ne sont plus utilisées sont vendues chaque année. Parallèlement, environ deux mille cinq cents ont été construites au XXe siècle. Deux cathédrales ont même été inaugurées en banlieue parisienne, à Evry (Essonne) en 1996 et à Créteil (Val-de-Marne) en 2015.
Non, l’Etat ne retirera pas les croix dans les cimetières
Le sénateur Les Républicains Roger Karoutchi se trompe : ni les cimetières ni les églises ne sont concernés par la décision du Conseil d’Etat. Ce dernier l’a rappelé : aux termes de l’article 28 de la loi du 9 décembre 1905, « il est interdit d’élever ou d’apposer aucun signe ou emblème religieux sur les monuments publics ou en quelque emplacement public que ce soit, à l’exception des édifices servant au culte, des terrains de sépulture dans les cimetières, des monuments funéraires ainsi que des musées ou expositions ».
Par ailleurs, les cimetières militaires étrangers ne sont pas concernés par la loi française, contrairement à ce que laissent entendre certains tweets s’insurgeant contre un présumé manque de respect à la mémoire des soldats morts pour la France, dont la tombe est ornée d’une croix. Il s’agit en effet de concessions perpétuelles faites par la France aux pays belligérants de la seconde guerre mondiale et gérées par des organismes dédiés dans chaque pays.
Non, il n’y a aucun rapport avec la construction de minarets
Contrairement à ce qu’affirme l’élu frontiste Grégoire de Fournas, la construction d’édifices religieux, qui dépend de financements privés, n’est nullement en cause dans la décision du Conseil d’Etat. « Les édifices cultuels sont une des composantes les plus symboliques de la liberté de culte », rappelle une communication du ministère de l’intérieur de 2016.
Le minaret, tour de plusieurs mètres qui orne généralement les mosquées les plus importantes, est une composante du lieu de culte. On comptait en 2009 seulement soixante-quatre mosquées dotées de minaret pour près de deux mille cinq cents lieux de prière musulmans, soit 2,5 % environ, en partie pour des raisons financières.
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